Nouvelle qualification pour les spécialistes du corporate finance

Les spécialistes de la finance corporate commencent à être confrontés à ce terrible dilemme. Pour prouver leur valeur, les banquiers de fusions et acquisitions ont toujours montré avec fierté les trophées remportés sur les "deals" qu'ils ont menés à bien. Mais il se pourrait que les banquiers exhibent bientôt avec fierté les lettres "CF" apposées sur une feuille de papier. C'est en tous cas ce que souhaiterait un consortium comprenant l'institut anglais des titres et investissements (the UK Securities and Investment Institute), l'institut des experts-comptables d'Angleterre (the Institute of Chartered Accountants of England and Wales) et l'institut canadien des experts-comptables (the Canadian Institute of Chartered Accountants) qui a tenu ce mois-ci une réception à Londres dans le but de lancer un nouveau diplôme dans le domaine de la corporate finance. Chris Ward, directeur de la division corporate finance du cabinet Deloitte & Touche, explique que ce type de diplôme est voué à devenir le mode de sélection des spécialistes de la corporate finance. "Nous souhaitons créer un diplôme que les financiers travaillant dans les cabinets d'audit, banques d'affaires et sociétés de private equity devront avoir."Comme le diplôme destiné aux analystes financiers et gestionnaires de fonds (the Chartered Financial Analyst qualification), le CFQ sera composé de trois niveaux, de juniors à professionnels hautement qualifiés. Ce n'est qu'après l'obtention du troisième niveau que les spécialistes acquerront la certification CF. Parmi les matières, on trouve la réglementation, l'éthique et les techniques de fusions et acquisitions. Les premiers niveaux devront répondre à des QCM tandis que les futurs détenteurs de la certification CF devront faire une présentation dans le domaine des fusions et acquisitions devant un jury. Les spécialistes de la finance corporate seniors pourront passer outre ce processus: un comité prendra en compte leurs réalisations passées et pourra leur accorder cette accréditation rétrospectivement. La qualification CF aspire à être internationalement reconnue. Les plaquettes de présentation promettent qu'elle va bouleverser le monde de la qualification professionnelle en offrant à ceux qui aspirent à faire de la finance corporate une alternative aux MBA. Les cabinets d'audit soutiennent ce projet. Selon Ward, dix juniors en corporate finance commencerent à préparer le premier examen en septembre tandis que les employés seniors chercheront à obtenir la qualification par équivalence. Tony Osude, directeur de la formation post-qualification à ICAEW, affirme que les spécialistes de la corporate finance de Ernst & Young, PricewaterhouseCoopers et KPMG ont déjà rejoint ce programme, tout comme ceux de BDO Stoy Hayward, Grant Thornton et Baker Tilly. Tony Osude explique cependant que les banquiers d'affaires constituent le coeur de cible. "Ce programme est surtout destiné aux banques qui contrôlent près de 70% du marché de la corporate finance. Nous prévoyons qu'une douzaine de banques commencera à préparer le CFQ l'année prochaine", explique-t-il. Le ICAEW a du chemin à faire avant de transformer son rêve en réalité. Sur cinq financiers seniors contactés, seul Rupert Faure-Walker, managing director chez HSBC, connaissait l'existence de ce programme. Le directeur de la formation en banque d'affaires d'une grande banque américaine nous a expliqué : "nous n'en avons jamais entendu parler. Cela semble intéressant mais nous devrons faire de nombreuses vérifications avant de nous lancer." Faure-Walker a expliqué qu'il soutenait la nouvelle qualification dans la mesure où cela attirera l'attention du public sur le professionnalisme des spécialistes de la finance corporate à Londres : "les gens ne se rendent pas compte que les banquiers de Londres n'ont pas bonne réputation en termes D'intégrité. Tout ce qui peut améliorer leur réputation est une bonne chose." HSBC doit encore s'engager à former ses employés. Jon Moulton, directeur exécutif du groupe de private equity Alchemy Partners, soutient également la qualification CFQ : "dans la mesure où les difficultés techniques et la complexité des métiers de la corporate fiance se sont accrues, il pourrait être utile d'avoir une norme internationale." D'autres spécialistes de la corporate finance ont été moins convaincus par la nécessité d'un mode de reconnaissance de la profession. Selon Raimund Herden, co-directeur international des fusions et acquisitions et de la corporate finance chez Dresdner Kleinwort Wasserstein, les financiers pourraient profiter d'une telle qualification mais toute certification devra être examinée de près. "Il faut passer par une longue période de formation afin de devenir médecin mais la plupart de ces qualifications n'ont pas d'autre objet que d'assister à quelques séminaires préparatoires", affirme-t-il. Pour Marc Vincent, directeur de la banque d'affaires chez Mediobanca en France, la qualification n'est pas réellement nécessaire en Europe continentale pour entrer dans la profession dans la mesure où la plupart des personnes aspirant à faire de la corporate finance ont déjà étudié des matières de finance à l'université. "Au Royaume-Uni, il n'est pas rare de voir quelqu'un se diriger vers la banque après avoir étudié la littérature anglaise. En France, les jeunes ont plus souvent un Master en finance en commençant." Si le CFQ tient ses promesses, cela signifiera que la préférence est à la formation spécialisée et aux standards de performance codifiés. Certaines sociétés parient que ce phénomène aura lieu quoi qu'il arrive. BPP Financial Training, organisme de formation, prévoit de proposer un Masters en Finance maintenant que le gouvernement anglais a autorisé les sociétés privées à offrir des formations universitaires depuis novembre dernier. Pour Phil Morey, managing director, les banques ont montré qu'elles étaient intéressées. "Elles savent que nous avons l'expertise nécessaire pour faire ce type de formation et les étudiants qui sortiront de chez nous seront mieux préparés au monde du travail", explique-t-il. A des niveaux plus seniors, le CFQ dépendra de la demande des clients. Pour Herden, les clients ne choisiront pas pour autant un banquier au détriment D'un autre pour la seule raison que le premier a obtenu cette accréditation. "Une qualification ne fera pas de vous un meilleur banquier. C'est un domaine où l'on apprend par l'expérience et en faisant des "deals". Vous devez aussi avoir de bonnes qualités personnelles, ce qui est difficile à évaluer dans un cadre académique."
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