L'oeil des Barbier-Mueller

Les amateurs d'art primitif le savent : cette famille genevoise possède la plus belle collection privée du monde d'objets africains et océaniens. En voici une sélection. Incontournable.

Que serait le monde - de plus en plus vaste - des Arts premiers sans la tribu Barbier-Mueller ? Il y a 100 ans, le banquier suisse achetait sa première oeuvre d'art et à 23 ans possédait une collection de Cézanne, Van Gogh, Holder... Dès 1920 il s'intéresse à l'art "Nègre" et, boulimique et passionné, acquiert nombre de statuettes, masques, objets de tribus alors inconnues, toujours avec un "oeil" avisé, c'est-à-dire les meilleures pièces, les plus représentatives, les plus élégantes, les plus symboliques.

Sa fille, son gendre et désormais son petit fils, tous fortunés, poursuivent cette passion, avec la volonté de mieux faire connaître ces arts venus d'ailleurs. Outre leurs musées (Genève et Barcelone), la famille fait don de nombre de ses pièces représentatives (l'exposition du Musée du Quai Branly à Paris consacrée au peuple indonésien Batak comporte une majorité d'objet en provenance des Barbier-Mueller), et laisse volontiers photographier ses chefs d'oeuvres afin qu'ils soient représentés dans les ouvrages de référence - et d'illustration - consacrés aux Arts premiers. Jean Paul est l'auteur d'un incontournable livre sur "Les civilisations perdues" aux Editions Assouline. C'est dire que l'exposition présentée par le Musée Jacquemart-André s'avère exceptionnelle, car on y trouve "en vrai", dans un écran de verre, la plupart des représentations qui habituellement ne figurent que dans les livres.

La manifestation se décline en sept salles, et en autant de thèmes. Le visiteur commence par ce que les amateurs considèrent comme ce qu'il a de plus "intense" dans l'art africain, les reliquaires gabonais dont une statuette Fang encore luisante d'huile (pour que son visage brille à la pleine lune). Suivent les expression fines de la Cote d'Ivoire, avec notamment un masque jumeau Baoulé (la fille en rouge, le garçon en noir), puis un passage en Insulinde (une offrande Adu Sirarha des Nias) un tour chez un couple de pierre Toba Batak de Sumatra, un surprenant passage africain au Bakongo avec un immense fétiche à clous avec (rareté) sa lance d'origine et son chien à double face, puis en Mélanésie qui propose notamment une très élancée coupe anthropomorphe Daveniyagona avant de terminer par un ensemble exceptionnel coloré de l'Archipel de Bismarck, dont un masque d'initiation Witu aux dents en allumettes serrées. Même si la plupart de ces objets sont connus via les ouvrages dédiés, les amateurs trouveront dans cette exposition de quoi compléter leurs connaissances, en approchant de près ces merveilles uniques. Les moins initiés trouveront dans cette remarquable exposition - bonne lumière, nombreuses explications - l'occasion de mieux appréhender l'expression de civilisations lointaines. Pour les Barbier-Mueller, le pari de mieux faire connaître les Arts premiers est donc gagné. Une fois de plus.

Jusqu'au 24 août, "Les chefs d'oeuvres de la collection Barbier-Muller", musée Jacquemart-André, 158 bd. Haussmann, Paris 8. Renseignements : www.musée-jacquemart-andre.com
Parmi les nombreux livres traitant des collections Barbier-Mueller, celui édité par Hazan (402 pages, 39 euros) accompagne au mieux cette exposition.

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