Politique monétaire, guerre en Ukraine, crise sanitaire..., pourquoi l'euro perd du terrain face au dollar

Subissant de plein fouet les conséquences de la guerre en Ukraine et la stratégie zéro Covid de la Chine, l'euro ne cesse de perdre de la valeur face à un dollar renforcé par un resserrement de la politique monétaire américaine. Quelles conséquences pour les échanges de la zone euro ? Quels secteurs sont impactés ? Quelles perspectives ? La Tribune revient sur les enjeux que pose l'affaiblissement de l'euro face au dollar.
L'euro vaut désormais 1,05 dollar s'approchant dangereusement de la parité avec la devise américaine.

Le dollar grimpe quand l'euro chute. Un phénomène mécanique qui ne profite pas à la monnaie européenne, laquelle, avec une parité de 1 euro pour 1.04 dollar, après avoir atteint vendredi son plus bas depuis 5 ans avec un euro pour 1.035, n'a jamais été aussi faible par rapport au billet vert depuis 20 ans. A tel point que certains n'excluent plus une parité complète entre les deux devises. Alors que l'euro pâtit d'un impact de la guerre en Ukraine largement plus important en Europe qu'aux Etats-Unis, le dollar joue plus que jamais son rôle de valeur refuge.

Pourquoi un tel phénomène ?

Plus qu'un euro chancelant, c'est la bonne santé du billet vert qui explique la chute de la valeur de la devise européenne par rapport au dollar. Ce dernier bénéficie des décisions de la Banque centrale américaine qui a opté pour un resserrement de sa politique monétaireEn relevant ses taux, elle fait, de facto, monter la valeur de la monnaie et tente de juguler l'inflation qui atteint des sommets aux Etats-Unis avec près de 8,5% en mars. Une stratégie que la Fed compte bien poursuivre comme l'a rappelé le président de son antenne new-yorkaise, John Williams, mardi dernier. "Je m'attends à ce que le (comité de politique monétaire de la Fed) agisse rapidement pour ramener les taux directeurs à des niveaux plus normaux cette année", soit aux alentours de 2 à 2,50%, a-t-il indiqué, lors d'une conférence en Allemagne de la Bundesbank et de la National Association for Business Economics (NABE).

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Jusqu'ici à rebours de la plupart des grandes banques centrales, la BCE a finalement annoncé une hausse des taux en juillet, la première depuis 10 ans. La normalisation de la politique monétaire européenne interviendra au début du troisième trimestre, a annoncé la présidente de la Banque centrale européenne, Christine Lagarde, mercredi. Cela mettra un terme à son programme d'achats d'actifs (APP) suivi "quelques semaines" plus tard d'un relèvement de ses taux. Objectif : lutter contre l'inflation. Comme l'a rappelé François Villeroy de Galhau, le gouverneur de la Banque de France et membre du conseil des gouverneurs de la BCE, la faiblesse actuelle de l'euro sur les marchés des changes pourrait compliquer les efforts de la BCE pour atteindre son objectif de maîtrise de l'inflation. A tel point qu'il prévoit une réunion "décisive" en juin concernant la remontée des taux et un été actif en matière de politique monétaire.

Si la BCE a tardé à opter pour une normalisation monétaire, c'est qu'elle mesure les risques que cette stratégie fait peser. Elle pourrait en effet venir endiguer une croissance européenne déjà ralentie. D'autant que la stratégie zéro Covid de la Chine pénalise déjà l'économie européenne. Ponctuée d'une une série de confinements, elle met un coup de frein aux exportations et aux importations. "C'est la première exportatrice de la région. Une bonne partie des excédents commerciaux allemands sont liés à la Chine", précise Véronique Riches-Flores, économiste indépendante et fondatrice du cabinet Richesflores Research. Les mises à l'arrêt de l'activité chinoise viennent également perturber les chaînes d'approvisionnement de l'industrie française. Ces facteurs extérieurs, qui fragilisent l'Europe, renforcent d'autant plus le rôle de valeur refuge du dollar auprès des investisseurs à la recherche de stabilité.

Quelles conséquences pour les échanges de la zone euro ?

Selon la Banque des règlements internationaux (BRI) en 2019, avant la pandémie mondiale de covid-19, 88% des transactions se faisaient en dollars, contre seulement 32% en euros et 17% en yens, comme l'indique Céline Antonin, économiste à l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) et maître de conférences à Sciences Po Paris. De fait, les matières premières, notamment le pétrole, s'échangent en grande majorité en dollar. Déjà en hausse, leur prix suit donc la courbe inflationniste de la devise américaine.

À l'inverse, la dépréciation de l'euro pourrait avoir un effet positif sur la compétitivité européenne. "Certes le coût des importations augmente, mais les entreprises gagnent en compétitivité", souligne Christian de Boissieu, professeur à l'université Paris 1 et vice-président du Cercle des économistes. Virginie Riches-Flores se montre, elle, plus nuancée. "Etant donné que le marché dominant est le marché chinois, soumis à la stratégie zéro covid du gouvernement, le bénéfice pour les entreprises est limité", avance-t-elle.

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Quels secteurs sont impactés ?

Aéronautique, aviation, automobile, sidérurgie... "Tous les secteurs industriels les plus corrélés au prix des matières premières vont pâtir de cette flambée des prix de l'énergie", explique Stéphanie Villers, économiste indépendante. Certaines entreprises ont pu toutefois anticiper et se prémunir de l'inflation du prix du pétrole notamment en contractant des couvertures de change. En d'autres termes, elles s'engagent à acheter une certaine quantité de carburant à un prix fixe, leur permettant d'échapper à toute inflation au-delà du seuil établi. "Mais cette stratégie à un coût", rappelle l'économiste spécialiste de l'Europe.

Quelles perspectives pour l'euro ?

S'il semble difficile de s'essayer à des conjectures concernant l'évolution des deux devises, le resserrement monétaire américain ainsi que les incertitudes autour du conflit en Ukraine et la situation sanitaire en Chine ne permettent pas d'envisager une remontée de l'euro dans l'immédiat. La décision de la BCE de relever ses taux au début du troisième trimestre n'a d'ailleurs pas empêché l'euro de perdre encore du terrain. Alors qu'il semblait s'être stabilisé à 1,05 dollar, il atteignait 1,039 dollar vendredi, malgré une légère remontée de 11% par rapport à la veille.

Pour autant, la situation n'est pas critique, avance Christian de Boissieu. "Quand l'euro bancaire et financier a été introduit en 1999, il était côté à environ 1,17 dollar puis il a constamment baissé jusqu'à atteindre moins de 0,90 dollar en octobre 2000, soit en dessous de la parité", se remémore-t-il. Une situation qui avait nécessité l'intervention conjointe des banques centrales des membres du G7 pour vendre des dollars et acheter de l'euro. "Mais nous sommes encore loin de ce niveau", assure-t-il. Reste que si ce scénario se produisait, une action commune deviendrait essentielle tant du côté des Etats-Unis dont le dollar prendrait trop de valeur et ferait planer un risque sur la compétitivité des entreprises américaines, que de l'Europe dont la devise verrait sa crédibilité sérieusement entachée.

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Commentaires 4
à écrit le 28/05/2022 à 9:08
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Pour comprendre ces questions complexes, écoutez et lisez Charles Gave.

à écrit le 17/05/2022 à 15:43
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Pourquoi l'euro perd du terrain face au dollar? Pour la même raison que le Franc face aux autres monnaies! Les monnaies locales avez leur utilité d'amortisseur que la monnaie empirique n'a plus!

à écrit le 16/05/2022 à 18:45
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C'est la Chine qui va en profiter surtout vu qu'elle a toutes les usines européennes mais les américains également vu qu'ils nous vendent du pétrole et du gaz.

le 17/05/2022 à 10:47
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la chine empétrée dans le covid qu ' elle a crée ne profite de rien le rimmibi n est pas convertible...pour éviter sa dévaluation!! A la bce d 'agir si elle estime que les niveaux-ratios avec l 'economie européenne-et non exclusivement francaise-ne ...

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