Théâtre : Le Soleil brille toujours à la Cartoucherie

Ariane Mnouchkine a confié à Richard Nelson, auteur et metteur en scène américain, la nouvelle création du Théâtre du Soleil. « Notre vie dans l’art » raconte la tournée de Stanislavski aux États-Unis en 1923.
Répétitions en juin 2023 avec des comédiens de la troupe du Théâtre du Soleil de l’adaptation de « Ma vie dans l’art », de Stanislavski.
Répétitions en juin 2023 avec des comédiens de la troupe du Théâtre du Soleil de l’adaptation de « Ma vie dans l’art », de Stanislavski. (Crédits : © MICHÈLE LAURENT)

Ciel d'automne sur la Cartoucherie : un fond de l'air humide, avec les vastes pelouses jonchées de feuilles encore jaunes, et ces bâtiments harmonieux qui, depuis plus de cinquante ans, abritent des théâtres. Au Soleil, il y a toujours du monde, des activités, même lorsqu'une très grande partie de la troupe est au loin, comme ces derniers temps. Ariane Mnouchkine a présenté au Japon L'Île d'or, son dernier spectacle. Un accueil enthousiaste et chaleureux, un triomphe pour cette plongée superbe dans l'univers nippon qui a tant marqué l'immense artiste.

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Tout le monde est de retour depuis le 8 novembre. À l'intérieur des bâtiments, l'espace est chamboulé, et, pour le moment, on a quelque mal à se repérer. Où est donc le vaste hall ? le grand plateau ? On traverse l'atelier pour accéder au lieu où se répète le prochain spectacle, Notre vie dans l'art. Un dispositif bifrontal de gradins qui s'élèvent en stalles fermées comme des bancs d'église ou de fac de médecine. C'est la scénographie qui avait été imaginée par Everest Canto de Montserrat pour Les Éphémères, en 2006. Ici, on ne détruit pas les décors. « Je travaille souvent en bifrontal, explique Richard Nelson. Parfois, j'utilise même du trifrontal. » c'est la première fois que l'Américain, auteur prolifique et metteur en scène très reconnu aux États-Unis, associé à la Royal Shakespeare Company avec laquelle il collabore très régulièrement, monte un spectacle en France et avec des comédiens non anglophones.

S'approcher au plus près d'une vérité du jeu

Ariane Mnouchkine connaît bien cet homme doux et fin qui, comme elle, révère Tchekhov. Après le Québécois Robert Lepage, en 2018, avec Kanata, c'est au tour de Richard Nelson d'être invité à diriger la troupe, une partie de la troupe. « Je l'admire et je l'aime ! » dit-elle. Elle a traduit la pièce Notre vie dans l'art, titre qui fait référence au célèbre ouvrage de Constantin Stanislavski Ma vie dans l'art. « Il y a longtemps que je réfléchissais à ce voyage des comédiens aux États-Unis ; j'ai beaucoup lu, je me suis documenté, interrogé, explique Richard Nelson, regard bienveillant derrière ses lunettes à monture noire.

Et en 2020, pendant la pandémie, j'ai composé cette pièce que je sous-titre Conversations entre acteurs du Théâtre d'Art de Moscou pendant leur tournée à Chicago en 1923. Traduite en russe, elle a intéressé Lev Dodine. Nous en avons discuté longuement à Saint-Pétersbourg mais avons renoncé à ce projet d'un commun accord, en demeurant très amis ! » Présentant la pièce à son public, Ariane Mnouchkine analyse sa « simplicité », sa « pureté ». « Toute sa profondeur vous attrape par surprise [...]. Tout à coup, sans savoir pourquoi, vous avez envie de pleurer. »

Pas d'autre décor qu'une table principale au milieu de l'espace, des chaises, deux autres petites tables, comme des dessertes. Audessus pendent une douzaine de micros, discrets et ultrasensibles, que l'on pourrait prendre pour d'élégants luminaires. Dans Notre vie dans l'art, tout se passe au cours d'un long dîner de fête. Stanislavski et sa troupe sont donc en tournée aux États-Unis, on est en 1923. Ils sont à Chicago. Ils célèbrent ensemble les 25 ans de leur cher Théâtre d'Art, si mal vu par les autorités de leur pays bouleversé qui estiment qu'ils font, notamment avec Tchekhov, du théâtre bourgeois.

Autour de la table, la dizaine d'interprètes retenus par Richard Nelson, dont Maurice Durozier dans le rôle de Stanislavski ; Hélène Cinque dans celui d'Olga Knipper, veuve de Tchekhov ; Arman Saribekyan interprétant Richard, ancien du Théâtre d'Art, exilé et guide... Ariane Bégoin, vive et précise, traduit les propos. Richard Nelson, inlassablement, fait reprendre les scènes. Il cherche à s'approcher au plus près d'une vérité du jeu. Rien de naturaliste ou d'hyperréaliste. Cet homme, très sensible à la musique, veut la note juste.

Notre vie dans l'art, par le Théâtre du Soleil, à la Cartoucherie dans le cadre du Festival d'automne, du 6 décembre 2023 au 3 mars 2024. Tél. : 01 43 74 24 08. theatre-du-soleil.fr La traduction du texte de Richard Nelson par Ariane Mnouchkine paraît à L'Avant-Scène (14 euros).

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