Ce qu'il faut retenir du XIIème Congrès National du Peuple...

Restructuration du gouvernement, réaffirmation des priorités économiques et surtout élaboration du nouveau "Rêve Chinois" par Xi Jinping, sont les résultats les plus évidents du Congrès qui s'est déroulé durant près de trois semaines dans une capitale asphyxiée par la pollution de l'air.

 En marge du XIIe Congrès National du Peuple qui s?est tenu à Pékin du 5 au 18 mars, j?ai pu m?entretenir avec l?un des délégués, Wang Junhao, l?un des co-fondateurs, avec ses deux frères, du groupe JunYao. Créé en 1991, ce groupe réalise aujourd?hui environ 2,25 milliards de dollars de chiffre d?affaires, emploie 8 000 salariés, contrôle une compagnie aérienne basée à Shanghai (JuneYao Airlines), un réseau de centres commerciaux (qui vend notamment des automobiles et de l?électroménager) et un parc immobilier résidentiel et commercial, essentiellement dans la ville de Shanghai. Au Congrès, Wang Junhao représentait Shanghai au titre des entrepreneurs privés. Il remplaçait Guo Guanchang de Fosun, qui y participait en 2012. Il est intéressant de noter que le nombre des riches entrepreneurs au sein du Congrès a augmenté de 20% cette année, et 90 d?entre eux figurent dans la liste des 1 000 Chinois les plus riches, soit 3% des 2 987 délégués. La fortune moyenne des membres de ce petit groupe est de 1,1 milliard de dollars (en comparaison les 3% les plus riches des membres du Congrès américain affichent une fortune moyenne de 271 millions de dollars).

Question n°1 : quel fut le plus intense sujet de discussion des délégués pendant le Congrès ? Réponse: la pollution de l?air à Pékin, que beaucoup de représentants des provinces chinoises ont trouvée très mauvaise, ce qui a fortement déplu. L?une des conséquences est que la nomination du ministre de l?environnement, Zhou Shengxian, a fait l?objet de nombreuses abstentions selon la presse chinoise, ce qui est très inhabituel. Question n°2 : que faisaient les 2 987 délégués entre 14 et 15 heures ? Réponse: La sieste? Les travaux s?interrompaient à 12 heures, pour un déjeuner d?une heure, et ne reprenaient qu?à 15 heures. Bien sûr ce n?est pas là l?essentiel. L?un des grands enseignements de ce Congrès est la formulation par le président Xi Jinping du concept de « China Dream », le rêve de la Chine, qui a irrigué toute les séances.

Le « China Dream » de Xi Jinping

« Face aux lignes de force des temps que nous traversons et de l?ardent désir du peuple pour une vie meilleure, nous ne pouvons nous permettre la moindre complaisance ni le moindre ralentissement dans notre travail. Nous devons fournir des efforts persistants, progresser avec une volonté de fer, continuer à pousser en avant la grande cause du socialisme aux caractéristiques chinoises et lutter pour réaliser le rêve chinois de la grande régénérescence de la nation chinoise ». C?est ainsi que Xi Jinping a défini le rêve chinois, le 17 mars, à l?occasion de la séance de clôture du Congrès. Pour le numéro 1 chinois, la réalisation du « China Dream » doit emprunter la « Voie Chinoise », et répandre « l?Esprit Chinois » qui combine, « l?esprit de la nation, le patriotisme, l?esprit des temps présents, la réforme et l?innovation ». L?idée que la direction chinoise veut mettre en avant est que le modèle chinois doit promouvoir l?altruisme, le bien de plus d?une personne, rejoignant ainsi l?enseignement de Confucius. La rupture avec le « rêve américain » semble consommée car ce dernier produit trop de dommages collatéraux dans une société comme la société chinoise. Et c?est le « China Dream » qui fera de la Chine une grande puissance et non l?inverse. C?est une réponse à la façon dont l?ancien Premier ministre Wen Jiabao décrivait les dangers de l?économie chinoise, avec ces trois mots, qui ont été largement repris : « Unbalanced, Uncoordinated, Unsustainable ». La direction qu?indique Xi Jinping doit éviter à la Chine la malédiction des trois « U » et c?est dans ce cadre que s?inscrivent les directives données au nouveau gouvernement (voir plus bas). Contrairement à ce que l?on a pu lire ici ou là, l?objectif de la Chine n?est pas de reconstruire l?Empire du Milieu, puisque dans leur esprit, cet Empire n?a jamais disparu?Certes, tout cela pêut paraître simpliste pour les esprits sceptiques que nous sommes, mais dans la logique du pouvoir chinois, chaque mot compte et ils ne sont pas choisis au hasard.  

La restructuration du gouvernement

Parmi les décisions importantes concernant le State Council (le gouvernement), il faut noter la diminution du nombre des ministères (ils passent de 27 à 25, ce qui est en dessous des attentes de certains observateurs puisque avant le Congrès certains parlaient d?un gouvernement réduit à 15 ministères). Les mesures les plus importantes concernent le ministère des chemins de fer, qui disparaît purement et simplement et dont les activités sont désormais séparées entre la China Railway Corporation (pour la direction opérationnelle et les activités commerciales) et la State Railway Administration, qui rejoint le ministère des transports. C?est une réforme importante, qui trouve son origine dans le mécontentement croissant des autorités face au fonctionnement insatisfaisant de l?ancien ministère (corruption des dirigeants, accidents à répétition...). Par ailleurs, la Commission du planning familial cesse d?être une agence indépendante pour être intégrée au ministère de la santé. Cette décision préfigure très certainement l?abandon à terme de la politique de l?enfant unique, dont la presse se fait l?écho depuis plusieurs mois déjà. Autre décision très importante : l?ensemble des intérêts maritimes de la Chine est regroupé dans une structure unique, la State Oceanic Administration dont le rôle est de gérer l?ensemble des zones maritimes du pays et des ressources sous-marines, y compris en matière de sécurité, et cela comprend la surveillance de l?archipel des îles Diaoyu (Senkaku pour le Japon), ce qui a déjà provoqué une protestation du gouvernement japonais. Enfin, le rôle l?Administration nationale de l?énergie est accru puisqu?elle absorbe les fonctions de la State Electricity Regulatory Commission.

Li Keqiang, « excédé » lui aussi par la pollution de l?air à Pékin?

Intéressante aussi la conférence de presse du Premier ministre Li Keqiang, donnée juste après la clôture du Congrès. Certes, c?est un exercice un peu formel, mais la façon dont sont dites les choses, les mots employés pour les dire, constituent toujours des indications précieuses sur l?état d?esprit des dirigeants chinois. Au cours de cette conférence, Li Keqiang a commencé à tracer le cadre général de l?action du gouvernement : maintenir la croissance économique, améliorer les conditions de vie des Chinois et sauvegarder la justice sociale. Il est évident que le premier objectif est le plus important, car il conditionne les deux autres. Si la Chine veut maintenir son objectif de doubler le PIB par habitant entre 2010 et 2020, cela nécessite un taux de croissance annuelle de 7,5% au cours des prochaines années, un résultat qui ne sera pas facile à atteindre. «Mais nous bénéficions de beaucoup de conditions favorables et d?une demande intérieure très importante » a précisé le Premier ministre.

Dans la logique des commentaires des congressistes sur la qualité déplorable de l?air à Pékin, Li Keqiang a mis l?accent sur la lutte contre la pollution et sur la qualité des produits alimentaires, indiquant que ces sujets seraient traités « d?une main de fer, une ferme résolution et des mesures sévères. » Il s?est même déclaré « excédé » à propos du « smog » qui a régné une partie de l?hiver sur Pékin et les régions du nord-est. « Nous allons améliorer le modèle économique chinois afin de permettre à nos concitoyens de bénéficier d?un air pur et d?eau potable et d?aliments sains » a-t-il déclaré, en insistant sur la lutte impitoyable qui serait menée contre ceux qui fabriquent des produits contrefaits ou de mauvaise qualité. Ces propos confirment l?importance que prend le sujet en Chine et les effets déplorables que la pollution et la mauvaise qualité des produits alimentaires produisent sur les classes moyennes supérieures, qui sont même devenus pour certains, un motif d?expatriation. A noter d?ailleurs que le gouvernement vient de créer une nouvelle General Administration of Food and Drugs qui reprend les compétences de plusieurs organismes en matière de sécurité alimentaire et des médicaments.

Pour le reste, Li Keqiang a confirmé la volonté de la Chine de rechercher un environnement pacifique et de ne pas se conduire en puissance hégémonique, pour préserver le développement économique et le progrès social de la Chine, tout en précisant : « Il y a 1,3 milliard d?habitants dans ce pays et nous avons encore un long voyage à faire vers la modernisation ». Il a insisté une nouvelle fois sur la nécessité de réformes « significatives », usant de la métaphore, selon une méthode chère aux dirigeants chinois : « quelle que soit la hauteur de l?eau, nous devons y entrer, car nous n?avons pas d?autre alternative. », ce qui fait écho à une autre de ses formules : « réformer c?est comme ramer contre le courant, si l?on arrête de ramer, on revient en arrière. » Lors de cette conférence de presse, il a dit à nouveau qu?il fallait renverser les « groupes d?intérêts », ce qui désigne dans le langage officiel ceux qui s?opposent aux réformes pour protéger leurs intérêts ou leur position. Concernant l?urbanisation, dont Li Keqiang est un ardent défenseur, l?objectif du gouvernement est bien de poursuivre la marche vers une urbanisation « à bon rythme, active et prudente ». « L?urbanisation est un grand et complexe projet, qui va provoquer de profonds changements dans l?économie et la société, et nous devons encore surmonter beaucoup de problèmes » a-t-il indiqué. L?urbanisation est considérée d?ailleurs comme un moyen d?améliorer les conditions de vie des ruraux qui trouveront à s?employer dans des activités secondaires ou tertiaires dans les villes, mais cela vise aussi la modernisation de l?agriculture et contribue à l?amélioration des conditions de vie de ceux qui choisiront de rester dans les campagnes. « Le nouveau type d?urbanisation doit aller de pair avec la modernisation de l?agriculture. Nous devons nous assurer que la surface agricole de la Chine ne descend pas en dessous du seuil de 120 millions d?hectares, que notre sécurité d?approvisionnement en céréales est garantie et que les intérêts des agriculteurs sont protégés » a déclaré Li Keqiang. Il a précisé qu?à l?heure actuelle, il y avait en Chine 260 millions de travailleurs migrants dans les villes et que chaque année, 10 millions d?agriculteurs venaient grossir les rangs de la population urbaine. Dans l?esprit du Premier ministre, cette urbanisation ne va pas consister à bâtir des vastes mégalopoles, mais un réseau de villes de taille différente, adaptées aux conditions de vie régnant dans les régions chinoises.

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.