Exposition : le musée de la Marine hisse sa grand-voile

Après six ans de fermeture, cette institution installée au palais de Chaillot rouvre enfin, métamorphosée.
Le hall futuriste accueille désormais les visiteurs.
Le hall futuriste accueille désormais les visiteurs. (Crédits : © H2O_SNOHETTA_MNM_©MVerret_0100© MAXIME VERRET/MUSÉE NATIONAL DE LA MARINE)

Sentez ces embruns iodés du bord de mer, ce vent frais et revigorant du grand large... Dès l'entrée, le « Sillage de mer », signature olfactive du musée national de la Marine, vous embarque. Immersion totale. « La mer est l'avenir de l'humanité, il faut la protéger », s'enthousiasme le directeur du lieu, Vincent Campredon. Fort de son passé de « voileux » et surtout d'officier de marine, il se porte garant de la « cohérence » du voyage. Ce dernier se veut temporel - on navigue entre passé, présent et avenir - et thématique, avec la découverte des cinq marines (militaire, marchande, pêche, océanographique et scientifique, plaisance et course) au travers de mille objets (près de 59 000 sont répartis dans les quatre autres musées du réseau ou stockés au centre de conservation de Dugny, en Seine-Saint-Denis).

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 Précieuses maquettes

La traversée commence par les précieuses maquettes à l'origine même de ce musée, fondé en 1748 lorsqu'un ingénieur, Henri-Louis Duhamel de Monceau, offre au roi Louis XV son exceptionnelle collection de modèles de navires. « Oui, elles sont bien là, plus nombreuses encore qu'auparavant et dès le début de la visite », plaisante Vincent Campredon devant le Royal Louis. Avec ses 5 mètres de long pour 4,50 mètres de haut, ses trois ponts et ses 124 canons, ce navire, semblable dans ses moindres détails à un vrai, était utilisé lors de la formation des officiers de l'école des Gardes de la marine de Brest. Exposé depuis plus de soixante ans à Chaillot, il a vu sa restauration mobiliser trois spécialistes pendant trois semaines. On passe ensuite par Le Havre, ou presque.

Les arts de la navigation

Entouré de conteneurs jaunes à taille quasi réelle, le visiteur découvre les multiples activités portuaires et leurs acteurs, les routes maritimes de la consommation ainsi que les énergies en mer. Un casque de réalité virtuelle permet d'entrer dans le Paraguay, un paquebot lancé en 1888, d'évoluer du pont au fumoir en passant par la salle à manger de la première classe et la salle des machines. Deuxième escale : les arts de la navigation. Depuis l'aube de l'humanité, le marin observe le ciel, la mer et les côtes pour déjouer les dangers et arriver à bon port. « Ses outils ont évolué, on passe des astrolabes aux satellites, avec un focus sur les phares, ces étoiles posées sur nos côtes », insiste le directeur en pointant un bijou d'horlogerie né en 1822, la lentille Fresnel (du nom de son inventeur, Augustin Fresnel), testée à Paris puis au sommet du phare de Cordouan, en Gironde, avant de s'imposer sur toutes les mers du monde.

Le visiteur doit sortir d'ici en connaissant mieux le monde

Vincent Campredon, directeur du musée national de la Marine

Les architectes de ce site rénové - les Français de h2o et les Norvégiens de Snohetta - ont imaginé un parcours tout en courbes.

« Nous voulions retrouver la puissance d'origine de l'édifice construit en 1878 et remanié pour l'Exposition universelle de 1937, décrit Antoine Santiard de h2o. On passe du brouhaha de la ville à une atmosphère feutrée, sous un grand plafond qui ondule. »

Au sein de cet écrin, les scénographes de l'agence britannique Casson Mann ont privilégié les espaces ouverts pour que le visiteur puisse faire ses choix et suivre son propre cap.

« Nous voulons jouer avec les émotions de chacun et presque tous les sens sont mobilisés - la vue, l'ouïe, l'odorat, le toucher, ajoute Delphine Rabat, responsable de l'agence dans l'Hexagone. Nous avons aussi développé des installations monumentales qui viennent créer des atmosphères. »

 « Tempêtes et naufrages »

La plus impressionnante est sans conteste cette vague géante projetée sur une surface de 20 mètres de haut et 8 mètres de large, un son et lumière qui marque l'entrée de la galerie « Tempêtes et naufrages ». Elle voisine les toiles de maître sur lesquelles on observe des scènes de naufrage depuis le rivage avant d'être embarqués, à la suite de Géricault, au cœur du désastre. Puis, équipé d'un aspirateur à sédiment et d'un scanner, le spectateur devient acteur, archéologue sous-marin, pour fouiller une épave et explorer ses secrets. Des photos noir et blanc et un oiseau mazouté rappellent les dégâts causés par les marées noires de l'Amoco Cadiz en 1978, de l'Erika en 1999 et du Prestige en 2002.

Les immenses sculptures de bois recouvertes d'or qui se trouvaient sur l'arrière de La Réale, galère amirale et d'apparat du Roi-Soleil, constituent un des trésors de la collection. Pour les rendre accessibles à tous, aux plus jeunes comme aux personnes atteintes de handicap, une reproduction permet de les toucher du bout des doigts. Au rez-de-jardin du musée se déploie, presque à hauteur d'enfant, la série des « Vues des ports de France » de Joseph Vernet, avant l'ultime espace, consacré à la puissance navale et à la variété des métiers des 39 000 membres de la Marine nationale. « Le visiteur doit sortir d'ici en connaissant mieux le monde », souffle Vincent Campredon. Après six ans et 80 millions d'euros de travaux, il rêve d'avoir transformé son « musée d'histoire » en « musée de société » et espère voir tripler sa fréquentation. L'embarquement a commencé.

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