« J’adorais Lens puis je suis revenu dans le droit chemin familial » (Mory Sacko, chef cuisinier)

ENTRETIEN - Avant le déplacement du PSG à Bollaert, le jeune chef étoilé se met à table pour évoquer les deux clubs qui l’ont fait vibrer.
Solen Cherrier
Le chef Mory Sacko lors de la rencontre PSG-Monaco, au Parc des Princes, à Paris, le 28 août 2022.
Le chef Mory Sacko lors de la rencontre PSG-Monaco, au Parc des Princes, à Paris, le 28 août 2022. (Crédits : © Laurent Zabulon/ABACA)

Après le service du midi, Mory Sacko, 31 ans, révélé par Top Chef, reçoit au MoSuke, son restaurant situé dans le 14e arrondissement parisien. Au menu : Lens-PSG (20 h 45, Prime Video). Soit le club de ses premiers émois contre celui qui a pris le relais dans son cœur. Il ne le ratera pas. Et ce d'autant que cet habitué du Parc, qui a fait la une de Time comme Kylian Mbappé avant lui, ferme désormais le week-end.

LA TRIBUNE DIMANCHE - Comment est venue votre passion pour l'équipe de Lens ?

MORY SAHKO - C'est une grosse coïncidence. J'ai commencé à suivre vraiment le football en 1998, l'année où Lens est champion. J'avais 6 ans. Comme tout gamin, tu supportes l'équipe qui gagne. Ça a commencé comme ça. J'adorais cette équipe, les couleurs, l'ambiance dans le stade... Je sentais qu'il y avait un truc autour du club. En plus, il y avait beaucoup d'internationaux africains. Avec mes origines maliennes, Seydou Keita, ça m'a parlé. Ça a duré quelques années. Après, je suis revenu dans le droit chemin familial et je me suis mis à supporter le PSG.

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À la maison, vous vous faisiez chambrer ?

Carrément, j'étais seul face à mes frères. Heureusement, le PSG n'était pas très bon à cette époque. Il y a juste mon père, supporter marseillais, qui pouvait faire le malin : il a connu l'OM de Tapie, donc, de toute façon, c'est impossible de débattre avec lui. Mais Lens jouait le haut du classement et c'était plaisant à voir.

Quel joueur vous a marqué ?

Dans le style, El-Hadji Diouf était quand même une rock star. En vrai, il ne se prenait pas pour de la merde et c'était cool parce qu'il était bon. Ce genre un peu arrogant, il n'y en avait pas tant que ça dans le championnat à ce moment-là. Et c'était marrant de voir un joueur africain avec cette morgue. Chez nous, ça créait plein de débats. Je le défendais mais, c'est vrai, il parlait un peu trop. Sinon, dans le jeu, j'étais fan de Daniel Moreira. Le vrai numéro 10 à l'ancienne. Ça n'existe plus, les joueurs comme ça. Ni spécialement rapide ni spécialement puissant, mais il faisait tout.

En 1998, il y avait le « Druide » Daniel Leclercq sur le banc. Ça marque, à 6 ans ?

Il avait un drôle de style. On se chauffait avec mes frères : « Regarde, ton coach ne ressemble à rien. » Je ne pouvais qu'acquiescer : « C'est vrai, oui, mais c'est stylé. »

Regardez-vous encore les matchs de Lens ?

Quand c'est contre le PSG, sinon je suis de loin. Mais je trouve ça cool qu'ils soient européens. La saison dernière était parfaite pour moi : les deux se tirent la bourre et le PSG gagne à la fin. Ils ont fait une vraie saison de patron. Je reconnais même que c'était beaucoup plus intéressant de voir un match de Lens que du PSG. Dommage, je suis plus souvent au Parc des Princes qu'au stade Bollaert.

Quand la bascule avec le PSG s'est-elle opérée ?

Petit à petit. Déjà, les saisons Ronaldinho-Luis [Fernandez, 2001-2003] étaient géniales. Pour l'émission Cuisine ouverte, je me suis retrouvé avec Luis au Parc, je n'ai pas pu m'empêcher de lui en parler. Après, il y a eu les années Pauleta. Même si j'étais un peu pour Lens, je les vivais à fond. Puis on a bien souffert quand on a failli descendre en Ligue 2 [2007-2008]. Ce n'était pas facile d'être fan du PSG. Il y avait plus de Marseillais dans la cour de récréation, ça a bien changé.

El-Hadji Diouf ne se prenait pas pour de la merde et c'était cool

Il paraît qu'Amara Diané est invité à vie dans votre restaurant ?

Clairement. Il n'aura pas fait grand-chose à Paris mais tout le monde se souvient de ce but du maintien à Sochaux [en mai 2008]. La période Colony Capital était bizarre, mais derrière le club est vendu au Qatar. Et les premières années QSI étaient, elles aussi, géniales.

Quoi en particulier ?

Javier Pastore. Le joueur au-dessus de tout pour moi. Avec Eden Hazard, mon autre préféré. Pas hyper réguliers, mais ils te scotchent sur une action. Ils jouaient juste quand ils en avaient envie. Des vrais romantiques, quoi ! Les machines me fascinent moins. Quand je vais au Parc aujourd'hui, je sais que j'ai plus de chances de voir un doublé de Kylian [Mbappé] qu'aucun but. Avec Pastore, tu ne savais pas lequel tu allais avoir : le dégueulasse ou celui qui régale. Quand il multipliait les pertes de balle, je le détestais comme tout le monde. Mais il pouvait être le roi du monde et ça effaçait tout.

Un match du PSG époque QSI qui vous a marqué ?

La remontada, car c'est le seul qui a réussi à me dégoûter du foot. Entre ce fiasco et le moment où je me suis remis à consommer du foot, je crois qu'on était au Trophée des champions. J'ai fait une dépression footballistique.

Quel regard portez-vous sur le milieu du football ?

Quand on ne baigne pas dans cette culture, on assimile ça à des milliardaires derrière un ballon. Bien sûr, il y a tout un business autour, mais ils se sont battus pour être là. Un peu de respect ! Pour une fois que des mecs tout en bas perçoivent plus d'argent que le mec tout en haut, c'est cool. C'est un des rares secteurs où on peut prendre l'ascenseur social. Ces jeunes ont réussi à valoriser leur talent, on peut quand même leur reconnaître ça, non ? Même si, bon, certains clichés ne sortent pas de nulle part...

Solen Cherrier

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