Livre : « Une sale affaire » de Virginie Linhart

Une mère exagérée et un homme surgi de la honte essayèrent de réduire Virginie Linhart au silence.
Virginie Linhart, réalisatrice française
Virginie Linhart, réalisatrice française (Crédits : © PASCAL ITO/FLAMMARION)

C'est toujours la même question qui se pose : à qui appartient l'histoire ? À ceux qui la font ? À ceux qui la vivent ? À ceux qui s'en souviennent ? À ceux qui en souffrent ? À ceux qui en héritent ? À cette litanie de questions, la même réponse : à tout le monde. » À tout le monde et même aux enfants. Qu'ils en fassent bon usage...

C'est de ce droit, de cette liberté paradoxale que procède le nouveau et assez vertigineux récit de Virginie Linhart, Une sale affaire. Résumonsla. Un jour de janvier 2020, alors que doit paraître quelques semaines plus tard L'Effet maternel, un livre peut-être plus personnel encore que tous ceux qu'elle a jamais écrits, consacré pour grande partie à la figure de sa mère, l'écrivaine et réalisatrice apprend que celle-là, pourtant figure soixante-huitarde et libertaire bien connue, adepte résolue de l'« interdit d'interdire », l'attaque en justice pour obtenir le retrait de près de 70 pages de son manuscrit. Pire et plus confusément baroque encore, un certain E., qui fut vingt ans auparavant le compagnon de Virginie Linhart et la quitta brutalement alors qu'elle était enceinte sans plus se préoccuper jamais ni d'elle ni de l'enfant, s'associe à la plainte. L'alliance improbable, en somme, de la carpe maoïste et du lapin du patriarcat...

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Le coup est rude pour Virginie Linhart qui, soutenue heureusement par les siens (mention spéciale à la belle lettre de soutien écrite par Olivier Rolin, compagnon de route de ses parents, du temps lointain de la gauche prolétarienne), et d'abord par son éditrice, va devoir affronter les étapes judiciaires d'une procédure de censure intentée par ceux qui se réclamèrent toujours du camp de la liberté. Oubliant de préciser que celle-ci s'exerçait pour eux et non pour leurs enfants.

Si suspense il y a, c'est moins du fait du verdict à venir, puisque l'on sait que L'Effet maternel a pu effectivement paraître tel que Virginie Linhart l'avait imaginé, que de savoir à quel degré de trouble, d'angoisse, de chagrin, finalement, cette regrettable affaire a pu mener l'écrivaine. Et lorsque tout sera consommé, dans le regret et un amer soulagement, elle écrit, alors qu'aux marches du palais de justice apparaît sa mère: « Qui es-tu ? Qu'as-tu vécu ? Qu'est-ce qui te meut ? Une dernière fois, je suis sidérée par ta force, peut-être ta folie, je ne saurai jamais en définitive [...]. À défaut de partager notre histoire, tu resteras à jamais mon mystère. Alors je détourne les yeux. » Le temps d'un regard et elle est retrouvée, l'éternité.

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