La baisse des prix de l'énergie va-t-elle compromettre la stratégie des énergéticiens qui ont, pour la plupart, dégagé des bénéfices importants pendant la crise en vendant de l'électricité et du gaz à prix d'or sur les marchés ? Probablement pas, assure-t-on chez Engie, qui a relevé ses prévisions de résultats pour 2024 malgré un environnement moins favorable. En chute libre depuis plusieurs semaines, les prix de l'électricité devraient en effet bientôt rebondir en raison d'une reprise de la demande, a affirmé jeudi sa directrice générale, Catherine MacGregor.
En cause : des besoins « massifs » d'électricité à venir pour alimenter, à la pelle, les « data centers » dans le monde, les usines d'intelligence artificielle comme celles de « Nvidia » ou encore la « réindustrialisation de l'Europe », a-t-elle souligné. Ce qui « créera potentiellement une pression sur les prix », aujourd'hui proches de leurs niveaux d'avant-crise.
« Il y aura une demande importante et massive sur le marché pour une électricité verte et fiable », a insisté la patronne d'Engie face à des analystes inquiétés par la configuration actuelle.
En cas de prix durablement bas, Engie pourrait revoir ses investissements
Aujourd'hui, c'est plutôt l'inverse qui se passe. Sur la bourse européenne Epex, un mégawattheure (MWh) d'électricité acheté ce jeudi en France pour une livraison au deuxième trimestre de 2024 s'échangeait à 45 euros, soit bien loin du pic de 277 euros/MWh atteint en août 2022. Et alors que les cours ont fluctué entre 50 et 80 euros/MWh pendant toute l'année 2023, ceux-ci ne dépassent pas aujourd'hui 60 euros pour livraison en 2026 et 2027.
Or, les entreprises comme Engie ont tiré une bonne partie de leur bénéfice de ces deux dernières années de la flambée des cours de l'énergie. Si ceux-ci « restaient bas pendant longtemps », notamment ceux de l'électricité, « une question se poserait sur nos coûts et nos CAPEX [dépenses d'investissement, ndlr] », a ainsi précisé jeudi Catherine MacGregor. Car des prix de marché moins élevés signifieraient forcément des recettes moindres, et plus de difficultés à rentabiliser les coûts du capital pour les infrastructures d'énergies renouvelables, par exemple. Ce qui pourrait bien mettre à mal l'intérêt économique de ces projets.
Par ailleurs, cela rimerait également avec moins de profits tirés de l'achat-revente sur les marchés. Or, en 2023, c'est surtout la branche d'Engie comprenant le trading, baptisée Global Energy Management & Sales (GEMS), qui a tiré les résultats du groupe, avec 3,5 milliards de bénéfices avant intérêts et impôts (Ebit) - soit davantage que les autres divisions de l'entreprise, infrastructures gazières et énergies renouvelables comprises.
TotalEnergies prévoit une hausse des prix de l'électricité
Un autre patron d'un grand groupe énergétique français, Patrick Pouyanné (TotalEnergies), table d'ailleurs lui aussi sur une hausse à venir des prix de l'électricité. « Nous pensons que fondamentalement, cette transition énergétique se traduira par une hausse du prix de l'énergie », a-t-il fait valoir dans un entretien au Financial Times le 12 février dernier.
« Le modèle économique de TotalEnergies pour les énergies renouvelables n'est pas encore reconnu par les gouvernements européens. Il mise sur des prix plus élevés », avait réagi dans la foulée sur le réseau social X le vice-président de l'Association française des économistes de l'énergie, Jean-Michel Glachant.
Alors que les sources renouvelables intermittentes, comme l'éolien et le solaire photovoltaïque, devront prendre de plus en plus de place dans le mix énergétique afin de se débarrasser des combustibles fossiles, un tel système coûtera « plus cher qu'aujourd'hui », avait déjà souligné Patrick Pouyanné cet été aux rencontres économiques d'Aix-en-Provence.
A l'époque, Catherine MacGregor s'était montrée beaucoup moins pessimiste. « En Espagne [où les énergies renouvelables sont prégnantes dans le mix, ndlr], sur 135 jours du 1er semestre, les prix spot étaient inférieurs à ceux de la France », preuve qu'il est possible d'atteindre un « mix énergétique décarboné et bon marché pour le consommateur », avait-elle rétorqué. Jusqu'à une certaine limite, donc...
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