Deux ans après le scandale, Parmalat fait son grand retour en Bourse

Parmalat sort de la salle de réanimation. Après deux ans de cessions, de restructurations et de combats acharnés avec ses créanciers, le groupe agroalimentaire italien sort d'une longue période de coma. Jeudi 6 octobre, Parmalat a retrouvé la Bourse de Milan pour tenter d'y démarrer une deuxième vie. Après avoir ouvert au cours de 3,15 euros, le titre a conclu sa première journée de cotation en baisse de 3,96% à 3,02 euros à la Borsa Italiana, ce qui valorise le groupe à environ 5 milliards d'euros. Mais il est vrai que les questions posées quant aux perspectives d'avenir du groupe sont telles que dès le lendemain, vendredi après-midi, le titre a été suspendu à la baisse et a terminé sur une chute de 12,89% à 2,63 euros.L'administrateur de Parmalat Enrico Bondi a estimé que le prix d'ouverture de 3,15 euros était un "bon prix". "Le vainqueur de ce défi est le système Italie dans toutes ses composantes", a-t-il ajouté, "l'Italie a su réagir et Parmalat est maintenant une réalité industrielle". "L'administration extraordinaire est mise de côté et la parole est désormais au marché", a conclu Enrico Bondi.Le processus d'introduction en Bourse de Parmalat s'était brutalement accélérée depuis que, samedi 1er octobre, le tribunal de Parme a autorisé les banques créancières de Parmalat à titriser leurs dettes. Ce qui leur a permis de convertir leurs dettes en actions, si bien qu'elles détiennent aujourd'hui plus de la moitié du capital de Parmalat.Montagne de dettesAvec cette nouvelle entrée en Bourse, le groupe revient de loin. C'est en décembre 2003 que l'Italie découvre avec stupeur que le géant de l'agroalimentaire, une institution dans le pays, croule sous une montagne de dettes. Le scandale éclate et fait apparaître au grand jour un système de fraudes comptables qui a creusé un trou de 14,3 milliards d'euros dans les comptes de Parmalat. La situation du groupe est telle qu'il ne parvient même plus à honorer des dettes de quelques dizaines de millions d'euros... Le scandale est d'autant plus grand que les nombreuses banques de Parmalat l'ont poussé à investir massivement sur le marché obligataire. Ce qui avait le double avantage de leur permettre de se rembourser, avec les fonds levés, les prêts qu'elles avaient accordés au groupe et dont elles savaient à quel point ils étaient compromis, et de leur apporter de juteuses commissions. Le groupe se voit alors contraint de céder des actifs non-stratégiques comme Eurofood, le club de football de Parme ou encore ses activités touristiques Parmatour. Depuis, il s'est recentré sur son coeur de métier, à savoir les produits laitiers et les jus de fruits. Une fois ce décrassage opéré, l'exploitation s'est nettement améliorée. Grâce au recentrage stratégique, l'excédent brut d'exploitation de Parmalat a progressé de 25% sur l'année 2004 par rapport à 2003.Pour les années à venir, le groupe prévoit même de dégager un bénéfice net de 121,2 millions d'euros en 2005 et de 167,8 millions en 2006. D'ici 2007, Parmalat attend une croissance moyenne annuelle de 1,4% de son chiffre d'affaires. D'après ses prévisions, la marge brute d'exploitation devrait progresser en moyenne de 19% par an. Elle s'établirait ainsi à 454 millions d'euros en 2007 contre 269 millions d'euros en 2004.Mais à grand malade, grand combat. L'administrateur de Parmalat Enrico Bondi a bataillé pendant ces longs mois contre les créanciers du groupe, à qui il réclame des dommages et intérêts pour avoir laissé Parmalat s'enfoncer dans la faillite. Depuis un an, Enrico Bondi a donc porté plainte contre plusieurs grandes banques créancières (voir ci-contre) et cabinets d'audit à qui il réclame au total 60 milliards d'euros de dommages. A ce jour, les plus grandes banques mondiales se retrouvent assignées en justice par le groupe agroalimentaire. Parmalat réclame à Citigroup, Bank of America ainsi qu'aux cabinets Deloitte & Touch et Grant Thornton 10 milliards d'euros chacun. Sans oublier 4,4 milliards d'euros pour JP Morgan et Unicredit ainsi que des dépôts de plainte contre Deutsche Bank, UBS, Morgan Stanley ou encore Banca Intesa. Aujourd'hui, alors que Parmalat est sur le chemin de la Bourse, le combat d'Enrico Bondi contre les banques pour récupérer un maximum de dommages et intérêts continue.Tutelle gouvernementaleLa longue rééducation de Parmalat n'a toutefois été possible que grâce au soutien sans limite du gouvernement italien. Déjà, fin 2003, le gouvernement vole au secours du groupe parmesan et adopte en urgence une procédure de sauvetage pour les grandes entreprises. Une opération montée sur-mesure pour Parmalat. Puis, pendant près de deux ans, le gouvernement de Silvio Berlusconi épaule le groupe agroalimentaire. Afin d'éviter la faillite et de sauver les 36.000 emplois du groupe, Parmalat est alors placé sous tutelle gouvernementale. Le ministère de l'Industrie a approuvé durant ces longs mois le plan de redressement et les cessions qui ont été nécessaires à la survie du groupe.Près de deux ans après "l'escroquerie du siècle", selon l'expression du procureur milanais de l'époque, Parmalat est donc revenu sur les devants de la scène à la Bourse de Milan. Environ 25% du capital du groupe agroalimentaire a été mis sur le marché. Ce retour prématuré en Bourse, et à une valorisation plutôt faible, favorise les convoitises autour de Parmalat. Depuis l'annonce du retour en Bourse du groupe parmesan, les prédateurs se dévoilent les uns après les autres. L'Italien Granarolo et le Français Lactalis se sont officiellement déclarés "intéressés" par une reprise de Parmalat. "Ce n'est pas possible qu'on ne regarde pas Parmalat comme le font d'autres groupes", a déclaré à l'AFP un porte-parole de la société Lactalis. Du côté italien, "nous étudions une offre, probablement une offre d'achat et d'échange mais ce ne sera pas dans l'immédiat. Nous allons voir comment évolue la situation", a indiqué la directrice générale de Granarolo, Rossella Saoncella. Les rumeurs parlent également d'Unilever ou de Nestlé. Dans une économie italienne déjà fragile, les autorités gouvernementales entendent bien conserver leur mainmise sur Parmalat. Selon le ministre italien de l'Agriculture Gianni Alemano, Parmalat "devra rester italien [...] et nous y veillerons". A peine de retour en Bourse, Parmalat pourrait être l'objet d'une belle bataille...
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