« Hiérarchie : la société des anges », la thèse brillante d'Emanuele Coccia

Dans son ouvrage « Hiérarchie : la société des anges », le philosophe italien Emanuele Coccia dévoile les raisons des malheurs du monde.
Aurélie Marcireau
Emanuele Coccia.
Emanuele Coccia. (Crédits : © Olivier Dion/LH/opale)

Les anges sont coupables ! Si nous en sommes là, c'est leur faute. Telle est la thèse du brillant philosophe italien Emanuele Coccia. En ouvrant son nouveau livre, on imaginait de jolies histoires sur Gabriel ou Michel qui nous permettraient de prendre de la hauteur et de gagner en légèreté. Au lieu de quoi on a trouvé les raisons des malheurs du monde...

Ce livre - un travail demandé par le philosophe Giorgio Agamben (dont Coccia était l'assistant) - est un bouillonnement théologique et philosophique détonnant.

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Très érudit - parfois au détriment de la fluidité -, ce voyage au pays des intercesseurs donne à voir trois dimensions. Primo : une lecture politique. À en croire le philosophe, la société des anges est tout à la fois notre exemple, notre finalité et notre inspiration. Dans le détail, cela donne l'ordonnancement suivant : chaque ange est défini hiérarchiquement, c'est-à-dire socialement, par sa tâche. Et ce travail « n'est pas une pratique privée : c'est pour ainsi dire un acte de droit public céleste ». Entre Dieu et l'homme, chaque ange se trouve plus ou moins haut sur l'échelle du divin en fonction de son niveau dans la hiérarchie. Une organisation reprise par l'Église puis par nos sociétés.

Secundo, Coccia dissèque - pour mieux l'éclairer - la précarité du pouvoir. L'ange est un envoyé de Dieu, une espèce de fonctionnaire à son service. Sa mission consiste à rendre humain ce qui est divin, à faire entrer l'éternité dans le temps et à rendre Dieu accessible. Mais attention, il peut perdre sa nature divine. Car à l'instar du pouvoir ici-bas, il s'agit d'une délégation.

Chérubins moqueurs

Tertio, ces pages nous renseignent sur l'humanité. Coccia souligne que la chute toujours possible caractérise les anges. En cela, ils nous ressemblent diablement. On aime le passage sur leur première rébellion et le péché originel. Jaloux de l'homme, le prince des anges devient démon et pervertit Adam et Ève. La suite est connue : se propagent sur la terre la culpabilité, la mort et le mal. « La chute des anges est le premier grand événement de l'histoire du cosmos, et l'histoire elle-même n'est que l'effet de leur désobéissance », écrit l'auteur.

En fermant ce livre, vous ne regarderez plus jamais de la même façon les chérubins joufflus qui veillent, un brin moqueurs, depuis le fronton des palais de Venise ou de Florence. Morale : qui méprise l'an-géologie ne saurait vraiment comprendre le monde.

Aurélie Marcireau

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Commentaire 1
à écrit le 04/12/2023 à 10:28
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A mettre en perspective avec l’œuvre d'un autre auteur italien "Parasites" de Roberto Saviano. Ah ces italiens, toujours et encore là ! Bravo ! Une bien belle approche indispensable et nouvelle sur ce phénomène qui est à l'origine de la destruction d...

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