La Grande Guerre saisie par les poilus

Le Palais du Tau à Reims accueille une passionnante exposition de photographies consacrée à la Première Guerre mondiale. Des documents réalisés par les poilus au coeur des combats. Tous avaient été publiés dans le journal Le Miroir entre 1915 et 1918. Une découverte.

La plupart sont partis au combat la fleur au fusil, persuadés d'atteindre Berlin en quelques semaines. De cette Grande Guerre, dont tous espéreraient ensuite qu'elle serait la Der des Der, les poilus ont rapporté des récits d'horreur. Et des centaines de clichés réalisés au coeur de la bataille ou dans les tranchées.

La mémoire collective n'en a pourtant gardé aucun souvenir. Jusqu'à ce qu'une jeune historienne, Joëlle Beurier, se plonge dans les archives du Miroir, un magazine entièrement illustré de photographies. Et découvre parmi ces images celles envoyées du front par les soldats. L'occasion d'une exposition captivante au Palais du Tau à Reims, rassemblant des exemplaires originaux de l'hebdomadaire dont certaines photos ont été reproduites en grand format sur des panneaux, ou montées en diaporama.

Incroyable magazine que ce Miroir, créé en 1910, dont le prix dérisoire et la maquette luxueuse espèrent capter toutes les classes sociales. Pour fidéliser ses lecteurs, le journal lance de nombreux concours de photographies. Comme ce 14 mars 1915 où il promet 30.000 francs (une somme astronomique à l'époque) pour la photo la plus saisissante du conflit. Des centaines de clichés commencent alors à affluer du front, probablement réalisés par des officiers.

Leur témoignage tranche radicalement avec la propagande véhiculée par le Ministère de la Guerre. Car nombre de ces apprentis photoreporters n'hésitent pas à s'approcher au plus près des combats. Jusqu'à immortaliser l'explosion des obus, mais aussi l'état des tranchées jonchées de corps démembrés après l'assaut. Les glorieux soldats de l'armée française apparaissent ici emmitouflés dans des peaux de bêtes comme de vulgaires miséreux luttant contre le froid, quand ils ne sont pas occupés à traquer les rats.

Contrairement à une idée reçue, aucune de ces images n'a été censurée. A y regarder de plus près aussi, toutes annoncent ce photojournalisme moderne dont la naissance a jusqu'à présent été liée à la guerre d'Espagne. Une exposition passionnante, riche en découvertes et en révélations.


"Quand Le Miroir racontait la Grande Guerre". Palais du Tau, 2 place du Cardinal Luçon, 51100 Reims. Tél: 03 26 47 81 79. Jusqu'au 8 avril. Catalogue: "Images et violence 1914-1918" de Joëlle Beurier. Nouveau monde éditions, 150 pages, 70 reproductions, 23 euros.

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