Fantastique "Tempête"

Dominique Pitoiset met en scène l'ultime chef-d'oeuvre de Shakespeare et joue avec les codes du théâtre.

Aux Atelier Berthier, "La Tempête", ultime chef-d'oeuvre de Shakespeare, souffle d'un vent neuf. Sur le plateau, des caisses de bois reposant en désordre sur le sable. Elles figurent l'antre de Prospero, interprété par le metteur en scène Dominique Pitoiset lui-même, magicien dont la cape a laissé place à une robe de chambre et la baguette à une canne d'aveugle. Exilé avec sa fille, déchu de son titre de duc de Milan par son frère usurpateur, il commande les esprits surnaturels de l'île.

Comme expliqué dans sa note d'intention, Pitoiset a longtemps réfléchi à la façon dont on pouvait, aujourd'hui, aborder cette pièce. Si son parti pris laisse moins de place aux relations entre Prospero et sa fille, il transcrit à la perfection et avec originalité un climat fantastique qui fait de sa "Tempête" aussi bien une réflexion sur la mémoire que sur le langage théâtral.

Deux heures durant, les trouvailles de mise en scène se multiplient. La première, la plus brillante, inspirée du Bunraku japonais, est d'avoir représenté les nobles usurpateurs échoués sur l'île par des pantins prenant vie grâce à des manipulateurs entièrement revêtus de noir. Des marionnettes qui voleraient presque la vedette aux acteurs de chair et d'os s'ils n'étaient pas, eux aussi, formidables. Comme Houda Ben Kamla, actrice tunisienne de petite taille en particulier, qui joue de sa voix et de son corps singuliers, un moment avec tendresse, celui d'après avec exubérance. Elle s'exprime en français, d'autres parlent italien ou allemand. Aux langues s'associent les langages théâtraux faisant se côtoyer la pétulance de la commedia dell'arte et le réalisme brechtien.

Pitoiset mélange les genres, surprend, mais évite la confusion grâce à un rythme parfaitement maîtrisé. Cette nouvelle "Tempête" ne donne à aucun moment l'effet d'une compilation d'artifices mais celui d'un bouquet à l'harmonieuse étrangeté.


"La Tempête" de William Shakespeare, mise en scène de Dominique Pitoiset. Jusqu'au 2 juin aux Ateliers Berthier (Odéon-Théâtre de l'Europe), Bld Berthier, 75017, Paris. Tél: 01.44.85.40.40

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