Hydrolien : en redressement, Sabella a la tête sous l’eau faute de visibilité politique

Seule la mise en place de fermes hydroliennes permettra à Sabella de devenir bénéficiaire. Placée en redressement judiciaire, la PME quimpéroise, qui alimente l’île d’Ouessant en électricité produite à partir des courants marins, en appelle à l’État sur la nécessité d’inscrire l’hydrolien parmi les énergies renouvelables développées en France.
Placée en redressement judiciaire, Sabella, spécialiste breton de l'hydrolien, dispose de six mois pour trouver des partenaires lui permettant de financer ses investissements.
Placée en redressement judiciaire, Sabella, spécialiste breton de l'hydrolien, dispose de six mois pour trouver des partenaires lui permettant de financer ses investissements. (Crédits : Sabella)

Sabella ne manque pas de projets, mais l'entreprise manque de fonds. Spécialisée dans la conception et dans le développement d'hydroliennes, l'entreprise quimpéroise, fer de lance de l'énergie hydrolienne sur le territoire breton, a annoncé dimanche 22 octobre son placement en redressement judiciaire pour une période de six mois.

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Depuis un an et demi, la PME d'une vingtaine de salariés injecte, grâce à son hydrolienne D10 (17 mètres de haut, 1 MW de puissance), jusqu'à 75% de l'électricité produite à partir des courants marins dans le réseau de l'île d'Ouessant. Elle voit toutefois ses comptes plombés par plusieurs mois de difficultés financières.

Après la reprise en 2021 des brevets et actifs des activités hydroliennes de GE Renewable Energyentré comme actionnaire à hauteur de 15%, l'entreprise fondée en 2008 compte sur les six mois à venir pour trouver de nouveaux partenaires lui permettant de financer ses investissements. La fin de la phase de test du démonstrateur D10, technologiquement opérationnel, est prévue pour 2025.

Alors que l'éolien terrestre, offshore et flottant prend le large, le marché de l'hydrolien reste en devenir, pénalisé par le manque de visibilité. Le gouvernement devait inscrire l'hydrolien dans une loi de programmation Energie Climat, dont on ne sait si elle verra le jour.

Absence de cadre légal

« Il y a un an, l'hydrolienne D10 recommençait à produire à pleine puissance, dans le Fromveur, afin d'alimenter Ouessant en électricité. Nos équipes répondent aussi actuellement à des appels d'offres, dans le domaine de la défense (surveillance des côtes) et des énergies renouvelables. Mais l'absence de cadre légal empêche que de nouveaux investisseurs financent la suite de notre développement » regrette Benoît Bazire, président du conseil d'administration de Sabella, joint par La Tribune.

« Seule la mise en place de fermes hydroliennes nous permettra de devenir bénéficiaires. Nous avons besoin pour cela que l'État inscrive l'hydrolien parmi les énergies renouvelables développées en France », ajoute le patron de l'entreprise.

Sans projet national et l'ouverture d'un marché hydrolien, Sabella a enchaîné les problèmes de trésorerie, son développement n'étant plus financé par les investisseurs.

Trouver des solutions avec la Région Bretagne

Depuis 2021, son tour de table réunit les fonds d'investissement Ecotechnologies de Bpifrance, Demeter Ventures et Go capital, dont certains sont appelés à sortir, ainsi que des industriels: la Sofresid (solutions innovantes pour les ports), le groupe Farinia (forge, fonderie) ou Dourmap (électricité industrielle). Une partie du capital est également détenue par des cadres, des salariés et des particuliers. Ceux-ci ont pu investir à l'automne 2019 via une campagne de financement participatif sur la plateforme bretonne Gwenneg, puis en décembre 2021 via Wiseed.

Pour l'heure, Sabella indique « mettre en place des solutions », afin de poursuivre l'activité et garantir le savoir-faire de ses salariés, maintenir la continuité du service à Ouessant, poursuivre les projets en cours et promouvoir l'hydrolien auprès des énergéticiens. Pour la PME, l'objectif a toujours été de développer en Bretagne une filière industrielle pourvoyeuse d'emplois dans les énergies renouvelables.

Très engagée sur les enjeux de l'insularité, la Région Bretagne a d'ailleurs toujours accompagné l'entreprise bretonne au travers de subventions (836 000 €) et d'avances remboursables (724 000 €) ou encore via fonds d'investissement Grand Ouest Capital Amorçage. Dans le cadre de projets européens, Sabella s'est aussi vue allouer 10,1 millions d'euros de crédits dont un tiers venant de la collectivité. Votées, ces sommes n'ont en revanche pas forcément encore été versées dans leur totalité.

Des projets en stand-by au Royaume-Uni et en Indonésie

Que va-t-il donc advenir du projet expérimental européen à 10 millions d'euros sur trois ans mené avec Morbihan Hydro Énergies? Il prévoit d'installer courant 2024 au large d'Arzon deux hydroliennes de 250 KWh (kilowattheures), afin de produire de l'électricité pour 1.000 habitants.

En France, l'atonie du marché et la recherche d'optimisation des machines avaient déjà retardé le projet d'installation d'un site d'assemblage d'hydroliennes sur le nouveau polder du port de Brest, où Sabella loue un atelier. Les prévisions de construction et d'assemblages de 30 à 50 unités ont été repoussées à l'horizon 2030.

Quant au projet ouessantin, mené en partenariat avec Akuo Energy et la Région Bretagne - visant à immerger pour 25 ans deux hydroliennes nouvelle génération D12 (500 kilowatts) dans le courant du Fromveur - en appui d'une ferme pilote multi énergies, il est définitivement noyé. L'île étant classée, Akuo Energy n'a pas obtenu l'autorisation de l'État pour poser une éolienne terrestre. Fabricant de turbines, Sabella a, de fait, perdu un partenaire clé dans la chaîne de valeur.

Depuis plusieurs années, Sabella s'était aussi orientée vers une stratégie internationale en visant d'abord les zones non interconnectées au réseau électrique national. Bien qu'ayant déjà levé le pied en raison de décisions politiques tardives, l'entreprise avait tissé en 2021 des liens avec le développeur britannique Nova Innovation pour développer des projets hydroliens en France et au Royaume-Uni. Les partenaires avaient d'ailleurs obtenu en 2022 deux concessions, de 12 MW et de 15 MW respectivement, à Anglesey au Pays de Galles et dans le détroit de Yell en Écosse.

En septembre dernier, Sabella avait aussi annoncé un partenariat stratégique avec la société publique indonésienne PT PLN (Persero) et PT Meindo Elang Indah afin de réaliser une étude de faisabilité pour le développement d'une première ferme hydrolienne en Indonésie.

« Pour le moment, on se reconcentre sur la France et le passage du Fromveur » se résigne Benoît Bazire.

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Commentaires 2
à écrit le 06/12/2023 à 8:14
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Erreur dans l'article, la puissance ces hydroliennes est de 250 KW et pas KWh. Le pire c'est l'erreur réécrite en toute lettre...

à écrit le 24/10/2023 à 17:42
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75% des besoins ça correspond à quoi...On voit 49% ailleurs...25% aussi...si 75% c'est en été...en milieu d'après-midi..quand la consommation est quasi nulle...ça ne veut rien dire... Ce serait bien que les médias publient des chiffres sérieux en ex...

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