Livre : le mystère Marcel

Où l’écrivain François Garde se lance dans la quête méditative d’un grand-oncle parti en Australie voilà plus d’un siècle.
Alexis Brocas
François Garde, écrivain
François Garde, écrivain (Crédits : © BERTRAND LESORT)

Ce pourrait être une définition de l'énigme : une porte fermée sur l'information, donc grande ouverte sur les rêves ! La famille Garde a ainsi vécu cent vingt ans en compagnie d'un mystère qui s'appelait Marcel. Frère aîné du grand-père de l'auteur, Marcel Garde est parti, en l'an 1900, faire sa vie en Australie avant même d'avoir passé son bac. Quel forfait avait-il commis pour que la respectable famille Garde, propriétaire d'une « usine électrique » à Fontaine-de-Vaucluse, le chasse ainsi ? Quelle existence a-t-il vécue aux antipodes ? A-t-il laissé une descendance ?

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Les mystères familiaux sont un sujet à la mode : ils donnent souvent lieu à des enquêtes dont il ressort que le passé est rarement ce qu'on croit... Quand l'enquête échoue, on se rabat sur la « fiction probable », et on remplace par du roman informé ce que le temps a effacé. François Garde ne fait rien de cela - ou plutôt il fait tout à la fois et en même temps. Son livre n'est pas une enquête, et pourtant il y a des recherches, dont une vérité sidérante finira par surgir - mais ce sera presque malgré l'auteur. Et ce livre n'est pas une reconstitution romanesque, même si François Garde y imagine les derniers jours de Marcel en France, son voyage en bateau, sa découverte de Sydney, sa recherche de boulot, sa façon de se réinventer...

Ce qui guide François Garde, c'est avant tout le rêve, la fascination devant le pouvoir du mystère familial

En fait, ce qui guide François Garde, c'est avant tout le rêve, la fascination devant le pouvoir du mystère familial, la part qu'il prend dans le récit commun des Garde, et la volonté de s'appuyer dessus pour sauver les morts de l'oubli et leur rendre justice. Car la légende n'a pas seulement escamoté Marcel et son crime sous l'étiquette « Australie ». Elle a conduit le grand-père de l'auteur à le suppléer comme héritier de l'entreprise familiale - et en cela peut-être a-t-elle détruit sa vie. Elle a amené la mère de Marcel à vivre dans une peur qu'elle dissimulait sous un masque hautain. En verrouillant les faits, la légende a enfermé les êtres... avant de choisir l'auteur pour être délivrée : « Oui, son histoire m'avait ému et il me réclamait d'être son porte-parole. Je devais reprendre à mon compte sa trajectoire, l'affronter enfin complètement, la mettre en ordre, aller au-delà de mes ignorances. Pas seulement parce qu'il y était question d'aventures, de bateaux, et d'un continent lointain. Parce que je sentais confusément qu'une énigme s'y jouait. » Et François Garde nous l'expose dans une écriture d'autant plus belle qu'elle ne force jamais ses effets. Pas l'écriture neutre, tissée de phrases courtes et sans risques, utilisée dans les romans-enquêtes pour tenir l'émotion à distance et dont l'esthétique rappelle parfois celle des meubles Ikea. Mais une écriture souple, au lyrisme bien dosé, qui, à l'image du fleuve que l'auteur contemplera en fin de roman, emporte toujours plus d'émotion que n'en montre sa surface.

MON ONCLE D'AUSTRALIE, François Garde, Grasset, 240 pages, 20 euros.

Alexis Brocas

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