Les banques américaines entre prospérité et diversification

L'année 2004 aura été celle des records dans le secteur bancaire américain. Merrill Lynch, Goldman Sachs ou encore Bank of America ont publié les meilleurs résultats de leur histoire. Merrill Lynch a enregistré une hausse de 16% de son bénéfice net sur l'ensemble de l'année, à 4,4 milliards de dollars. De son côté, Goldman Sachs a affiché une croissance de 51% à 4,55 milliards de dollars. Et Bank of America a publié un bénéfice net en progression de 31% à 14,1 milliards de dollars pour l'exercice. "Durant l'année 2003 ainsi que durant la première partie de l'année 2004, les banques ont bénéficié d'une activité obligataire extrêmement forte. Elles ont en effet participé au grand mouvement de désendettement des entreprises qui ont rééchelonné leurs dettes grâce à des montages financiers", explique à latribune.fr Pierre Bailleux, gérant chez ING.Enfin, les résultats records enregistrés sur l'exercice sont principalement dus à des efforts sur les coûts, mais aussi à une diversification des sources de revenu: "les banques ont joué sur deux leviers: elles ont coupé dans les coûts variables (exemple: les bonus des employés) et elles ont accru le trading pour compte propre", détaille Pierre Bailleux.Rentabilité sous pressionPourtant, cette série de résultats exceptionnels ne doit pas occulter une certaine fragilité de la reprise, qui s'est illustrée par une forte volatilité des résultats tout au long de l'exercice, avec notamment une baisse des bénéfices et une chute des chiffres d'affaires généralisées au cours des deuxième et troisième trimestres pour les banques dites globales. Et pour cause. "Depuis le second semestre 2004, le mouvement de rééchelonnement de la dette des entreprises montre des signes d'essoufflement, pour ne pas dire qu'il semble arriver à son terme. Les taux et surtout les spreads obligataires sont en effet très bas et les entreprises ont donc moins d'intérêt à refinancer. Il y a bien un risque de trou d'air à ce niveau", estime Pierre Bailleux.Le relèvement des taux d'intérêts de la Fed ne sera donc pas neutre. "La profitabilité devrait être moins favorable en 2005 qu'en 2004, mais restera cependant saine", commentent de leur côté les analystes de Standard & Poor's, qui considèrent que la hausse progressive des taux de la Fed, qui a repris depuis le mois de juin 2004, est le point critique qui affectera les bénéfices en 2005. Morgan Stanley révise ainsi à la baisse les estimations de bénéfice par action de Citigroup pour 2005, en raison "d'une pression plus importante sur les marges d'intérêts dans un environnement de courbe des taux plane".Mais d'autres risques pèsent encore sur les bénéfices des banques en 2005. En effet, si l'activité de fusions et acquisitions semble reprendre de la vigueur en ce début d'année, avec coup sur coup les acquisitions de Gillette par P&G et d'AT&T par SBC (voir ci-contre), les marges sur cette activité devraient rester sous pression, après plusieurs années de crise.Autant de zones d'ombres sur la croissance des bénéfices des banques américaines qui font dire à Pierre Bailleux que: "l'année 2005 ne devrait pas être une année particulièrement enthousiasmante".Les voies de la diversificationPour autant, les établissements gardent des ressources et cherchent à contourner les obstacles. Ils empruntent ainsi le chemin de la diversification des sources de revenus, afin de lisser leurs bénéfices.Cette orientation stratégique s'est illustrée pour JP Morgan par l'acquisition, en 2004, de la banque de détail Bank One pour 58 milliards de dollars. Si l'intégration du réseau a été synonyme de sacrifices tout au long de l'exercice 2004, elle devrait contribuer de manière très positive aux comptes de JP Morgan dès 2005. La banque devrait en effet enregistrer des économies de coût annuelles de 3 milliards de dollars.La banque de détail a d'ailleurs déjà fait ses preuves en termes de soutien à la croissance des grands établissements. Ainsi, Bank of America et Citigroup ont profité de leur forte présence sur ce secteur pour compenser un environnement de marché peu favorable, notamment en milieu d'année. Une résistance qui permet à Pierre Bailleux d'estimer que "si mouvements de rapprochement il y a en 2005, ils pourront être faits avec des banques de détail - par des banques d'investissement pures qui sont à la recherche de dépôts pour faire face à la demande de prise de risque croissante émanant de leurs clients - ou alors, il devrait s'agir de rachats de morceaux de banques de moindre envergure". Une opinion partagée par Standard & Poor's: "dans le but d'atteindre ses objectifs de croissance, Citigroup pourrait continuer à faire des acquisitions, se concentrant sur les réseaux et sur les services financiers à forte croissance et forte rentabilité", estiment les analystes de l'agence de notation.Expansion internationalePar ailleurs, d'autres modes de diversification sont mis en oeuvre par les banques pour diminuer la volatilité de leurs résultats. Morgan Stanley a ainsi opté pour une présence plus importante dans les cartes de crédit. Du coup, cette activité a représenté près de 20% du bénéfice imposable et 15% du produit net bancaire pour l'ensemble de 2004. Sur l'exercice, elle a vu son bénéfice progresser de 16%... De quoi compenser par ailleurs la baisse de 20% enregistrée sur un an par la division Investisseur individuel.Enfin, la diversification des sources de revenus et des risques prend aussi le chemin de l'expansion internationale dans le cas, notamment de Merrill Lynch ou de JP Morgan. Merrill Lynch a ainsi développé une activité en Chine, suivant JP Morgan dans cette voie. Ce dernier a pris récemment le contrôle de la banque privée britannique Cazenenove (également présente en Asie). Citigroup, pour sa part, qui vient de se désengager de son assurance vie, chercherait à se développer à l'international dans la banque de détail (voir ci-contre). Globalement, la poursuite de cette tendance pourrait bien mener les banques américaines à regarder de plus près le marché européen, et notamment français. Difficile pour la Société Générale, par exemple, de lutter le cas échéant contre un mastodonte comme Citigroup, dont la capitalisation est près de huit fois supérieure à la sienne...
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