Mutations contemporaines

A la "Maison Rouge", Antoine de Galbert met en regard des oeuvres de sa collection et celles du japonais Tetsumi Kudo. Un parcours captivant.

Les deux expositions qui viennent de débuter à la "Maison Rouge" se répondent avec une pertinence rare. D'un côté, une rétrospective consacrée à Tetsumi Kudo, artiste japonais décédé en 1990. De l'autre une sélection de la collection personnelle d'Antoine de Galbert, le créateur du lieu. Les liens: l'écologie, la mutation d'un monde contaminé, le traumatisme de la guerre.

Tetsumi Kudo est né en 1935 à Osaka. Il a donc dix ans quand explose la bombe à Hiroshima. Cette tragédie deviendra le point central de toute son oeuvre. Il débute dans les années 50 au sein de groupes inspirés de Dada. On parle à l'époque d'anti-art pour qualifier ses performances politiquement engagées. A partir de son arrivée en France en 1962, son travail s'affirme dans une direction qu'il ne quittera plus, explorant les métamorphoses de l'homme et son rapport à la technologie.

L'oeuvre intitulée "Pollution-Cultivation-Nouvelle écologie (Grafted Garden)" résume bien l'univers singulier de l'artiste. Elle représente un grand jardin au sein duquel cohabitent plantes, fleurs et organes humains. La végétation se mêle à la chair, la terre pénètre les pores. Des tiges métalliques se dressent comme autant de tuteurs contribuant à cette culture macabre. Accroché à l'une d'elle on croit reconnaître le visage mutilé de Ionesco. Tetsumi Kudo avait participé aux décors de son film "La Vase" en 1970. La collaboration s'était mal passée...

Les autres pièces exploitent la même cruauté qui mêle l'humour au désespoir. Pendant plusieurs années Tetsumi Kudo réalisa de nombreuses cages, boîtes et autres aquariums peuplés de créatures étranges. Sur leurs perchoirs, des oiseaux aux formes phalliques s'alignent. Plus loin, des poissons nagent entre algues et cerveaux. L'organique rejoint l'électronique par l'intermédiaire de circuits complexes. La mutation du monde est engagée.

Un étage plus bas, les oeuvres choisies par Antoine de Galbert complètent cette vision d'une humanité en transformation. C'est parfois insoutenable, comme ces photos de Guillaume Herbaut qui témoignent des survivants de Nagasaki. D'autres oeuvres sont moins tragiques, et la dérision s'installe en douce. On peut rester longtemps à déchiffrer l'immense installation du collectif autrichien Gelatin, truffée de détails plus cocasses les uns que les autres. Un drôle de théâtre des horreurs, mi-chambre d'enfant, mi-laboratoire, au centre de laquelle une énorme peluche rose subit une césarienne. Comme avec le travail de Tetsumi Kudo, la vingtaine d'oeuvres du parcours porte des regards singuliers sur le monde, entre horreur et fascination, drôlerie et détresse.


"Tetsumi Kudo: La Montagne que nous cherchons est dans la serre" et "Mutatis, mutandis, extraits de la collection Antoine de Galbert", jusqu'au 13 mai.
La Maison Rouge. Fondation Antoine de Galbert. 10, Bd de la Bastille, 75012 Paris, Métro Bastille.
Ouvert du mercredi au dimanche de 11h à 19h, nocturne le jeudi jusqu'à 21h.
www.lamaisonrouge.org

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