Électricité : le froid arrive mais la baisse de consommation des Français écarte le risque de coupure

Avec la baisse des températures, faut-il craindre une pénurie d’électricité en France après les risques de coupures évoqués l’hiver dernier ? Malgré l’arrivée d’une vague de froid la semaine prochaine, la situation a bien changé, et les signaux semblent tous au vert. En cause : un regain de la production, mais aussi et surtout une baisse structurelle de la consommation.
Marine Godelier
Avec la vague de froid annoncée la semaine prochaine, la France pourrait ne pas devoir importer davantage d'électricité qu'elle en exporte. Une situation différente de l'année dernière à la même période.
Avec la vague de froid annoncée la semaine prochaine, la France pourrait ne pas devoir importer davantage d'électricité qu'elle en exporte. Une situation différente de l'année dernière à la même période. (Crédits : DR)

Qu'il paraît loin le temps de l'alerte générale sur un possible manque d'électricité en France. Alors qu'à la même période l'an dernier, le passage de l'hiver tourmentait le gouvernement au point qu'il préparait le terrain à d'éventuelles coupures tournantes, la situation a bien changé.

Pour preuve : malgré l'arrivée d'une vague de froid la semaine prochaine, du 8 au 14 janvier, le marché a réagi très modérément. « Les prix de l'électricité négociés sur les bourses d'échange [qui sont au plus bas depuis presque deux ans, ndlr] ont peu fluctué après cette annonce », explique Emeric de Vigan, vice-président chargé des marchés électricité chez Kpler. Signe que le risque d'un manque de courant s'éloigne, après la crise de production historique ayant secoué le pays à partir de 2022.

« A cette époque, les cours montaient en flèche au moindre aléa, y compris une possible baisse des températures, car les acteurs de marché craignaient une pénurie. Le fait que ce ne soit plus le cas indique une vraie détente », précise Nicolas Leclerc, cofondateur du cabinet de conseil en énergie à destination des entreprises et collectivités Omnegy.

Mieux : la France pourrait même ne pas devoir importer davantage d'électricité qu'elle en exporte la semaine prochaine, depuis l'Allemagne notamment, ce qu'elle fait pourtant habituellement en hiver.

« On sera peut-être importateur net sur certaines heures de pointe de demande, mais sur la journée ce n'est vraiment pas sûr ! », pronostique Nicolas Goldberg, senior manager Energie chez Colombus Consulting.

Mercredi 3 janvier d'ailleurs, l'Hexagone a atteint un nouveau record en la matière, avec plus de 20 GW d'électricité expédiée en-dehors de ses frontières ! Soit des circonstances très favorables, meilleures même que pour certaines années d'avant-crise.

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Davantage de marges côté production

Mais comment le paysage a-t-il pu si radicalement changer en un an seulement ? Aucun nouveau réacteur nucléaire n'a pourtant été mis en service, puisque celui de Flamanville, en Normandie, ne devrait pas démarrer avant l'an prochain. Et les quelques gigawatts (GW) d'éolien et de solaire raccordés en 2023 n'ont pu jouer qu'à la marge.

Plusieurs facteurs se combinent néanmoins, éloignant les risques de tension. D'abord, le parc atomique d'EDF, avec ses 56 réacteurs historiques, sera davantage au rendez-vous qu'à l'hiver 2022-2023. A cette période en effet, celui-ci traversait une crise industrielle sans précédent, en raison d'un problème de corrosion affectant les installations les plus récentes. Depuis, EDF a procédé au contrôle et à la réparation d'une large partie des réacteurs concernés ou susceptibles de l'être. Résultat : alors que la disponibilité des centrales permettait difficilement d'atteindre une production de 40 GW il y a un an, 50 GW environ de capacités sont prévues la semaine prochaine (sur 61,4 GW installés au total).

Par ailleurs, les stocks hydrauliques et gaziers s'avèrent élevés pour la saison.

« On pourra beaucoup compter sur l'hydro-électricité car il a énormément plu ces dernières semaines. Mais aussi sur pas mal de production éolienne alors même qu'il fera froid ; ce qui tord le cou à certaines idées reçues ! », souligne Emeric de Vigan.

Au global, entre le nucléaire, l'hydraulique, l'éolien, le solaire, le gaz, la biomasse, et éventuellement un peu de charbon et de fioul à la marge, près de 78 GW de capacités de production sont attendues. Pour rappel, en avril 2022, une demande de 70 GW seulement avait suffi à faire vaciller le système, nécessitant d'importer 9 GW en une matinée seulement.

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La demande d'électricité restera faible

Mais en réalité, le « game changer  » est à chercher côté consommation. « Celle-ci est extrêmement faible : pour les tout prochains jours, RTE [Réseau de transport d'électricité, ndlr] prévoit 65 GW de pic de demande, alors que le froid a commencé ! Je n'avais jamais vu cela », commente Nicolas Goldberg. « C'est ça qui fait principalement la différence », ajoute Emeric de Vigan.

Même pour la semaine prochaine, les prévisions tablent entre 66 GW à 83 GW au plus fort de la pointe.

« A température équivalente, on a perdu entre 8% et 10% de consommation par rapport à l'avant-crise. Autrement dit, dans cette situation, on aurait atteint 90 GW au moins. Or, il est forcément moins difficile pour le système d'absorber une demande plus faible », ajoute Nicolas Leclerc.

Difficile néanmoins d'en identifier précisément les raisons. Selon RTE, cette inflexion serait dû à « un contexte économique d'inflation et de prix élevés », mais aussi à « un maintien des efforts de sobriété engagés à l'automne 2022 ». « Les comportements d'économie d'énergie s'ancrent dans la durée », estime Emeric de Vigan. « 19°C de chauffage et pas plus, par exemple, comme préconisé par le gouvernement il y a plusieurs mois, c'est une consigne simple et bien respectée notamment dans le tertiaire », abonde Nicolas Goldberg.

Sobriété choisie ou subie ?

Il n'empêche, le signal-prix joue forcément un rôle. « Un consommateur sera forcément beaucoup plus enclin à respecter les 19°C lorsque l'électricité coûte cher. Pour les particuliers, par exemple, les factures ont augmenté de 30% en deux ans », nuance le consultant.

Reste à savoir si l'inflation entraînera une destruction de la demande industrielle, ce qui serait un mauvais signe pour l'économie française. Nicolas Leclerc, lui, en est persuadé : « On constate encore aujourd'hui ce phénomène auprès de nos clients. Ils s'approvisionnent via des contrats à terme, pas au jour le jour sur la bourse d'échange. Or, ceux qui ont acheté tout ou partie de leur consommation prévisionnelle l'an dernier, lorsque les cours ont explosé, doivent toujours faire des arbitrages pour éviter une note trop salée », assure le co-fondateur d'Omnegy. Attention à ne pas crier victoire trop vite...

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Marine Godelier

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Commentaires 17
à écrit le 07/01/2024 à 0:12
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Bonsoir, Perso je n'y comprends pas grand chose dans << j' te vends, te rachète....au passage on t'embrouiller avec des 0pérateur qui faussent le marché !!! >> Enfin bref, il y a des gens politiques aidé par des haut fonctionnaires qui ont par veule...

à écrit le 05/01/2024 à 14:31
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Je ne vois pas pourquoi nous râlerions encore : tant que nos dirigeants sont éclairés, tout va bien pour nous...

à écrit le 05/01/2024 à 14:07
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J'ai baissé ma consommation de 10% mais j'ai payé plus cher que l'année d'avant !! Cherchez l'erreur.

le 06/01/2024 à 14:43
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Il n'y a pas d'erreur. Le rattrapage des tarifs de l'électricité est nécessaire compte tenu de la politique de ces dernières années où les gouvernements successifs ont refusé à EDF de réinvestir dans de nouvelles centrales nucléaires. De plus, l'Euro...

à écrit le 05/01/2024 à 12:27
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Oui, après avoir volontairement permit a l'inflation d'exploser en se faisant de l'argent, le gouvernement français pour ensuite filer l'électricité aux allemands qui en ont besoin, doit vous privez ! Pendant que vous payez les centrales, vous ne...

le 06/01/2024 à 22:12
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Vous oubliez que c'est aussi la faute du gouvernement s'il fait froid en hiver. Des vrais amateurs !

à écrit le 05/01/2024 à 11:22
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Si il y a de l'électricité, elle ira en priorité pour les spéculateurs de la bourse à l'énergie. Les français ne servent qu'à payer et entretenir l'outil qui enrichi cette petite classe de prévilegiés. Le plus fort c'est quand on achète de l'électric...

le 06/01/2024 à 22:17
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Quel ramassis de mensonges. 1- Les prix de l'énergie ont augmenté bien avant les sanctions de l'UE, ça n'a joué qu'à la marge. 2- Si la France exporte l'électricité c'est EDF et donc l'état qui ramasse, pas de spéculateur dans ce cas. 3- En quoi les...

à écrit le 05/01/2024 à 10:47
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J'ai bien peur que le dernier paragraphe de l'article soit le plus important. Et d'aiilleurs ni dans les statistiques du commerce exterieur ni dans le PMI manufacturiers (comparés à ceux des autres pays voisins) on voit le moindre signe d'une compé...

à écrit le 05/01/2024 à 9:15
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Tu parles d'une nouvelle , les éditorialistes sont gagné aussi par cette vague d'auto satisfaction issue de notre gouvernants.Ils sont tellement clairvoyant qu'ils ont approuvé et mis en œuvre la décision politique de notre président de nous passer d...

à écrit le 05/01/2024 à 9:09
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"les factures ont augmenté de 30% en deux ans" la hausse de 15% l'an passé c'était annoncé sur la facture, ça a donc fait +25% sur l'énergie, vu que la facture ne comporte pas que du courant, mais les 10% suivants c'était +10% sur l'électricité (cumu...

à écrit le 05/01/2024 à 8:45
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Soyons logiques: notre entrée dans l'hiver se fait dans des conditions climatiques exceptionnellement clémentes en matière de température; cela se conjugue avec une amélioration de notre appareil producteur d'électricité et une stabilisation des cou...

à écrit le 05/01/2024 à 8:18
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Un vauit mieux une oligarchie éclairée à une autogestion mais il vaut mieux une auto gestion à nos oligarchies éteintes par la cupidité, la sagesse populaire n'étant pas un mythe. Le problème majeur de notre classe dirigeante étant que plus ils osnt ...

à écrit le 05/01/2024 à 8:07
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Dans le village Potemkine France, l'utilisation de mesures indirectes permet de mieux estimer l'état réel de l'économie: Catastrophique!

à écrit le 05/01/2024 à 7:25
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Bonjour, le grand changement est sue nous exportons , et ils y a quelques réacteur nucléaires qui fonctionnent... Donc , ils est peux probable qu'ils y est des coupure... Mais bon l'hivers arrive et ils semblent particulièrement vifs cette année (-4...

à écrit le 05/01/2024 à 6:57
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Si l’on regarde notre marche de l’électricité on constate bien que depuis des mois on exporte de l’électricité, que les prix sont au plus bas mais que les utilisateurs et consommateurs payent le prix fort. On voudrait comprendre cette anomalie cette...

le 05/01/2024 à 9:22
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"que les prix sont au plus bas" lesquels ? Ceux du marché UE, fluctuant (offre/demande), auquel EDF exporte son courant (il a presque intérêt à ne rien nous vendre et tout exporter c'est mieux payé, surtout en pointe de demande, le marché est europée...

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