La haute couture, cet univers impitoyable, fascinant et décidément très à la mode en ce moment sur le petit écran ! Après le biopic sur Cristóbal Balenciaga (Disney+) et en attendant celui sur Karl Lagarfeld, la plateforme de streaming Apple TV+ nous fait découvrir les coulisses d'une rivalité féroce entre deux génies de la création : Christian Dior (Ben Mendelsohn) et Gabrielle « Coco » Chanel (Juliette Binoche). En 1947, le premier éclipsa la seconde avec son « New Look », une formule inventée par la rédactrice en chef du Harper's Bazaar Carmel Snow (Glenn Close). Remarquablement réalisée et d'une rare intensité, cette fresque en dix épisodes nous plonge dans le Paris des années 1940, en nous montrant comment ces personnages ont traversé chacun à leur manière les horreurs de la Seconde Guerre mondiale.

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LA TRIBUNE DIMANCHE - S'attaquer à la légendaire Coco Chanel, ce n'est pas rien ! Avez-vous accepté immédiatement le rôle ?

JULIETTE BINOCHE - Avant de dire oui, j'ai pas mal discuté avec Todd Adam Kessler [le créateur de la série]. J'ai compris qu'il y avait eu en amont un très gros travail de vérification du scénario auprès d'historiens. Même si, attention, ça reste une fiction et qu'on ne peut pas prétendre que c'est exactement la vie de cette femme. Ça a été une expérience formidable et très intense. Jouer Coco Chanel était un vrai défi. J'ai vécu ça comme un marathon ! On recevait les scénarios au fur et à mesure seulement deux semaines avant le tournage des scènes, c'était très prenant.

En quoi les rivaux Christian Dior et Coco Chanel étaient-ils si différents ?

Tout les opposait ! À commencer par le milieu d'où ils venaient. Christian Dior était issu d'une riche famille, avec des parents très soudés qui espéraient qu'il devienne diplomate. Le destin de Coco Chanel est tout autre. Elle a grandi dans un milieu extrêmement pauvre, digne des romans de Charles Dickens. Sa mère est morte d'une forme de pneumonie quand elle avait 11 ans et son père l'a abandonnée dans un orphelinat. C'est de ce traumatisme qu'est née sa farouche envie de s'en sortir.

Leurs façons de créer n'avaient également rien à voir l'une avec l'autre !

Absolument. Christian Dior a étudié le stylisme et a appris à dessiner. Il donnait naissance aux tenues avec son crayon. Coco Chanel, elle, était plus une sculptrice. Elle aimait façonner avec ses mains. Elle a d'ailleurs songé à devenir couturière. Mais ce qui les réunissait, c'était ce besoin d'être en permanence entouré d'artistes.

Cette série met sans complaisance en lumière le passé trouble et collaborationniste de Coco Chanel.

Au départ, elle a fermé sa boutique car il était hors de question pour elle de travailler pour l'occupant. Elle est partie dans le sud de la France. Mais quand elle est remontée à Paris, elle s'est installée au Ritz, qui était en partie habité par les Allemands. C'est là qu'elle a rencontré « Spatz » [le surnom du baron Hans Günther von Dincklage, un espion du régime nazi]. Mais, depuis la mort de son grand amour Boy Capel, en 1919, elle ne s'engageait plus avec la même intensité dans ses relations sentimentales.

L'occupation nazie est au cœur de cette série. Une période qui résonne avec votre propre histoire familiale...

Le frère de ma grand-mère est mort à Auschwitz. C'était un intellectuel qui avait caché des Juifs dans son jardin. Ça fait effectivement partie de l'histoire de notre famille. Mais ça appartient surtout à l'histoire de l'humanité. On est tous touchés par ce qui s'est passé à cette époque et par ce génocide insupportable.

The New Look se déroule à Paris et met en scène des personnages français. Mais le tournage s'est fait intégralement en anglais. Pas trop déconcertant ?

Je joue en anglais depuis presque quarante ans, mais, là, je reconnais que ça m'a fait un peu bizarre au début. [Rires.] Coco Chanel a eu des liens étroits avec l'Angleterre, notamment une relation avec le duc de Westminster. Donc je m'en suis servie, par exemple dans les scènes où elle s'énervait. Je devenais alors un peu plus british, ça m'a beaucoup amusée !