L'échange entre les salariés de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) et la ministre de la Transition énergétique Agnès Pannier-Runacher, qui s'est tenu hier à l'Ecole Polytechnique à Palaiseau (Essonne), n'a pas convaincu l'intersyndicale de l'IRSN du bien fondé du projet de loi organisant la fusion de l'institut avec l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN), le gendarme du secteur. L'intersyndicale appelle ainsi à la grève le 20 décembre prochain, date à laquelle devrait être présenté le projet de loi en Conseil des ministres (soit une semaine après le calendrier initial) ont fait savoir plusieurs représentants syndicaux de l'institut, lors d'un point presse ce mardi.
« L'idée est de manifester le jour du passage du projet de loi en Conseil des ministres. Si cette présentation devait être une nouvelle fois reportée, l'appel à la mobilisation le sera aussi », a toutefois précisé Philippe Bourachot, délégué syndical central CGT de l'IRSN.
En parallèle de cet appel à la grève, l'intersyndicale prévoit de rencontrer des groupes parlementaires, mais aussi d'intervenir dans les Commissions locales d'information (CLI) afin « de toucher les élus », a précisé François Jeffroy, délégué syndical CFDT à l'IRSN. L'intersyndicale envisage également de rencontrer d'autres ministres.
Un projet retoqué en mars dernier
A l'origine de la contestation, le gouvernement entend fusionner l'ASN, qui prend des décisions sur l'arrêt ou le redémarrage d'un réacteur nucléaire par exemple, et l'IRSN son bras technique, dans l'optique de « fluidifier les processus d'examen » afin de créer une « organisation optimale dans le cadre de la relance nucléaire ». Pour mémoire, l'exécutif a acté la construction de six nouveaux réacteurs nucléaires de type EPR2 et étudie la possibilité d'en bâtir huit autres. Il soutient aussi le développement de petits réacteurs nucléaires modulaires, dits SMR.
En mars dernier, ce projet de fusion avait été retoqué par le Parlement alors que l'exécutif avait tenté de le faire voter dans le cadre d'un amendement au projet de loi d'accélération du nucléaire. L'objectif, cette fois-ci, est de le faire adopter via un véhicule législatif dédié, dont l'étude au Parlement doit commencer début 2024.
Perte d'indépendance et moindre transparence ?
L'intersyndicale s'oppose farouchement à cette fusion, qui doit donner naissance à l'Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection et (ASNR). Comme plusieurs experts et élus, elle redoute une perte d'indépendance et une moindre transparence alors que le projet prévoit de réunir au sein d'une même entité l'étape d'expertise et celle de prise de décision. Deux phases qui sont aujourd'hui clairement séparées et qui font l'objet de publications distinctes.
Lundi, quelque 500 salariés de l'IRSN se sont rendus à l'Ecole Polytechnique pour échanger avec la ministre sur ce sujet. 400 autres salariés ont suivi les échanges à distance, tandis que 60 agents de l'ASN étaient également présents, selon l'intersyndicale de l'IRSN, qui emploie au total près de 1.750 collaborateurs.
Cette rencontre était initialement prévue le lundi 27 novembre dernier au Beffroi de Montrouge (Hauts-de-Seine), mais avait été annulée par la ministre, moins de 48 heures avant, provoquant un certain émoi des salariés, selon les représentants syndicaux. L'organisation de ce premier rendez-vous, reporté in extremis, a représenté une somme de 105.000 euros, comme nous le précisions dans notre newsletter Contre-Courant du 28 novembre dernier.
« Abattement » et « déception » des salariés
Ce lundi 4 décembre, une heure entière a été consacrée aux questions des salariés, au nombre d'une quinzaine selon l'intersyndicale. Selon François Jeffroy, la réunion s'est déroulée dans un « ton cordial ». Il décrit néanmoins une « sorte d'abattement » et de « déception » à l'issue des échanges. « La question du "pourquoi cette réforme ?" a été posée trois fois », a-t-il souligné. « Mais elle est restée sans réponse », déplore-t-il.
Les collaborateurs de l'IRSN auraient également partagé auprès de la ministre leur crainte d'une « désorganisation » du système « au pire moment » et que cela donne des « arguments aux détracteurs du nucléaire », a rapporté François Jeffroy. L'intersyndicale reproche par ailleurs à la ministre « d'adopter continuellement le point de vue de l'ASN contre l'IRSN » et « d'essayer d'opposer les salariés de l'IRSN et les agents de l'ASN ». Pour l'heure, le syndicat FO de l'ASN n'a pas répondu à nos sollicitations.
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