Climat : la saison des tempêtes ne fait que commencer

Alors que les premières dépressions ont laissé les plages et les forêts vulnérables, le passage de Domingos, ce week-end, risque d’aggraver les dégâts.
Des vagues s’écrasant sur le «rocher de la Vierge», à Biarritz (Pyrénées-Atlantiques) vendredi.
Des vagues s’écrasant sur le «rocher de la Vierge», à Biarritz (Pyrénées-Atlantiques) vendredi. (Crédits : Gazka Iroz)

Le plus dur est passé, le pire a été évité, mais ce n'est pas vraiment le calme après la tempête. Trois jours après le passage de Ciaran, « bombe météorologique » qui a fait trois morts et 47 blessés, la France est secouée ce week-end par une nouvelle dépression. Domingos, c'est son nom, a balayé la côte Atlantique du Morbihan à la Gironde hier, avec des rafales allant jusqu'à 120 km/h, et se déplacera vers la Méditerranée aujourd'hui. Une difficulté supplémentaire au moment où les secours s'activent pour dégager les axes de transport et rétablir l'électricité et le réseau téléphonique. Hier, des dizaines de milliers de foyers restaient dans le noir.

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« On arrive dans des phénomènes météorologiques plus classiques, même s'ils peuvent néanmoins avoir un impact, en s'additionnant », indiquait jeudi le prévisionniste de Météo-France François Gourand, lors d'un point presse. Illustration avec les cours d'eau qui débordent. « Domingos, c'est de l'eau qui se rajoute là où il en est déjà tombé beaucoup », poursuivait-il. Quatorze départements ont basculé en vigilance orange hier soir pour des crues, vents violents, vagues-submersions ou pluies-inondations. L'organisme Vigicrues met en garde contre de nouvelles crues dans le Pas-de-Calais et la Corse-du-Sud.

Les arbres en équilibre

Les autorités continuent d'appeler à la plus grande prudence. Les balades dans les bois, en particulier, sont déconseillées, et l'accès aux forêts domaniales de Bretagne, de Normandie, des Hauts-de-France, des Yvelines et des Hauts-de-Seine est interdit jusqu'à nouvel ordre. « Les arbres sont encore en feuilles puisque l'automne s'est décalé dans la saison, ils offrent donc plus de prise au vent, explique Marie Dubois, directrice de l'Office national des forêts en Bretagne. Leurs racines commencent à se décoller car les sols sont détrempés. Un deuxième coup de vent, même à 80 km/h, peut les faire tomber. »

Ses équipes attendront la semaine prochaine pour se rendre sur le terrain et dresser un premier bilan. Déjà, on sait que des milliers d'arbres ont été mis à terre. « Il y a sans doute eu de la casse dans les zones situées sur les couloirs de vent, comme la pointe finistérienne », ajoute Marie Dubois. Selon la SNCF, quelque 300 spécimens ont dû être dégagés des rails en Bretagne. Et des doyens célèbres, comme le hêtre de Ponthus de Brocéliande, trois fois centenaire, n'ont pas résisté.

Vigilance aussi parce que la saison des tempêtes ne fait que commencer. « Elle a démarré tôt et fort cette année », relève Stéphane Costa, géographe à l'université de Caen et spécialiste des risques côtiers. Avant Ciaran, la tempête Céline avait laissé Quimper, Pornic ou encore le cap Ferret les pieds dans l'eau le week-end dernier et croqué le sud d'Oléron, désormais coupé du reste de l'île. Une semaine plus tôt, Aline détruisait deux ponts sur la Côte d'Azur. Fin septembre, c'est Agnès qui balayait la Bretagne et la Normandie. Une succession de coups de vent due à un « rail de dépression » orienté actuellement tout droit vers l'Hexagone. Ce couloir, formé par le contraste entre les masses d'air froid venues du pôle Nord et les masses chaudes, permet aux perturbations de circuler comme sur une autoroute. Les deux dernières semaines ont été les plus pluvieuses, tous mois confondus, depuis le début des mesures.

« Un cocktail explosif »

Résultat, « on aborde la saison hivernale avec la configuration la moins favorable pour le littoral », observe Stéphane Costa, qui précise : « La série de tempêtes et les coefficients de marée élevés ont contribué à éroder les plages, qui sont très altérées. » Un « cocktail explosif » selon lui. Car chaque forte vague cogne sur les falaises comme des coups de boutoir et grignote le sable et les galets des plages. La répétition des dépressions permet à l'eau de frapper plus loin, plus haut, sur les dunes et les digues, facilitant les submersions. Ce phénomène est habituel sur le littoral français, mais ses conséquences s'alourdissent un peu plus chaque année sous l'effet du dérèglement climatique, qui favorise l'érosion et les submersions, mais aussi de l'urbanisation trop proche des côtes. Le géographe parle du volume de sédiments comme d'un « capital de résistance » qui permet de passer l'hiver, avant que les beaux jours n'aident à reconstituer les stocks. Il avertit : « Ce capital est déjà bien entamé. »

Pour le moment, la tendance à trois mois de Météo-France dessine un hiver plus pluvieux que la normale, sans qu'il soit possible de savoir si les précipitations s'accompagneront de fortes bourrasques. « Rien n'est perdu, tempère Stéphane Costa, mais si d'autres fortes tempêtes surviennent, on risque d'enregistrer d'importants reculs des traits de côte et des franchissements de digues. » Même constat au chevet des arbres. « Il faudra suivre si ces intempéries se répètent, complète Marie Dubois. Nos forêts sont déjà fragilisées. Certaines zones ont subi une sécheresse avant d'essuyer plusieurs tempêtes. Et on est encore au tout début de la saison. »

Ciaran est la deuxième tempête la plus sévère qu'ait connue la Bretagne depuis l'ouragan de 1987, et ex-aequo avec Lothar en 1999, selon Météo-France

10 mètres - La hauteur des vagues attendue sur la côte atlantique avec Domingos

257000 foyers étaient encore privés d'électricité hier soir, avant le passage de Domingos

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Commentaires 2
à écrit le 05/11/2023 à 10:09
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Rien de mieux qu'un cortège de catastrophe pour s'apercevoir du manque de résilience de la nature pour cause d'intervention humaine ! Les arbres sont apparemment les premières victimes ! :-)

à écrit le 05/11/2023 à 8:21
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Au moins dans "changement climatique" il y a changement, il se passe enfin un truc, parce que si nous devions attendre un changement quelconque venant de notre oligarchie déficiente mentale nous serions fortement déçus, les momies ça bouge plus.

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