Affaire Erika : le tribunal correctionnel de Paris rend son jugement

Huit ans après la marée noire qui avait dévasté 400 km de côtes françaises, le tribunal correctionnel de Paris rend mercredi son jugement sur les responsabilités du naufrage de l'Erika, affrété en décembre 1999 par Total pour livrer du pétrole en Italie. Les parties civiles réclament un milliard de dommages et intérêts.

Le jugement qui sera rendu mercredi par le tribunal correctionnel de Paris dans le procès du naufrage du pétrolier Erika, survenu au large de la Bretagne il y a huit ans, aura d'importantes conséquences juridiques pour l'industrie pétrolière et le monde de la mer. Pour la première fois, la France juge une affaire de pollution maritime de cette dimension et tranche la responsabilité éventuelle d'un affréteur, à savoir Total, première société française et quatrième groupe pétrolier privé mondial.

L'Erika, navire vieux de 24 ans, s'est brisé en deux le 12 décembre 1999 dans une tempête avant de sombrer, déversant 20.000 tonnes de fioul sur 400 km de côtes, tuant des dizaines de milliers d'oiseaux et ravageant la faune et la flore marines. L'équipage avait été sauvé de justesse par hélitreuillage. Après sept ans de procédure et quatre mois de procès, sept condamnations à des peines de prison avec sursis et des amendes, dont celle du groupe Total et de deux filiales, ont été requises le 4 juin à l'audience par le parquet de Paris.

Contre le groupe Total SA, a été demandée une amende de 375.000 euros, sanction maximale pour "pollution maritime", une autre amende de 375.000 euros pour sa filiale Total Transport et une troisième d'un montant laissé à l'appréciation du tribunal pour la filiale Total Petroleum Services.

Ces sanctions détermineront le plus important, les éventuels dommages et intérêts à verser à la centaine de parties civiles - régions, départements, communes, Etat français, associations et personnes privées. Elles réclament au total environ un milliard d'euros, dont 153 millions pour l'Etat, ainsi qu'au passage la reconnaissance de la notion nouvelle de "préjudice écologique". Le parquet évalue la facture entre 500 millions et un milliard d'euros, à payer solidairement par tous les condamnés. La relaxe de Total pour l'autre chef de "complicité de mise en danger de la vie d'autrui" est demandée par le parquet.

Total qui dit avoir déjà payé 200 millions d'euros au titre de cette catastrophe, plaide la relaxe. "Dans tout grand sinistre qui provoque l'émotion du public, il faut trouver un diable disponible. Cela explique le mal, la douleur. Ce diable, c'est Total. Le diable est puissant, a tout fait, est responsable de tout", avait déclaré dans sa plaidoirie en juin son avocat, Me Daniel Soulez-Larivière.

La société se voit reprocher en particulier le "vetting" de l'Erika mené en novembre 1998, qui aurait été défaillant. Cette procédure de contrôle interne à la société est systématique mais n'est pas obligatoire légalement. Total ne voit donc pas comment on peut lui faire des reproches et s'appuie sur le droit international qui prévoit qu'en principe l'affréteur n'est pas responsable des naufrages, sauf cas particulier que le tribunal devra justement délimiter. La société se dit victime d'un "vice caché" et renvoie la responsabilité de la catastrophe sur la société privée de classification italienne Rina (Registro navale italiano), de réputation mondiale, qui a délivré à l'Erika son autorisation de naviguer après des contrôles contestés.

Devront enfin être déterminées les responsabilités de Giuseppe Savarese, ex-propriétaire italien du navire, et Antonio Pollara, ex-gestionnaire de l'Erika, contre lesquels ont été demandés un an de prison avec sursis et 75.000 euros d'amende chacun. Quant au capitaine indien du pétrolier, Karun Mathur, absent du procès et mis en cause pour avoir accepté d'embarquer alors qu'il savait le navire vétuste et pour des erreurs de commandement, une peine de 10.000 euros d'amende est demandée à son encontre.

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