A Belfort, la startup Storabelle transforme les centrales à charbon et nucléaire en zone de stockage d’énergie

Que faire des centrales à charbon ou nucléaires qui doivent être démantelées ? Plusieurs anciens salariés d’Alstom ont créé une startup, en 2021, à Belfort, qui propose de les convertir en zone de stockage. Actuellement en pleine levée de fond, la startup Storabelle espère mobiliser 15 millions d’euros.
Storabelle transforme les centrales à charbon en zone de stockage d’énergie
Storabelle transforme les centrales à charbon en zone de stockage d’énergie (Crédits : Jean-Marc Pascolo)

Plus de 6.600 centrales à charbon et 422 réacteurs nucléaires sont encore en activité dans le monde, selon le Global Energy Monitor. Un grand nombre sera mis hors d'usage dans le futur. A cause, d'une part, aux réglementations de plus en plus contraignantes vis-à-vis des objectifs de décarbonation mondiaux (2030 pour l'Europe et jusqu'en 2050 selon les continents). D'autre part, en raison de l'atteinte des durées de vie maximales des centrales nucléaires (de 40 ans réglementaires en France). « Ces centrales seront donc amenées à être démantelées et constitueront un vivier pour notre solution qui permettra de redonner une nouvelle vie à ces centrales », se réjouit Frédéric Pierucci.

L'ancien cadre dirigeant d'Alstom, rendu célèbre pour son livre "Le piège Américain" prix littéraire des droits de l'homme 2019 qui relate le rachat controversé d'Alstom par General Electric en 2014, a lancé la startup Storabelle en 2021. « Ce projet est né au moment où j'ai voulu racheter la branche nucléaire de General Electric (ndlr : GEAST pour GE-Alstom), dont le rachat est aujourd'hui mené par EDF » raconte-t-il. Cette activité aurait été associée. Le projet a finalement suivi son cours, seul.

Réconcilier les énergies renouvelables avec le nucléaire

Le principe est simple : d'un côté, des centrales, à charbon et nucléaires, lesquelles pour certaines, doivent être arrêtées, et qui possèdent déjà du foncier, une connexion au réseau, des permis, et du personnel compétent. De l'autre côté, des besoins massifs de stockage en énergie, notamment pour combler, en parallèle, la production intermittente des énergies renouvelables.

« Notre idée est de réutiliser les centrales existantes, en les convertissant à partir d'une technologie déjà utilisée pour des centrales solaires », explique Frédéric Pierucci. Transformée en zone de stockage, l'ancienne centrale convertit l'électricité issue du surplus des énergies renouvelables voisines, pour la conserver sous forme d'énergie thermique dans des grandes cuves de sels fondus.

Aussi, « le générateur de vapeur polluant (chaudière charbon) est remplacé par un nouveau générateur de vapeur propre associé à un système de stockage d'énergie thermique dans des réservoirs de sel fondu. Le sel est chauffé par l'électricité du réseau quand celle-ci est surabondante. Cette réserve d'énergie thermique peut être restituée au réseau électrique lorsque celui-ci en a besoin, via le générateur de vapeur et les équipements conservés de l'ancienne centrale », explique Marc Villemin, chef de projet chez Storabelle. Ainsi, une grande partie de la centrale est recyclée, tels que la turbine, l'alternateur, le poste de distribution, etc.

« On passe d'une centrale à charbon qui pollue, à une centrale zéro émission », souligne Frédéric Pierucci. En parallèle, les ingénieurs développent également un « Energy management system » (EMS) pour intégrer des paramètres, tels que les coûts des électricités, un jumeau numérique de la centrale, ou encore un outil pour faire de la maintenance prédictive. « L'idée est d'optimiser les revenus de la centrale », précise l'entrepreneur.

Recréer une industrie à Belfort

Ce n'est pas un hasard si la startup a été créée à Belfort. Les compétences et l'écosystème présents sont des éléments clés pour la réussite de ce projet. Les membres fondateurs de Storabelle se sont installés dans les anciens bureaux d'Alstom, au cœur du Techn'Hom, dans le bâtiment orange que l'on appelait le bâtiment 66, situé rue de la Découverte, à proximité de l'atelier de montage de la turbine Arabelle. « La plupart des collaborateurs - qui sont, soient actionnaires, soient salariés de l'entreprise - sont des personnes qui travaillaient dans la construction, dans la vente ou dans la maintenance des centrales à charbon un peu partout dans le monde », souligne Frédéric Pierucci. « Alstom était leader mondial de la construction de centrales à charbon avant le rachat par General Electric », rappelle l'ancien cadre dirigeant d'Alstom. Durant deux ans, les ingénieurs de Storabelle se sont également appuyés sur le savoir-faire et les connaissances du Commissariat à l'énergie atomique (CEA) de Grenoble - qui dispose d'une spécialité dans les énergies renouvelables et dans le stockage d'énergie - afin de développer une technologie de stockage massif pour convertir les centrales charbon et nucléaire.

« Il y a de quoi recréer une industrie sur la partie stockage à Belfort ! », s'enthousiasme Frédéric Pierucci.

Conquérir le marché international

Storabelle a signé un premier contrat pour réaliser une étude de développement et convertir une première centrale (les clients de la startup ne souhaitent pas révéler le nom de la centrale). À court terme, même si la France représente un premier marché pour l'application de la technologie, c'est surtout l'international qui est visé. À commencer par le marché européen, en particulier l'Allemagne, la France, l'Italie, le Royaume-Uni, l'Irlande, la Belgique et l'Europe de l'Est, où plus de 300 centrales (charbon ou nucléaires) sont en activité, avec au moins 50 excellentes opportunités de réaffectation. « Nous visons aussi le Chili et l'Australie dont les conditions et les prix des énergies renouvelables sont très attractifs pour notre solution », souligne Frédéric Pierucci.

Pour l'instant, l'équipe Storabelle compte 6 personnes. Son ambition est d'atteindre une vingtaine de collaborateurs à court terme, avec une perspective d'une centaine d'ici à 5 ans.

En parallèle, les membres fondateurs ne s'interdisent pas de regarder d'éventuels rachats de centrales. « Beaucoup de clients ne veulent plus de leur centrale charbon. Nous analysons aussi la possibilité, soient de rachats complets, soient de participations, afin de les convertir nous-mêmes », confie l'ancien cadre dirigeant d'Alstom.

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