Jean-Claude Trichet reste sourd aux appels à la modération

Malgré la progression de l'euro à un plus haut depuis deux ans face au billet vert, et les appels des politiciens à un assouplissement de la politique monétaire, le gouverneur de la BCE Jean-Claude Trichet relèvera très probablement ses taux à 3,5% jeudi.

C'est pratiquement acté. Le gouverneur de la Banque centrale européenne (BCE) Jean-Claude Trichet l'a pré-annoncé lors de ses dernières interventions, il procèdera jeudi prochain à un sixième tour de vis de ses taux depuis décembre dernier. Le taux directeur sera donc porté à 3,5%, après une sixième hausse d'un quart de point en douze mois. Certain de la vigueur de la croissance dans la zone euro, Jean-Claude Trichet estime qu'elle est suffisamment solide pour absorber facilement le retour à une neutralité monétaire. Car comme il le martèle, le loyer de l'argent reste aujourd'hui à un niveau "accommodant".

Reste que cette nouvelle hausse va renchérir l'attrait de la monnaie unique, déjà proche d'un plus haut depuis deux ans. En raison des incertitudes qui pèsent sur la croissance américaine, l'euro caracole désormais au-dessus du seuil de 1,33 dollar. Un niveau qui alarme les politiciens, français en particulier. La "dépréciation récente" du dollar face aux autres devises "doit susciter notre grande vigilance collective", a estimé la semaine dernière le ministre de l'Economie et des Finances, Thierry Breton. De son côté, le Premier ministre Dominique de Villepin a appelé de ses voeux le mois dernier une "véritable stratégie" européenne de change et a exclu de laisser la BCE agir seule en la matière alors que le niveau actuel de l'euro pénalise, selon lui, certains exportateurs européens.

Un point de vue que ne partage pas le Commissaire européen en charge des Affaires économiques et monétaires Joaquin Almunia. Selon lui, cette parité n'a pas défavorisé le commerce extérieur de la zone euro, davantage pénalisée par l'envolée des prix du pétrole. Le déficit commercial français ne peut donc être mis sur le compte d'une monnaie trop chère. C'est un réel problème de compétitivité dont souffre l'Hexagone.

D'ailleurs, les exportations allemandes, elles, se portent bien et l'Allemagne enregistre chaque mois un fort excédent commercial. Le ministre allemand des Finances Peer Steinbrück a déclaré aujourd'hui à Paris qu'il ne fallait "pas trop dramatiser" le niveau élevé actuel de l'euro face au dollar et qu'il fallait "se garder de toute intervention politique" en la matière, à l'issue d'une rencontre avec son homologue français Thierry Breton.

"Les alarmes ne sont pas justifiées, l'euro se maintient dans les limites de l'évolution normale", a de son côté déclaré hier Joaquin Almunia, en précisant toutefois que la préoccupation sur les taux de change était permanente et qu'il suivait de "très près" son évolution. Même certains économistes craignent un durcissement de la politique monétaire européenne.

Ainsi Joseph Stiglitz, prix Nobel d'économie et professeur à l'Université de Colombia a New York, a déclaré : "La BCE devrait s'inquiéter du fort niveau de l'euro et abaisser ses taux d'intérêt (...). Mais la Banque centrale restera probablement passive sur la vigueur de la monnaie unique, bien qu'elle accentue la faiblesse de l'Europe". Sur le pronostic des futurs mouvements de la BCE, Joseph Stiglitz est probablement dans le vrai.

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