« Sur la prévention des risques, on est encore loin du compte » (Eric Borcardi)

Eric Borcardi, porte-parole des sapeurs-pompiers, évoque pour la Tribune du Dimanche, les solutions qui s'offrent à nous dans le futur, afin de pouvoir gérer au mieux des aléas climatiques de plus en plus récurrents.
Eric Borcardi, porte-parole des sapeurs-pompiers.
Eric Borcardi, porte-parole des sapeurs-pompiers. (Crédits : © FNSPF)

« Cet événement a été bien géré. » Venu constater les dégâts après le passage de Ciaran, vendredi à Plougastel-Daoulas (Finistère), Emmanuel Macron a souligné « la mobilisation de l'ensemble des services de l'État », qui a permis un « bilan humain extrêmement réduit ». Porteparole de la Fédération nationale des sapeurs-pompiers, Éric Brocardi salue les décisions fortes prises pour anticiper la tempête. Mais face à la multiplication des aléas climatiques, il appelle à développer une culture du risque en France.

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La préparation en amont de la tempête a-t-elle porté ses fruits ?

On aurait pu avoir un bilan beaucoup plus lourd. Il faut se souvenir des suites des tempêtes dans les années 1990. La prévention est la clé. Elle est passée par la diffusion de messages de manière régulière, précise et ciblée, par des alertes à la population grâce au système FR-Alert, mais aussi par des décisions plus structurelles. Quand le préfet du Finistère interdit toute circulation routière, ce n'est pas pour embêter les gens, mais pour laisser les secours et les services techniques se concentrer sur leurs missions. Quand la SNCF arrête ses trains, c'est pour éviter de mettre en danger les usagers, qui pourraient se retrouver bloqués par des branchages tombés sur une voie. Ces décisions fortes permettent d'économiser des femmes, des hommes et du matériel mobilisés pour la remise à niveau du territoire. Mais surtout d'épargner des vies.

Sommes-nous en train de développer une culture du risque climatique en France ?

On est encore loin du compte. Il y a un gros travail à faire pour parvenir à une prise de conscience collective sur ces enjeux de protection, de survie même. Lors des tempêtes, on voit encore des gens s'aventurer sur les fronts de mer, voire aller en mer pour des activités nautiques. En ce qui concerne les feux de forêt, on a passé l'été dernier à rabâcher l'obligation légale de débroussailler et l'importance de faciliter l'accès aux secours. Mais cette culture du risque va plus loin que les aléas naturels. Il y a encore trop d'incendies domestiques meurtriers, par méconnaissance des bons réflexes. Les détecteurs de fumée sont obligatoires, mais très peu d'habitations en sont équipées. Au lendemain des attentats de 2015, la formation aux gestes de premiers secours avait été nommée grande cause nationale. Mais l'objectif gouvernemental de former 80 % de la population est encore loin d'être atteint.

Comment faire mieux ?

Le premier axe, c'est de favoriser l'engagement citoyen. On va en avoir de plus en plus besoin. Il faut notamment consolider les effectifs des sapeurs-pompiers. On compte actuellement 197 000 volontaires et 40 000 professionnels ; on estime qu'il faudrait atteindre 250 000 et 50 000. Le second axe, c'est la sensibilisation. Chacun doit s'adapter à toute situation. En réveillant la notion d'engagement et en diffusant l'information au plus grand nombre, on peut rendre les territoires plus résilients.

L'objectif gouvernemental de former 80 % de la population aux gestes de premiers secours n'est pas encore atteint

La sensibilisation aux risques météorologiques devrait-elle devenir systématique dans les établissements scolaires, comme l'éducation à la sécurité routière ou les exercices « attentat-intrusion » ?

Bien sûr ! Il faudrait aussi profiter davantage des cours d'activités physiques, de natation notamment, pour enseigner les bons gestes et valoriser les diplômes de secouriste. Les entreprises devraient aussi inclure cette dimension de sécurité dans leurs politiques de RSE.

Les Français s'informent de moins en moins par les médias traditionnels. Comment toucher le plus grand nombre?

Les médias jouent leur rôle mais n'atteignent pas toutes les catégories de personnes. Nous devons toucher aussi bien les personnes isolées, souvent âgées, que les mairies essaient de recenser, que les plus jeunes. Capter leur attention est un réel défi, c'est pourquoi la Fédération nationale des sapeurs-pompiers a travaillé avec Meta pour utiliser les réseaux sociaux de manière pertinente.

Votre fédération plaide pour la création d'un ministère de la Sécurité civile et des Situations d'urgence. Qu'est-ce que cela peut apporter ?

On le voit avec la tempête Ciaran : les risques climatiques peuvent concerner aussi bien le ministère de l'Intérieur que celui de la Santé, des Transports, de la Transition énergétique... La France était considérée comme un pays « calme », mais les phénomènes extrêmes s'accumulent et vont devenir plus fréquents. Créer un ministère spécifique permettrait d'appuyer encore plus ces messages de prévention. ■

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Commentaire 1
à écrit le 05/11/2023 à 8:42
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« la mobilisation de l'ensemble des services de l'État » Ciblés et détruits par la cupidité pathologique de l'UERSS empire prévu pour durer mille ans. Les pompiers pyromanes pour nous faire la leçon.

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