Fin des centrales à charbon en France en 2027 : Emmanuel Macron recycle une promesse non tenue

Le chef de l'Etat a annoncé hier que les deux dernières centrales au charbon encore en activité en France seraient converties à la biomasse d'ici à quatre ans. En réalité, il s'était déjà engagé à sortir la France du charbon, une énergie fossile très nocive pour le climat, dès 2022. Une promesse de campagne non tenue donc... même si le charbon pèse aujourd'hui moins de 1% dans le mix électrique tricolore, largement dominé par le nucléaire.
Juliette Raynal
Lors de sa première campagne à l'élection présidentielle de 2017, Emmanuel Macron s'était engagé à fermer les dernières centrales à charbon en France d'ici à 2022.
Lors de sa première campagne à l'élection présidentielle de 2017, Emmanuel Macron s'était engagé à fermer les dernières centrales à charbon en France d'ici à 2022. (Crédits : POOL)

A la veille de la présentation du plan de transition écologique pour amener la France à la neutralité carbone en 2050, le président de la République a annoncé la conversion à la biomasse des deux dernières centrales à charbon tricolores encore en activité d'ici à 2027. « C'est une première mesure très concrète de cette planification », a-t-il fait valoir lors de son interview aux JT de TFI et de France 2 dimanche soir. « La France sera parmi les premiers d'Europe à sortir du charbon », s'est-il félicité, tout en omettant de rappeler aux Français qu'il recycle ici une précédente promesse de campagne non tenue...

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Une promesse non tenue

En effet, lors de sa première campagne à l'élection présidentielle de 2017, Emmanuel Macron s'était engagé à fermer les dernières centrales à charbon en France d'ici à 2022, alors que la production d'électricité au charbon est la méthode la plus néfaste pour le climat avec plus de 1.000 grammes de CO2 émis pour chaque kilowattheure produit. Une promesse qui fut, par la suite, inscrite dans la loi Énergie et Climat, votée en septembre 2019.

« Cette sortie du charbon en 2027 est un aveu d'échec pour Emmanuel Macron, qui tente de la déguiser en progrès. La France aurait dû sortir du charbon il y a des années. S'il était véritablement ambitieux et précurseur, Emmanuel Macron aurait également annoncé des dates de sortie du pétrole et du gaz fossile », a réagi, dans la foulée, Nicolas Nace, chargé de campagne Transition énergétique à Greenpeace France.

Pour mémoire, la centrale de Gardanne (Bouches-du-Rhône) a arrêté toute production électrique au charbon depuis plusieurs années et un projet de conversion vers la production de biocarburants est bien en cours malgré de fortes tensions sociales, tandis que la centrale du Havre (Seine-Maritime) s'est arrêtée définitivement le 31 mars 2021.

Guerre en Ukraine et risque de pénuries

Toutefois, deux centrales à charbon demeurent toujours en activité dans l'Hexagone en cas de pic de la demande électrique : celle de Cordemais (Loire-Atlantique), exploitée par EDF, et la centrale de Saint-Avold (Moselle), exploitée par l'entreprise tchèque Gazel Énergie.

Il était bien prévu que la centrale de Cordemais cesse son activité au charbon en 2022, mais le gestionnaire du réseau de transport d'électricité RTE a estimé que le soutien de la centrale au réseau était nécessaire alors que la région pâtit des douze années de retard cumulées sur le chantier de l'EPR de Flamanville, dont le démarrage est désormais prévu au premier trimestre 2024, et d'un déploiement trop lent des énergies renouvelables.

A Saint-Avold, en Moselle, la centrale à charbon Emile Huchet a bel et bien fermé ses portes le 31 mars 2022, sans projet de reconversion. Mais cette fermeture n'a été que très provisoire car elle est intervenue seulement quelques jours après l'invasion russe de l'Ukraine, qui s'est traduite par une raréfaction du gaz russe en Europe mettant à mal la sécurité d'approvisionnement énergétique du Vieux Continent. Une situation accentuée en France, par l'indisponibilité historique du parc nucléaire tricolore liée à un vaste problème de corrosion. Dans ce contexte, l'exécutif avait publié un décret courant 2022 permettant à la centrale de redémarrer ponctuellement pour faire face aux pics de consommation électrique pendant l'hiver 2022-2023.

Moins de 1% du mix électrique

Et, même si l'hiver 2023-2024 s'annonce beaucoup moins tendu sur le plan de la sécurité d'approvisionnement énergétique, un nouveau décret, publié fin août dernier, autorise les deux centrales à charbon de fonctionner plus longtemps pour éviter toute difficulté hivernale sur le réseau électrique, et ce jusqu'à fin 2024. L'hiver prochain, « nous anticipons un niveau de tension moindre » par rapport à l'année dernière, « mais par précaution, nous prenons toutes les mesures qui assureront la production électrique française », a précisé le ministère de la Transition énergétique.

Concrètement, cet assouplissement permettra « aux centrales de fonctionner durant 500 heures supplémentaires » sur la période par rapport au plafond de 1.300 heures initialement autorisé jusqu'à fin 2024, est-il précisé dans la consultation publique dont est issu le décret. Ces 1.800 heures correspondent à 75 jours de production non-stop.

Le poids de ces centrales à charbon, extrêmement néfaste pour le climat, reste très minoritaire dans le mix électrique tricolore. L'an passé, leur production a représenté 0,6% du bouquet de production électrique de la France, largement dominé par l'énergie atomique (62,7%), loin devant l'hydraulique (11,1%), le gaz (9,9%) et l'éolien (8,5%).

Débat sur la biomasse

Au-delà du glissement de calendrier, cette annonce relance le débat autour de la disponibilité de la biomasse et du fléchage de ses usages, alors que l'exécutif considère avoir surestimé son potentiel. Pour mémoire, la biomasse permet de fabriquer de l'électricité grâce à la chaleur dégagée par la combustion de matières végétales et animales (bois, végétaux, déchets agricoles, ordures ménagères organiques, lisier d'animaux...) ou du biogaz issu de leur fermentation.

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Dans le cas de la centrale de Cordemais, le projet de conversion est déjà acté. Après plusieurs rebondissements, dont l'abandon de Suez (partenaire initial de l'électricien), EDF et le groupe Paprec, spécialiste du recyclage et de la valorisation des déchets, se sont entendus pour produire des granulés de bois afin d'alimenter la centrale électrique.

Juliette Raynal

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Commentaires 4
à écrit le 26/09/2023 à 15:41
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La fin était initialement en 2022, à quoi servent encore ces centrales sinon à préserver quelques dizaines d’emplois et à contenter des syndicats.

à écrit le 26/09/2023 à 9:07
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"Fin des centrales à charbon en France en 2027 : " je rajouterais que pour le nucléaire ça se termine également, il restera les ... et les ... ainsi que toutes ces bagnoles électriques et les pompes à chaleur à alimenter... Bon courage...

à écrit le 25/09/2023 à 17:30
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Tous au charbon!... je veux dire: aux pédales!

le 26/09/2023 à 5:54
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Par contre il a tenu, sans attendre, sa promesse de fermer la centrale de Fessenheim. Cherchez l'erreur (non reconnue...)

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