Vlaminck, le fauve bondissant

Le Musée du Luxembourg expose une centaine d'oeuvres de Vlaminck d'avant 1915, souvent lumineuses, parfois exceptionnelles. Une surprise, car sa peinture d'après la Grande guerre reste particulièrement décriée. A découvrir.

Fils de musiciens, Maurice de Vlaminck (1876-1958) est un autodidacte de la peinture. En 1900, il se lie d'amitié avec Derain, et ensemble ils s'installent à Chatou. Là où Derain (qui dessinait longuement avant de prendre ses pinceaux) peignait une toile, Vlaminck en réalisait deux, voire trois: sa production, influencée par Van Gogh, se retrouve au salon de 1905 où ne se distinguent que ses couleurs, brutes et épaisses, dans un décorum simpliste et évocateur. Il réinvente un art de peindre, provocateur et coloriste qu'un mouvement pictural s'approprie: c'est le fauvisme, mouvement auquel adhèrent Braque, Matisse, Derain, Marquet, Signac, qui ne durera que quelques années pour laisser place notamment au cubisme.

Le Musée du Luxembourg consacre ainsi une grande partie de ses cimaises à cette période faste pour Vlaminck, d'autant qu'en 1910, le marchand Vollard lui achète une grande partie de son atelier, l'éloignant à jamais de la misère. Accrochées avec élégance aux murs gris, écrus et jaunes, se retrouvent ainsi quelques tableaux remarquables: un très vif "Ramasseurs de pomme de terre" inspiré de Van Gogh, de nombreuses déclinaisons d'une Seine aux vagues irisées à Chatou (pécheurs, chalands, voiliers, ponts), d'étonnants portraits ("La fille du rat mort" est joliment mise en exergue) et quelques natures mortes déjà moins pertinentes. Car si ces premières oeuvres sont exceptionnelles de couleurs et de gaîté (la variété de rouges sublimées par exemple dans le "Paysage d'automne"), les tableaux suivants s'enlisent dans l'inachevé, comme si l'artiste avait du mal à approfondir son travail. S'essayant au cubisme sans vraiment s'impliquer, préférant désormais le gris terne et le bleu nuit aux à-plats vifs, les années d'après 1912 marquent un virage sombre et tourmenté, qui sera encore plus caractéristique entre les deux guerres, d'où une réputation détestable pour l'artiste, d'autant que Vlaminck a été de ceux qui en 1944 ont participé à un voyage organisé en Allemagne par les forces d'occupation.

De cette exposition, ce sont donc les trois premières salles et leur scénographie qu'il faut retenir, tout comme, autre découverte, la vingtaine de vases, assiettes ou plats colorés réalisée avec l'aide du grand céramiste André Matthey, ou encore ces quelques fabuleuses statues africaines de l'artiste, qui fit connaître "l'art nègre" à Picasso ou Breton.

Jusqu'au 20 juillet, Musée du Luxembourg, Paris. Renseignements: www.museeduluxembourg.fr Catalogue coédité par sVo et Skira, 223 pages, 32 euros. Numéro spécial de Connaissance des arts, 68 pages, 9 euros

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