La loi de programmation énergétique ajournée

Les objectifs de la souveraineté énergétique devaient faire l'objet d'un texte avant août 2023, mais l'exécutif essaye d'éviter un débat risqué devant le Parlement.
(Crédits : © Raphael Lafargue/ABACAPRESS.COM)

La phrase pourrait bien remettre le feu aux poudres. Alors qu'il visitait jeudi, aux côtés de Roland Lescure, l'usine de retraitement du combustible nucléaire de La Hague (Manche), le ministre de l'Économie, Bruno Le Maire, a évoqué un autre sujet brûlant : les objectifs de la France en matière d'énergies renouvelables et de nucléaire. « Je souhaite que les Français aient leur mot à dire, a-t-il lancé. On ne prend pas de décision en chambre [...]. Nous allons ouvrir ce débat dans les semaines qui viennent, puis nous verrons sous quelle forme nous traduirons ces conclusions. »

Lire aussiEmmanuelle Wargon : « À terme, il y aura peut-être moins de fournisseurs d'électricité, ce ne sera pas forcément plus mal »

Les promesses tombent les unes après les autres

Une nouvelle pirouette après la séquence incompréhensible des derniers mois. Car les objectifs en question, déjà actés par Emmanuel Macron début 2022 dans son discours de Belfort, devaient faire l'objet d'une loi dite de « programmation » avant... août 2023. Il s'agissait en effet d'une obligation légale, d'ailleurs déjà évoquée par le même Emmanuel Macron en novembre 2019. Or, non seulement ce rendez-vous n'a pas été honoré à temps, mais les promesses tombent, depuis, les unes après les autres : tandis que l'ex-Première ministre Élisabeth Borne mais aussi l'ancienne ministre de la Transition énergétique Agnès Pannier-Runacher avaient assuré début janvier qu'il s'agirait de l'un des premiers textes examinés en 2024, celui-ci avait finalement été reporté... avant que Bercy ne décide donc, finalement, de remettre le compteur à zéro.

Quid, donc, du grand débat public autour du nucléaire organisé en 2022, suivi de quatre mois de discussions sur l'énergie organisées par la Commission nationale du débat public (CNDP), ou encore de la grande consultation publique sur la stratégie française énergie-climat de fin 2023 ? « Le dialogue est ouvert depuis longtemps ; cela a dû échapper au ministre ! » souffle Didier Mandelli (LR), sénateur de la Vendée.

La technique du saucissonnage

En l'état, c'est un autre débat que l'exécutif cherche à éviter : celui avec les parlementaires, alors qu'il se trouve en majorité relative à l'Assemblée nationale. Et pour cause : une grande partie de la gauche entend diminuer le poids du nucléaire tandis que la droite se refuse au développement massif du renouvelable. Il s'agit donc, pour Bercy, de trouver la parade afin de gagner du temps. Et se donner les chances, si possible, de passer l'essentiel des objectifs par voie réglementaire ; il ne faut pas être dans le « fétichisme législatif », explique une source proche du dossier.

Selon cette même source, le gouvernement ne chercherait pas à organiser un énième grand débat public sur la stratégie énergétique globale de la France, mais prévoit plutôt de multiplier des temps d'échanges ciblés sur des sujets bien précis : les orientations en matière de production, scindées selon les différentes énergies, la régulation du marché, la protection des consommateurs, etc.

La charrue avant les boeufs

Cette technique du saucissonnage, c'est justement celle qu'avait employée Agnès Pannier-Runacher pour réussir à faire voter la loi sur l'accélération des énergies renouvelables et son pendant sur le nucléaire. Ce second texte, qui entérinait de facto la relance de l'atome civil en facilitant la construction des six futurs réacteurs nucléaires, tout en supprimant l'objectif de réduction à 50 % de la part de l'atome dans le mix électrique inscrit dans la précédente loi de programmation, avait alors suscité de vives critiques de la part de la gauche et des ONG anti-nucléaires. « On met la charrue avant les bœufs », dénonçaient-elles, alors que la nouvelle loi de programmation énergétique ne devait être débattue au Parlement que l'été suivant. Presque un an plus tard, la France est toujours orpheline d'une grande loi dessinant son avenir énergétique.

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 1
à écrit le 11/03/2024 à 12:03
Signaler
La procrastination est de retour (si jamais elle s'était éloignée). Faut-il attendre la pénurie d'électricité et l'explosion des coûts du kWh comme on l'a brièvement connue, pour demander aux français leur avis sur le renouvellement de nos centrales...

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.