Coupures d’électricité : pourquoi le réseau s’est retrouvé « haché menu » en Bretagne après la tempête Ciaran

La grande majorité des foyers français toujours privés d'électricité, après le passage de la tempête Ciaran, se trouve en Bretagne. Dans la région, l'impact sur le réseau électrique d'Enedis a été trois fois plus important que lors de la tempête de 1999. Si d'importants efforts d'enfouissement ont été réalisés depuis, 50% des lignes de basse et moyenne tension demeurent aériennes. Elles ont été bien plus exposées aux chutes d'arbres que les autoroutes électriques, gérées par RTE. Explications.
Juliette Raynal
Emmanuel Macron en déplacement en Bretagne, où le réseau électrique d'Enedis a été très touché par la tempête Ciaran.
Emmanuel Macron en déplacement en Bretagne, où le réseau électrique d'Enedis a été très touché par la tempête Ciaran. (Crédits : Reuters)

Ce vendredi 3 novembre quelque 450.000 foyers de l'Hexagone étaient encore plongés dans le noir, dont 314.000 rien qu'en Bretagne, suite au passage de la tempête Ciaran. « En Bretagne, la tempête a eu un impact sur les réseaux, elle a été trois fois plus forte que celle de 1999 », a précisé, ce matin, la ministre de la Transition énergétique Agnès Pannier-Runacher au micro de France Info.

« Dans certains endroits en Bretagne et en Normandie, le réseau a été haché menu », a même rapporté Marianne Laigneau, la présidente d'Enedis, la filiale d'EDF qui gère le réseau de distribution d'électricité.

Si les dommages sont plus importants sur le réseau électrique breton que lors du passage de Lothar et Martin, les deux tempêtes de décembre 1999, c'est d'abord parce que le « chemin » de la tempête Ciaran a davantage touché cette région. Il y a 24 ans, lors de l'épisode Lothar, le 26 décembre, les rafales de vents les plus importantes n'ont pas dépassé les 173 kilomètres à l'heure (km/h) en Bretagne. Elles avaient été localisées à Saint Brieuc (Côtes d'Armor).

Jusqu'à 780.000 foyers bretons coupés d'électricité

La tempête Ciaran, elle, s'est concentrée sur le quart nord-est du pays en balayant principalement la Bretagne et la Normandie. Des pointes à 207 km/h ont ainsi été enregistrées à la Pointe du Raz dans le Finistère, dans la nuit du 1er au 2 novembre. L'intensité de la tempête Ciaran a donc occasionné de plus gros dégâts sur le réseau électrique. Ainsi, le 2 novembre, au plus haut de la crise, quelque 780.000 foyers bretons se sont retrouvés privés d'électricité tandis, qu'en 1999, ce chiffre n'avait pas dépassé les 263.000 foyers dans la région.

En Bretagne, les dommages se concentrent désormais en grande partie sur le réseau de distribution d'électricité opéré par Enedis, qui correspond en quelque sorte aux routes nationales et départementales de l'électricité. Le réseau de transport d'électricité (qui correspond lui aux autoroutes), géré par RTE, a été bien plus épargné. « Il y a eu quelques dommages sur le réseau RTE en Bretagne, l'équivalent de 10.000 foyers impactés, et en Normandie, environ 5.000 », précise le gestionnaire à La Tribune. Mais le courant a été rétabli pour tous les foyers hier après-midi en Normandie et, en partie, hier soir en Bretagne.

50% du réseau basse et moyenne tension non enfoui

Si le réseau de distribution a été si abîmé c'est parce qu'une grande partie de ses lignes restent aériennes. Aujourd'hui, le taux d'enfouissement des lignes basse et moyenne tension en Bretagne est de l'ordre de 50%. Il était de 30% en 1999. Les autoroutes de RTE, elles aussi, sont en très grande majorité aériennes. Mais elles sont moins nombreuses, redondantes et certains endroits stratégiques ont été musclés depuis les épisodes Lothar et Martin.

Surtout, de par leur hauteur, ces dernières restent beaucoup moins exposées aux branches et aux différents objets qui volent dans les agglomérations. Elles sont en effet reliées à des pylônes allant de 10 à 90 mètres de haut, tandis que les réseaux à basse et moyenne tension, gérés par Enedis, sont généralement déployés sur des poteaux d'une hauteur de 10 à 14 mètres. Les risques qu'une grosse branche viennent « attraper » une ligne ou qu'une bâche viennent créer un court-circuit sont donc plus importants sur le réseau de distribution.

Les conséquences d'un automne doux

Or, « comme l'automne a été doux, les arbres sont encore très feuillus ce qui offre une prise au vent plus importante et les sols sont détrempés ce qui fragilise l'enracinement. De nombreux arbres sont tombés sur les lignes ce qui a notamment emporté les poteaux et les lignes, d'où cette expression 'haché menu' », explique-t-on au sein de la filiale d'EDF.

Enedis affirme ainsi avoir commandé et fait livrer en urgence quelque 8.000 poteaux pour réaliser les réparations. Des postes de distribution ont également été écrasés par des arbres.

« Dans certains endroits, le réseau est détruit, ce qui complique le rétablissement des clients, certaines opérations de réparation pouvant être longues et complexes », écrit encore le gestionnaire.

Hélicoptères et drones mobilisés

Lors d'un dernier point de situation, communiqué à 13 heures ce vendredi, Enedis a indiqué avoir fait appel à 400 techniciens supplémentaires en renfort des 3.000 salariés et prestataires déjà mobilisés sur le terrain. Plusieurs hélicoptères ont été déployés tandis que des drones sont utilisés afin de déterminer les dégâts dans les zones les plus difficiles d'accès.

« Aujourd'hui, il est encore difficile de faire des prévisions » sur le temps nécessaire pour reconnecter au réseau tous les clients, a indiqué un porte-parole d'Enedis à La Tribune. Les clients dont la coupure d'électricité a dépassé 5 heures se verront automatiquement verser un montant forfaitaire via leur fournisseur. « Par ailleurs, s'il existe un préjudice, les clients doivent se rapprocher de leur assureur qui procédera à une indemnisation selon les garanties du contrat », précise Enedis.

La France en retard ?

Ces longues coupures de courant relancent le débat autour de l'enfouissement des lignes électriques. Si d'importants efforts ont été réalisés depuis la tempête de 1999, (à l'échelle nationale, seul 30% du réseau de distribution tricolore était alors souterrain, contre environ 50% aujourd'hui), l'Hexagone reste en retard par rapport à ses voisins européens. A titre d'exemple, en 2001, le taux d'enfouissement du réseau basse et moyenne tension atteignait déjà 70% en Allemagne et 63% au Royaume-Uni, selon un rapport parlementaire.

Aujourd'hui, 98,4 % des nouvelles lignes moyenne tension sont désormais enfouies, précise sur son site Enedis. Par ailleurs, la filiale d'EDF prévoit, à l'horizon 2032, l'enfouissement ou la consolidation de 20.000 km des 48.000 km de lignes moyenne tension identifiés à risque avéré « au regard du référentiel climatique et de la présence des zones boisées ». Dans certaines zones de France, dont le Finistère, l'enfouissement demeure toutefois complexe et coûteux en raison notamment de la présence de granit dans le sol.

Juliette Raynal

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Commentaires 8
à écrit le 04/11/2023 à 9:31
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Rien de neuf. Un LGV Bordeaux-Toulouse est plus prestigieux (et apporte plus a certain acteurs) que le protection litoral ou le renouvellement de reseau d'electricite, par exemple.

le 05/11/2023 à 0:06
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@revo: L'homme n'est tout-de-même pas Superman (ou Superwoman*) *Ca s'écrit comment en écriture "inclusive"?

à écrit le 04/11/2023 à 9:24
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Au delà des chutes d'arbres et des poignées de main presque aussi nombreuses que les forces de l'ordre monopolisées pour cet évènement national (toujours quelque 160 000 personnes dans le noir au matin du 04/11) il est permis de s'inquiéter sur not...

à écrit le 04/11/2023 à 8:22
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Le temps que les modldaves, serbos croates et les ukrainiens à 150 balles par mois apprennent le français, vous êtes marrant vous, déjà que c'est compliqué sur les chantiers normaux alors en urgence...

à écrit le 03/11/2023 à 21:19
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Nous y voilà, comme pour le nucléaire, on a mis tellement d'énergie à désintégrer une entreprise qui était totalement intégrée production transport distribution .mais cela était trop simple. l'Europe nous a obligé à tout découper., résultats plus d'...

le 03/11/2023 à 23:04
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C est Sarko qui a forcé la » privatisation » d edf en ponctionnant l argent de réserve prévu pour les maintenances décennale s.. les fameux milliards qui manquent aujourd’hui et demain ..

le 03/11/2023 à 23:04
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C est Sarko qui a forcé la » privatisation » d edf en ponctionnant l argent de réserve prévu pour les maintenances décennale s.. les fameux milliards qui manquent aujourd’hui et demain ..

à écrit le 03/11/2023 à 20:03
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Ben voilà...qui vient étayer mes derniers propos sur le sujet. Merci@Juliette Raynal d'avoir le courage d'appeler "un chat, un chat"👍

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