"Il y a longtemps que je t'aime" : la double peine de Juliette

Passant pour la première fois derrière la caméra, l'écrivain Philippe Claudel réussit avec "Il y a longtemps que je t'aime" un film très émouvant. L'histoire d'une femme doublement condamnée, par la société et par sa famille. Un rôle superbement interprété par Kristin Scott Thomas, tout en sobriété.

On savait déjà que Philippe Claudel était un conteur hors pair. Depuis "Meuse l'oubli", son premier roman, publié en 1999, il a accumulé les succès d'édition. Le cinéma, il l'avait déjà abordé avec le scénario de "Sur le bout des doigts", tourné par Yves Angelo en 2002, puis avec l'adaptation par le même réalisateur des "Ames grises". Ces expériences lui ont donné l'envie de maîtriser l'ensemble de la production d'un film, du scénario à la réalisation. Bien lui en a pris, son premier film est une réussite, une oeuvre grand public et néanmoins exigeante, dans la lignée de Claude Sautet, avec une pointe de gravité en plus.

Cette réussite tient aussi beaucoup aux acteurs, en particulier au personnage principal tenu par Kristin Scott Thomas qui se présente sans fard (dans tous les sens du terme) dans ce rôle de femme meurtrière et meurtrie. La comédienne britannique installée à Paris tient là son premier vrai grand rôle de ce côté-ci du Channel.

Situé à Nancy, sa ville, que Claudel filme avec amour, "Il y a longtemps que je t'aime" est nettement moins sentimental que ne le suggère son titre. C'est un film grave sur une femme brisée par un drame intime, un être tendu, anguleux, enveloppé d'un mystère sur lequel Claudel lève peu à peu le voile, les énigmes s'enchaînant les unes aux autres jusqu'à la fin du film où elles finissent pas s'éclairer.

Kristin Scott Thomas incarne Juliette, une femme brisée, cueillie à sa sortie de prison par sa soeur Léa (pétulante Elsa Zylberstein). Si on ne connaît pas la raison de cette incarcération, on sait qu'il s'agit d'une affaire gravissime, qu'elle l'a coupée de sa famille, du moins de ses parents qui non seulement ne lui ont jamais pardonné mais en plus ont interdit à sa soeur cadette tout contact avec la condamnée. C'est en quelque sorte une double peine - sociale et familiale -infligée à cette femme qui au bout de 15 ans de prison n'en a pas tout à fait fini, elle n'est qu'en liberté conditionnelle, elle doit régulièrement se présenter au commissariat. Ce qui est l'occasion de rencontrer un policer peu banal (excellent Frédéric Pierrot), aussi meurtri qu'elle.

Les retrouvailles avec sa famille, ce n'est pas Juliette qui les a provoquées mais sa soeur qui lui ouvre chaleureusement les portes de sa maison, lui confiant combien elle a souffert de cette séparation. Chacun dans la nichée de sa soeur et dans le cercle des amis s'interroge sur cette longue absence. Mais qu'on ne compte par sur Juliette pour s'expliquer, encore moins se justifier. Le drame qu'elle a vécu se révèle en effet absolu. Il n'y a rien ni personne qui puisse y remédier.

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