Énergie : « le système décarboné sera plus cher », prévient Patrick Pouyanné (TotalEnergies)

Alors que les sources d’électricité renouvelable intermittentes devront prendre de plus en plus de place dans le mix énergétique afin de se débarrasser des combustibles fossiles, un tel système coûtera « plus cher qu’aujourd’hui » aux consommateurs, a insisté samedi le patron de TotalEnergies, Patrick Pouyanné. En cause : des coûts importants pour assurer la flexibilité du réseau, aussi bien pour stocker le courant lorsque le vent ou le soleil manquent, que pour alimenter en énergie décarbonée des centrales à gaz pilotables, a-t-il fait valoir. Un ton alarmant qui tranchait avec l’optimisme affiché par son interlocutrice, la directrice générale d’Engie, Catherine MacGregor.
Marine Godelier

Lors des rencontres économiques d'Aix-en-Provence, ce samedi 8 juillet, le PDG de TotalEnergies, Patrick Pouyanné, n'a pas uniquement alerté sur les risques d'approvisionnement en hydrocarbures de l'Europe à l'hiver prochain. Face à Luc Rémont (EDF) et Catherine MacGregor (Engie), celui-ci a également affirmé qu'un système énergétique bas carbone, rendu nécessaire par la lutte contre le réchauffement climatique, coûtera durablement « plus cher ».

« Quand on prend un système complet, à moins d'accepter de garder pas mal de fossiles, ça coûtera plus cher qu'aujourd'hui. [...] Il ne faut pas dire aux gens que parce que le soleil est gratuit, ça ne va pas être cher, ce n'est pas vrai ! [...] Le système sera de plus en plus complexe à manipuler », a-t-il fait valoir.

Et pour cause, l'électricité produite à partir de panneaux photovoltaïques, tout comme celle issue des éoliennes, restera « intermittente », c'est-à-dire dépendante des conditions météorologique, a-t-il rappelé. Autrement dit, dans un mix énergétique où ces sources deviendront majoritaires par rapport au pilotable (fossiles, nucléaire), il faudra mettre en place des « capacités de stockage » du courant, afin de restituer celui-ci lorsque les moyens de production s'avèrent insuffisants, par manque de soleil ou de vent. Or, « on en est loin », a rappelé Patrick Pouyanné, puisqu'aucune technologie compétitive ne permet aujourd'hui de stocker de l'électricité à grande échelle.

Lire aussiRéseau électrique: 96 milliards d'euros, ces coûts cachés (et colossaux) de la transition énergétique

LCOE ou coûts complets du système ?

Cela rejoint le fameux débat sur l'indicateur à retenir pour mesurer le coût de chaque énergie. Faut-il privilégier les coûts des sources d'énergie seules, calculés entre autres par le LCOE (« coût actualisé de l'énergie produite », un indicateur de la banque Lazard), ou bien les coûts complets du système qu'implique chaque nouvelle unité de production d'énergie ? Une chose est sûre : largement utilisé pour démontrer la compétivité du solaire et de l'éolien, le LCOE n'intègre en fait pas les coûts du système associés à chaque technologie, comme les batteries, le stockage hydraulique, ou encore la boucle hydrogène. Ni ceux induits par le réseau de transport et de distribution, qu'il faudra adapter si l'on change de modèle de production.

C'est d'ailleurs pour cette raison que, dans ses méthodes de calcul sur le mix énergétique en 2050, le gestionnaire du réseau de transport d'électricité français RTE examine les coûts dans une analyse « bottom-up » incluant la chaîne de production, de flexibilité et de réseau, et en tenant compte des taux de charge, plutôt que le LCOE. Et estime que ces coûts additionnels seront « plus importants dans les scénarios avec une très forte part en énergies renouvelables ».

« On n'investit pas dans l'éolien offshore en Europe à 50 euros le MWh ! »

Samedi, la directrice générale d'Engie, Catherine MacGregor, s'est quant à elle montrée beaucoup moins pessimiste. « En Espagne [où les énergies renouvelables sont prégnantes dans le mix, ndlr], sur 135 jours du 1er semestre, les prix spot étaient inférieurs à ceux de la France », preuve qu'il est possible d'atteindre un « mix énergétique décarboné et bon marché pour le consommateur », a-t-elle assuré face à Patrick Pouyanné. Par ailleurs, même si les énergies renouvelables augmentent l'instabilité dans les réseaux électriques, « les centrales à gaz, fonctionnant au gaz décarboné, vont jouer rôle massif [pour y remédier, ndlr] », a-t-elle répondu au patron de TotalEnergies, qui n'a pas hésite à la qualifier de « madame Soleil ».

En effet, la promesse d'Engie serait de faire carburer les centrales électriques à cycle combiné gaz à l'hydrogène bas carbone afin de pallier l'intermittence des renouvelables, sans pour autant s'appuyer sur les fossiles.

Mais « si tu veux faire de l'électricité avec de l'hydrogène et du biogaz, ça coûte cher ! », lui a immédiatement opposé le patron de TotalEnergies. Lequel n'a pas non plus manqué de tacler les conditions dans lesquelles ont été remportés les derniers appels d'offre sur l'éolien offshore par EDF, à moins de 50 euros le mégawattheure (MWh). « Si tu fais un investissement, tu prends sans doute pas 50 euros le MWh comme hypothèse, mais sans doute beaucoup plus. On n'investit pas dans l'éolien offshore en Europe à 50 euros le MWh, ce n'est pas vrai ! », a-t-il assumé, sous les rires crispés de Catherine MacGregor, qui pointait du doigt le PDG d'EDF, Luc Rémont.

Depuis plusieurs mois, plusieurs acteurs du secteurs dénoncent en effet des prix tirés à la baisse, en raison notamment d'appels d'offres quasi uniquement basés sur ce critère, au moment-même où les constructeurs européens d'éoliennes font face à des pertes massives, et craignent la concurrence asiatique.

Lire aussiEolien : les coûts de construction explosent, le modèle européen ne tient plus face à la concurrence chinoise

Marine Godelier

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Commentaires 19
à écrit le 10/07/2023 à 0:44
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C'est conforme au système actuel: plus on paye et moins on en a pour son argent. Pauvre de nous!

à écrit le 10/07/2023 à 0:44
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C'est conforme au système actuel: plus on paye et moins on en a pour son argent. Pauvre de nous!

à écrit le 09/07/2023 à 19:45
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Avant on va engranger des milliards ou plutôt des dizaines de milliards de benef pour nos actionnaires.. mais vous inquiétez pas après on fera payer bien plus cher aux consommateurs pour maintenir ce niveau de benef .. lol ... mais on est Green .....

à écrit le 09/07/2023 à 18:08
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Espagne puissance solaire en 2022 : 26.6 GWc. L'objectif de puissance installée en 2030 double de 39 à 76 GWc. Soit trois fois plus qu'aujourd'hui. En prolongation tendancielle, on ne peut que constater que la production solaire couvrira bien plus ...

à écrit le 09/07/2023 à 15:48
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Et bien on baissera tes scandaleux émoluments , pas de problème

à écrit le 09/07/2023 à 10:42
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J aimerai qu on m explique comment alors font les autres pays ? L Espagne mix énergétique a 67%: éolien :46% photovoltaïque le solde, Danemark 89% de mix énergétique : éolien 78% 21 biomasse +photovoltaïque ..Allemagne 38% éolien -photovoltaïque ( ...

le 10/07/2023 à 9:17
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C'est simple, il suffit de comparer au final l'émission de CO2 en tonnes par habitant, et de comparer la France avec les 3 autres pays que vous citez : France (2019) = 4,46 , Allemagne (2019) = 7,91 , Danemark (2019) = 5,1 , Espagne (2019) = 5,09 . ...

à écrit le 09/07/2023 à 9:51
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Et oui mon gros, tu t'es bien gavé mais ton système commence à battre de l'aile. Même si pour l'heure on ne peut pas faire sans ton poison, les alternatives sont de plus en plus fortes et dans un avenir assez proche ce serra fini de total et de ses a...

le 09/07/2023 à 12:09
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Il y en a toujours qui prennent leurs délires pour des réalités. Il y en a toujours des adeptes de l'auto flagellation. Protestent ils contre les pétroliers américains ?, contre le charbon Allemand ?, contre le charbon Chinois ? contre les hydrocarbu...

le 09/07/2023 à 15:53
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D'après les derniers articles que j'ai lu la Chine est un des pays qui fait le plus pour le climat , hélas ce pauvre pays produit TON smartphone , TON PC , TA bagnole , TON frigo , TON micro onde , TES panneaux solaires , TES éoliennes ,et bientôt T...

le 10/07/2023 à 10:04
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Pardon mais... tu va pleurer quand tu découvrira que le macron hier en Ouganda a proposer un nouveau plan d économie là-bas mdr . Ou on peut voir une jeune personne noir parler d écologie. Au final le plan on apprendra par la presse anglaise (oui ma...

à écrit le 09/07/2023 à 7:48
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Comme si on ne s'en était pas aperçu ! Votre système décarboné est plus cher par contre, parce qu'il y aurait bien d'autres meilleures solutions.

à écrit le 09/07/2023 à 7:29
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Un système plus carboné c'est aussi plus d'externalités non comptées dans le prix affiché par Pouyanné (le coût des changements climatiques induits sont supérieurs aux cooûts de transformation). Pouyanné ne parle que de son intérêt personnel, son sal...

à écrit le 09/07/2023 à 6:40
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Cette équation accueille un passager clandestin : il faudra bien trouver les 70 milliards des nouveaux réacteurs nucléaires . L'Espagne ne supporte pas cette charge

à écrit le 08/07/2023 à 20:02
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Nous nous adapterons au "plus cher"... mais les "investisseurs" paieront la note ! ;-)

le 09/07/2023 à 13:52
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On sous-estime l'adaptation, ne comptez pas sur moi !

à écrit le 08/07/2023 à 19:20
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Le gaz "decarbone", il faudrait nous expliquer ce que c"est. Il y a bien un moment où il faut le produire et de la production à son utilisation est on sûr que rien de carbone n'entre dans ke processus. Comme dans le célèbre sketch de Raymond Devos: "...

le 08/07/2023 à 22:06
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Vous pouvez avoir un bilan carbone nul mais un bilan énergétique médiocre. Pour produire H2 avec du courant (éolien, nucléaire, de panneaux), le rendement n'est pas de 100%, loin de là, si vous compressez ou liquéfier H2 (avec des appareils électriqu...

à écrit le 08/07/2023 à 19:19
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Le gaz "decarbone", il faudrait nous expliquer ce que c"est. Il y a bien un moment où il faut le produire et de la production à son utilisation est on sûr que rien de carbone n'entre dans ke processus. Comme dans le célèbre sketch de Raymond Devos: "...

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