France-Italie : qui va gagner ?

La France et l'Italie ont tous deux fait l'objet d'une dégradation de leur note souveraine la semaine dernière. L'occasion pour notre contributeur, Pierre-François Gouiffès, de tenter de savoir lequel des deux a l'économie la plus attractive...
Match France-Italie (c) Reuters

La comparaison France-Allemagne est à la mode. Nous nous proposons ici un autre « classico » européen, le match France-Italie en matière économique et budgétaire. Cela est intéressant pour une double raison :
- il s'agit des 2ème et 3ème économies de la zone euro (21% du PIB de la zone euro pour la France et 16% pour l'Italie)
- les deux pays viennent de faire l'objet d'une dégradation récente des notes de leurs émissions de dette souveraine : Moody's a passé l'Italie de BBB+ à BBB le 9 juillet & Fitch a dégradé la France de AAA à AA+ le 12 juillet dernier.

Les notes actuelles des 3 principales économies de la zone euro sont présentées sur le tableau ci-dessous.


  Allemagne France Italie
Fitch Ratings AAA AA+ BBB+
Moody's AAA Aa1 Baa2
Standard & Poors AAA AA+ BBB



Evaluation externe des dettes publiques française et italienne
 

  • Revue des agences de notation

Même si les agences de notation font l'objet de critiques récurrentes (selon Michel Aglietta et Thomas Brand, « elles se contentent de définir des critères subjectifs hétéroclites qui sont extrêmement frustes et qui n'ont pas évolué depuis les années 1920 où elles ont débuté la notation souveraine. Elles enrobent leur appréciation subjective d'une pseudo rationalité : indicateurs multicritères ad hoc, quantification de l'opinion sur la situation du pays par rapport aux critères, pondération subjective des critères, pour aboutir à une note »), il est intéressant de voir ce qu'elles disent de la situation des deux pays.
Dans son communiqué de presse du 9 juillet sur l'Italie, Moody's fait de la faiblesse de la croissance le problème majeur de l'Italie : croissance moyenne annuelle inférieure à 0,04% sur la dernière décennie, prévision de croissance 2013 à -1,9%, PIB par habitant 2013 de 25.000? inférieur à son niveau de 2007. Cette Italie languissante souffrirait en outre d'une compétitivité chancelante du fait d'une croissance de la productivité insuffisante et de taux d'intérêt élevés.

Concernant la revue de la France faite par Fitch le 12 juillet dernier, l'agence met en avant le niveau atteint par la dette publique française (prévision d'un niveau de 94% du PIB en 2014) qui l'exclut de fait du club « AAA ». Elle liste en outre tous les défis structurels auxquels le pays doit faire face : dégradation de sa compétivité (déficit désormais récurrent de la balance courante), faiblesse de son taux de croissance actuel (tout en estimant le taux de croissance potentiel de l'économie à 1,5%). Elle indique néanmoins toute une série de point forts hexagonaux : richesse économique et stabilité politique, maturité moyenne de la dette publique de sept ans, solidité de l'épargne privée, politique de compétitivité du gouvernement...
 

  •  Coût de financement

Au-delà des opinions des agences de notation, on constate que la France bénéficie de conditions de financement long beaucoup plus favorables que l'Italie : le spread France-Italie sur le taux à 10 ans, très faible jusqu'à début 2009, a dépassé les 4% début 2012 pour se situer actuellement au-delàs de 2%.



Il en résulte des coûts de financement de la dette publique très différents : le taux d'intérêt apparent de 2012 (intérêts payés sur la dette rapportés au stock moyen de dette) était de 2,95% pour la France contre 4,36% pour l'Italie, soit un surcoût italien de financement de 1,40%.

 Le match France-Italie de la performance macroéconomique

Les tableaux des pages suivantes proposent quelques éléments de comparaison entre la situation des deux pays.

  • Pib par habitant

Concernant la richesse globale, la France a un PIB par habitant supérieur d'environ 5.000? à celui de l'Italie (30.000? contre 25.000?) et cet écart couplé à une population française substantiellement plus important (65 millions d'habitant contre 59) induit un écart encore concernant le PIB total (PIB français globalement supérieur d'un tiers au PIB italien).

  • Croissance

La France dont la croissance est considérée comme médiocre a néanmoins le plus souvent une performance supérieure à une Italie en quasi-stagnation depuis 10 ans, et en récession depuis 2011.

  • Chômage

Concernant le chômage, les deux pays ont un chômage élevé, la France s'étant éloigne de la zone des 10% uniquement entre 2006 et 2008 et ayant un chômage moyen le plus souvent supérieur à celui de l'Italie.

Les deux pays sont en outre marqués par un taux de chômage des jeunes particulièrement élevé (2 à 3 fois supérieur au taux de chômage moyen). Le taux italien a progressé sans discontinuer depuis 2008 pour atteindre le niveau considérable de 35% des moins de 25 ans au chômage en 2012.
 

  • Solde extérieur

Concernant le solde extérieur, la performance italienne est en revanche structurellement supérieure à la performance française (creusement du déficit hexagonal quasiment sans discontinuer depuis le début des années 2000). L'écart est devenu massif en 2012-2013 : déficit de 2 points de PIB pour la France contre un excédent de plus de 3 points pour l'Italie.



Cela signifie que l'Italie a à la différence de la France un excédent d'épargne interne lui permettant notamment un financement interne de son déficit public, ce qui n'est pas le cas de la France.

Le match des finances publiques
 

  • Niveau des dépenses publiques

La France a désormais le niveau de dépenses publiques quasiment le plus élevé du monde OCDE, avec un écart de 6 points de PIB avec l'Italie : 56% pour la France contre environ 50% pour l'Italie en 2012-2013.


Il est important de noter que l'Italie dépense près de 5% de son PIB pour payer les intérêts sur sa dette, soit le double de la France (2,7% du PIB en moyenne sur la dernière décennie).
Cela signifie un écart de dépenses hors charges d'intérêt de 9 points de PIB entre la France et l'Italie.

  • Niveau des déficits

L'Italie a un solde budgétaire total en général moins déficitaire que celui de la France, avec un écart entre 1 et 2 points de PIB depuis 2009, par exemple un déficit italien de 3% en 2012 contre 4,8% pour la France.

La situation italienne est encore plus favorable quand on s'intéresse au solde primaire (déficit hors intérêts de la dette) : sur la dernière décennie, l'Italie est quasiment en permanence en excédent primaire (2009 étant la seule exception) alors que la France est au contraire quasiment tout le temps en déficit primaire (sauf en 2006-2007). Il en résultant un écart très important de déficit primaire entre les deux pays, de l'ordre de 5 points de PIB en faveur de l'Italie.

  • Niveau de la dette

Il en résulte des développements précédents sur les déficits une tendance à la réduction de l'écart entre les niveaux des dettes italienne et française :
- en 2002, la dette italienne représentait déjà 105% du PIB italien après une importante décrue dans les années 1990 (dette à 121% du PIB en 1995) contre moins de 56% pour la France : l'écart était alors de 46% et le ratio dette/PIB italien n'était pas loin du double du ratio équivalent français ;
- en 2012, la dette italienne est remontée à 127% du PIB notamment du fait de la forte dégradation de ses conditions de financement depuis 2008, mais dans le même temps la dette française a monté à 90% du PIB ; l'écart France-Italie est passé à 36% du PIB et le ratio dette/PIB italien n'est plus que 1,4 fois supérieur au ratio français.



Feuille de match macro-budgétaire


Les points saillants du match France-Italie sont donc les suivants :

- un écart significatif de PIB par habitant en faveur de la France ;
- une croissance très faible dans les deux économies mais particulièrement atone depuis longtemps en Italie ;
- un taux de chômage élevé dans les deux pays mais avec un niveau très préoccupant du chômage des jeunes qui touche un moins de 25 ans sur 4 en France et 1 sur 3 en Italie ;
- une compétitivité externe manifestée par la balance courante clairement meilleure en Italie ;
- un niveau de dépenses publiques italiennes nettement plus bas que le niveau français en dépit de coûts de financement français nettement plus favorables ;
- un déficit public Italien plus bas que le niveau français, l'écart devenant encore plus net si l'on exclut les intérêts sur la dette par l'analyse du solde primaire ;
- une dette italienne considérable, encore nettement supérieure à la dette française, mais avec un écart qui s'est nettement réduit en dix ans.

 

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Commentaires 5
à écrit le 21/07/2013 à 9:33
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c'est vrai que la dette italienne continue de monter bien que les déficits se réduisent le niveau de la dette étant trop élevé . C'est ce qui se passera en France si on relance l'économie par des déficits . Beaucoup mieux mobiliser les capitaux p...

à écrit le 19/07/2013 à 12:58
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Le match est serré. Bon reportage. Nos 2 bombes à retardement européennes ont besoin de réformes conséquentes que l'on appelle "structurelles". Les 2 pays se caractérisent pas des systèmes politiques archaïques et d'une population particulièrement r...

le 19/07/2013 à 13:39
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Encore un de vos commentaires à hauteur de vos positions néo libérales... Que n'avez vous suggéré à l'économie américaine -qui était en mars de 1640O milliards avant relèvement !- pour résorber sa dette, d'assouplir encore un peu le quantitative eas...

le 19/07/2013 à 15:47
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L'Italie a cependant un avantage car la structure industrielle est encore en bon etat et la balance commerciale est positive.

le 19/07/2013 à 15:51
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L italie est en effet une bombe, mais pas la France a ce stade et pour les raisons exprimees dans l article: en depit d un meilleur controle budgetaire, d un poids de l etat dans l economie plus faible et d une competitivite externe superieure,l Ital...

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