Livre : « La maîtresse italienne », de Jean-Marie Rouart

Jean-Marie Rouart se saisit de Napoléon en congé de sa gloire : à l’île d’Elbe. Avec une aristocrate sensuelle et un officier anglais que l’amour perdra.
(Crédits : © Serge Picard / Agence VU)

D'elle, on ne sait rien ou presque. Juste son nez. Cet appendice à propos duquel Pauline Bonaparte aurait dit : « Si le nez de la comtesse Miniaci eût été plus long, le sort du monde eût été changé... » Voire. Mais le raccourci, si on ose l'écrire, est si plaisant que dans son dernier roman, La Maîtresse italienne, Jean-Marie Rouart le documente avec une érudition gourmande qui le dispute sans cesse aux plus folles échappées. Rien de tout cela n'est tout à fait vrai, rien totalement faux. Tout y sera bigger than life, ainsi qu'il convient à l'Histoire et à la littérature.

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Et d'abord à Napoléon. C'est pour Rouart comme un vieux camarade, un compagnon de route et de rêverie auquel il consacra voici quelques années un ardent Napoléon ou la Destinée. Il le saisit ici comme en congé de sa gloire. L'île d'Elbe, neuf mois, entre le 4 mai 1814 et le 26 février 1815, pour donner naissance à l'épopée paradoxale des Cent-Jours. Neuf mois à se garder à droite, à gauche, de l'âcre désir de revanche de l'Ancien Régime (d'un roi, Louis XVIII, qui peine à s'avouer que son temps, même s'il est venu, est bien toutefois passé...), de la crainte que lui vouent encore les empires réunis entre complots et coucheries au congrès de Vienne et de la haine du Diable boiteux, Talleyrand. Cela fait beaucoup. Ce sera encore trop peu pour éteindre le rêve magnifique et sanglant de l'enfant d'Ajaccio.

Des crépuscules très gais

C'est là, sur ce caillou posé entre Corse et Toscane dont Napoléon seul veut croire qu'il ne sera qu'une étape, qu'interviennent les femmes. Comprendre les princesses, les comtesses, qui font leur pelote de ces temps troublés. Et notamment cette comtesse Miniaci, dont nul ne comprend d'où elle parle, d'où elle couche, mais dont la beauté provoque chez ceux qui s'en approchent un considérable dérangement. Comme ce pauvre colonel anglais, Neil Campbell, chargé de surveiller l'exilé de l'île d'Elbe et qui passe plus de temps à geindre sous les fenêtres du palais toscan de la belle qu'à s'acquitter de sa tâche. Ce qui au regard de l'Histoire ne sera pas sans conséquences...

Il faut regarder Jean-Marie Rouart danser au milieu de ce petit monde, de ce théâtre d'ombres dont l'académicien est le marionnettiste autant que le fut son cher héros. Ces crépuscules-là lui sont tout de même très gais. Ainsi que le furent, en leur temps, de pareilles tentatives des regrettés Michel Déon ou Jean d'Ormesson. Faute de Stendhal ou de Giono, c'est tout de même pas mal. L'esprit ici est une gracieuse conséquence du style.

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