Énergie : pour la première fois, la consommation mondiale de charbon devrait baisser de manière structurelle (AIE)

La demande mondiale de charbon devrait décliner sur la période 2024-2026, prévoit l’Agence internationale de l’énergie (AIE). Un tournant historique directement lié au développement massif des énergies renouvelables en Chine, de très loin le plus gros consommateur de charbon au monde. Malgré ce point d’inflexion inédit, le recul reste très timide et la consommation mondiale devrait se maintenir largement au-dessus de 8 milliards de tonnes annuelles. Elle a même atteint 8,5 milliards de tonnes en 2023, un triste record.
Juliette Raynal
La consommation de charbon en Chine devra reculer dès 2024, grâce au développement massif des énergies renouvelables.
La consommation de charbon en Chine devra reculer dès 2024, grâce au développement massif des énergies renouvelables. (Crédits : Sheng Li / Reuters)

La planète est-elle sur le point d'entamer son sevrage en matière de charbon, l'énergie fossile la plus émettrice de CO2, mais aussi la plus utilisée pour la production d'électricité dans le monde ? C'est en tout cas ce que laisse entrevoir la dernière édition du rapport annuel de l'Agence internationale de l'énergie (AIE) sur le marché du charbon, publiée ce vendredi 15 septembre, deux jours après le consensus arraché à la COP28 de Dubaï appelant pour la première fois dans l'histoire de ces conférences climatiques à une transition vers la fin des énergies fossiles. Pour la première fois également, l'AIE anticipe une baisse structurelle de la demande mondiale, avec un léger déclin à partir de 2024 et jusqu'en 2026. La baisse attendue de la demande mondiale « pourrait marquer un tournant historique », estime ainsi l'agence.

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Selon le rapport, la demande mondiale pour le charbon atteindra d'abord 8,5 milliards de tonnes en 2023, un triste record pour le climat. Elle devrait ensuite diminuer de 2,3% d'ici à 2026. Et ce, « même si les gouvernements n'annoncent pas et ne mettent pas en œuvre des politiques plus strictes en matière d'énergie propre et de climat », précise le rapport, pour qui ce point d'inflexion tient essentiellement à « la forte expansion des capacités en matière d'énergies renouvelables qui seront mises en service au cours des trois années précédant 2026 ».

Le rôle décisif de la Chine

« Nous avons vu des baisses de la demande mondiale de charbon à quelques reprises, mais elles ont été brèves et résultaient d'événements extraordinaires tels que l'effondrement de l'Union soviétique ou la crise du Covid-19. Cette fois semble différente, car le déclin est plus structurel et s'explique par l'expansion formidable et soutenue des technologies d'énergie propre », se réjouit Keisuke Sadamori, directeur des marchés de l'énergie et de la sécurité à l'AIE, dans un communiqué.

La Chine joue un rôle clef dans cette évolution. Alors qu'actuellement le pays représente à lui seul plus de la moitié de la demande mondiale de charbon (54%), il accueillera également plus de la moitié du déploiement des nouvelles capacités d'énergies renouvelables mondiales au cours des trois prochaines années. L'AIE table aussi sur une forte production hydroélectrique en 2024. Résultat, la demande chinoise de charbon devrait reculer dès 2024 et diminuer de 4,3% d'ici 2026, par rapport à 2023.

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L'Inde va devenir le principal moteur

En revanche, la demande de charbon en Inde, le deuxième plus gros consommateur dans le monde, va, elle, continuer d'augmenter. Le sous-continent va ainsi devenir « le principal moteur de la croissance de la demande mondiale de charbon », note le rapport, qui table sur une croissance annuelle de 3,5% jusqu'en 2026, après une hausse de 8% en 2023. D'ici trois ans, la consommation annuelle de l'Inde devrait ainsi atteindre 1,4 milliard de tonnes.

Cet emballement n'a rien d'étonnant. Alors que 73% du mix électrique indien dépend actuellement de la houille (contre 61% en Chine), les autorités freinent des quatre fers sur la réduction de son utilisation. De fait, ralentir son usage reviendrait à mettre en péril sa croissance insolente, alors que le pays compte encore 800 millions de pauvres.

A contrario, la demande de charbon devrait continuer à baisser dans la plupart des pays développés. Selon les prévisions de l'AIE, les Etats-Unis et l'Union européenne devraient même enregistrer une baisse respective record de l'ordre de 20% en 2023.

Prudence pour l'après 2026

La baisse de la demande mondiale du charbon se poursuivra-t-elle au-delà de 2026 ? Le rapport, dont le périmètre d'étude se limite à la période 2022-2026, ne le dit pas. Néanmoins, l'agence reste très prudente, notamment sur l'évolution de la demande en Chine, qui sera fortement influencée dans les années à venir par quatre grands facteurs : le rythme de la croissance économique, celui du déploiement des énergies propres, les conditions météorologiques et les changements structurels de son économie.

« Un tournant pour le charbon se profile clairement à l'horizon, même si le rythme auquel les énergies renouvelables se développent dans les principales économies asiatiques dictera la suite des événements et que des efforts beaucoup plus importants restent nécessaires pour atteindre les objectifs climatiques internationaux », met ainsi en garde Keisuke Sadamori.

Le rythme de diminution reste insuffisant pour le climat

Et pour cause, la baisse mondiale anticipée s'annonce très timide et devrait se traduire par une forme de plateau au cours des trois prochaines années. La consommation mondiale devrait ainsi rester largement supérieure à 8 milliards de tonnes jusqu'en 2026. Or, pour réduire les émissions à un rythme compatible avec les objectifs de l'accord de Paris, l'utilisation du charbon doit diminuer bien plus rapidement, rappelle l'AIE.

Malheureusement, sur ce point, l'accord de la COP28, qui s'est achevée mercredi à Dubaï, est décevant. Il entérine uniquement l'objectif « d'accélérer les efforts en vue d'une réduction progressive de l'électricité produite à partir de charbon » non associée à des techniques de captage et de stockage de carbone, sans fixer de calendrier précis. Aucune avancée donc depuis la COP26 de Glasgow...

Juliette Raynal

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Commentaires 3
à écrit le 15/12/2023 à 14:26
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Cela fait dix ans que demain on raze gratis!

le 15/12/2023 à 15:05
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chut ca rapport du cash

à écrit le 15/12/2023 à 8:24
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C'est grâce à la crise donc la Chine étant de très loin le plus gros consommateur et producteur de charbon au monde. Et leur capacité de production a commencé à être sérieusement affecté sous Trump, le gars que tout le monde disait malade mental a fa...

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