Le verdict de la Banque Européenne d'Investissement est tombé la semaine dernière. Le projet Flowatt de construction d'une ferme hydrolienne pré-commerciale au large de la presqu'île du Cotentin (Normandie) a été jugé « suffisamment mature sur le plan technologique et financier » pour figurer parmi les vingt « champions bleus » européens à qui la BEI promet de faire la courte échelle.
Pour rappel, le projet en question est porté par trois acteurs français : l'énergéticien Qair (Paris) et le turbinier grenoblois Hydroquest dont l'industriel cherbourgeois CMN est l'actionnaire principal et le futur fabricant des machines. Leur but ? Immerger, dans le puissant courant marin du raz Blanchard, 7 turbines d'une puissance totale de 17 MW. Soit de quoi fournir 41 Gwh d'électricité par an, l'équivalent la consommation de 20.000 foyers. « Ce sera le parc d'hydroliennes le plus puissant jamais déployé sur l'un des sites les plus énergétiques au monde », soulignent les intéressés.
Le message de Bruxelles à Paris
Le soutien apporté par le bras armé financier de l'UE intervient un peu moins d'un an après que Flowatt a obtenu un accord de financement du gouvernement français à hauteur d'au moins 65 millions d'euros. Il survient surtout dans une période d'incertitudes pour le secteur hydrolien ébranlé par la liquidation, en janvier, de l'un des pionniers français de la spécialité : l'entreprise bretonne Sabella boudée par les investisseurs faute d'ouverture du marché français.
Dans ce climat, la reconnaissance de la BEI arrive à point nommé pour Flowatt qui, par-delà sa ferme pilote, reste dans l'attente du lancement d'appels d'offres pour des parcs commerciaux sur le modèle de ceux en vigueur pour l'éolien marin. Emmanuel Macron les avait promis en novembre dernier lors des assises de la mer mais le calendrier comme les volumes demeurent incertains à ce stade.
Dès lors, l'appui apporté par Bruxelles pourrait-il pousser le gouvernement français (devenu le seul arbitre en l'absence d'une loi sur l'énergie) à mettre le turbo sur l'hydrolien ? C'est en tout cas ce que veut croire le directeur commercial d'Hydroquest. « Le fait que des experts financiers de haut vol fassent savoir que notre projet est mature est un signal fort envoyé aux services de l'Etat en pleine définition de la PPE », souligne Guillaume Greau.
L'espoir d'un puissant appel d'air
L'enjeu est clef pour l'ensemble de la filière qui espère, et vite, un puissant appel d'air dans la prochaine programmation pluriannuelle de l'énergie. Soutenu par le Syndicat des Energies Renouvelables (SER), elle réclame des appels d'offres à hauteur de 2,5 GW dont un bon tiers alloué dès la première période d'ici 2035 en Normandie et Bretagne. « C'est vital pour le secteur de pouvoir compter sur de grands projets. C'est aussi l'un des plus puissants leviers pour baisser les coûts », martèle Guillaume Gréau à toutes fins utiles.
Comme le SER, lui croit possible de descendre « largement » sous la barre des 100 euros le MW à terme. « L'hydrolien est quasiment sur les mêmes métriques que l'éolien flottant », soutient-il. Juge de paix, le ministère de la transition énergétique se laissera-t-il convaincre ? Bien malin qui pourrait le dire. Si rien ne vient bousculer le calendrier, on devrait connaître les grandes orientations de la PPE, à la fin de cette année. Quant au chantier de la ferme pilote du raz Blanchard, il doit démarrer théoriquement courant 2025 après la décision finale d'investissement. Mais il y a fort à parier que Flowatt reste à l'état de projet si le gouvernement ne met pas ses pendules à l'heure H.
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