Noël : la folie panettone

Les Français plébiscitent ce spectaculaire gâteau italien aux fruits secs qu’on déguste le 25 décembre en Italie.
Charlotte Langrand
Formé en Italie, le boulanger parisien Christophe Louie, dont c’est la spécialité, se fait régulièrement « dévaliser ».
Formé en Italie, le boulanger parisien Christophe Louie, dont c’est la spécialité, se fait régulièrement « dévaliser ». (Crédits : © columbo.photog/Shutterstock)

Les Italiens savent décidément trouver le réconfort en plein hiver. Ailleurs, quand le froid décembre se penche et que Noël est là, plusieurs ripostes gastronomiques se déploient : les Belges brandissent des cougnous (brioches), les Espagnols croquent des tourons (nougats), les Anglais déballent leur Christmas pudding, les Français se ruinent en bûches... Les Italiens, eux, dégainent un spectaculaire gâteau au ventre rebondi débordant de son moule en papier, regorgeant de raisins secs et de fruits confits. Voilà le panettone en majesté, promettant l'abondance et la douceur de sa mie aérienne à nos âmes transies, invitant un moelleux réconfort à notre table de fêtes.

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Sous ses faux airs débonnaires, l'appétissant panettone se pose comme l'une des pâtisseries les plus techniques qui soient. Ne vous avisez pas de le confondre avec une bête brioche. « Ce serait très réducteur, car il faut au moins quarante-huit heures pour faire un panettone, estime Alessandra Pierini, autrice italienne de livres culinaires. C'est une double pâte levée faite avec un levain naturel qui doit être rafraîchi régulièrement. Ensuite vient une double fermentation : la pâte "pousse" plusieurs heures à chaque fois, avant que l'on ajoute des fruits secs dont on aura calculé le taux d'humidité. »

Ce gâteau est une véritable ode au levain parfait : une entorse dans sa fabrication et la « pousse » de la pâte développera une acidité fatale ou formera des cratères dans la pâte, signe d'une fermentation trop intense. Mais si celle-ci a réussi, direction le four, avant la dernière étape, cruciale : on retourne le panettone tête en bas pour qu'il ne retombe pas comme un soufflé. Résultat, une mie moelleuse et effilochée qui s'étire comme du coton et fond sur la langue. Cette merveille a un prix, qui débute autour de 30 euros et peut s'envoler jusqu'à 80 euros dans les hôtels de luxe... Mais cet édifice pâtissier se conserve près de trois semaines, contrairement à la bûche qui fait triste figure dès la fin des agapes ! « Les gens ont pris l'habitude de venir en acheter pour le week-end, pour le petit déjeuner ou le goûter », explique Christophe Louie, à Paris, qui se fait régulièrement « dévaliser » et les vend aussi en ligne dans toute la France. Le jeune boulanger, spécialisé dans le panettone et formé en Italie, concocte des spécimens architecturaux à plusieurs saveurs (entre 40 et 50 euros) : oranges et raisins ; au chocolat de chez Nicolas Berger ; épicé au gingembre, oranges et pommes confites ; à la fleur d'oranger, figues et mandarines confites...

Une mie moelleuse et effilochée qui s'étire comme du coton et fond sur la langue

En Italie, on le déguste en dessert au déjeuner du 25 décembre. Il existe plusieurs légendes sur sa naissance : il viendrait de Milan où au XIIIe siècle on partageait un « pain à la farine blanche » pour changer des éternels pains noirs. À moins que ce ne soit un certain Toni, commis à la cour de Ludovic le More (XVe siècle), qui aurait rattrapé un dessert raté avec une recette à base de fruits confits, le « pan de Toni »... Qu'importe, le panettone est bien là : après ses années industrielles, après guerre, il revient enfin sous sa forme artisanale et chaque région a sa spécialité : citron à Naples, miel et noix dans le Piémont, pistache en Sicile, safran en Toscane, fruits confits à la moutarde en Ombrie ! À Rome, la mode est au salé, avec un panettone de début du repas au fromage, poivre et guanciale (viande séchée)...

Pas étonnant que la France ait succombé à la « panettomania », elle qui chérit les brioches en tous genres et « notamment le kouglof alsacien, qui lui ressemble beaucoup », précise Alessandra Pierini, qui a même exhumé la seule recette de panettone réalisable à la maison, pour son dernier livre, Artusi (Éditions de l'Épure). Elle a même organisé un championnat de France, en vue des championnats du monde en Italie. Les excellents panettones d'Olivier Krieg de la boulangerie L'Enfariné à Colmar et de Louis Vignals de La Table de Pavie à Saint-Émilion l'ont emporté dans la catégorie panettone traditionnel et, pour le panettone au chocolat, caracolent en tête Maki Koyanagi, pâtissière chez Ladurée et Damien Larderet de la Carioca à Sète. Sans oublier les incroyables spécimens de Frank Colas à Fleur de Loire à Blois ou du chef Mauro Colagreco à Menton, aux citrons locaux, et à Paris celui du cuisinier italien Niko Romito à l'hôtel Bulgari, fabriqué dans les Abruzzes. De quoi s'offrir une belle tranche de dolce vita en plein hiver.

Charlotte Langrand

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