Quand Chamonix inventait les JO d’hiver

En 1924, la ville a accueilli les premières olympiades d’hiver. Un siècle plus tard, les skieurs affluent pour dévaler ses pentes et flâner dans ses rues.
Le train mythique qui surplombe la mer de Glace
Le train mythique qui surplombe la mer de Glace (Crédits : © M. Coquard)

Le ski alpin ne figurait pas parmi les épreuves, faute de remonte-pentes pas encore inventés. Des athlètes sautaient sur leurs spatules depuis le tremplin des Bossons, d'autres enchaînaient les virages serrés à bord d'un bobsleigh quand ils ne patinaient pas dans d'élégantes tenues rétro sur la plus grande patinoire du monde, construite en un temps record au pied du Mont-Blanc.

La silhouette d'un grand jeune homme de 23 ans se distinguait souvent au milieu des spectateurs de ces premiers Jeux olympiques d'hiver de l'Histoire, à Chamonix du 25 janvier au 5 février 1924. Celle de Roger Frison-Roche, le futur auteur de Premier de cordée, embauché comme secrétaire du comité d'organisation. « C'était très artisanal », décrit Catherine Cuenot, qui a recueilli de nombreuses illustrations de l'époque pour Le Roman de Chamonix, ouvrage remis à jour par les éditions Guérin pour ce centenaire. « L'équipe locale était constituée d'agriculteurs, de guides, d'électriciens, et depuis, il y a toujours eu des Chamoniards aux JO ! »

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Un siècle plus tard, la capitale de l'alpinisme est aussi celle du ski tandis que Frison-Roche a donné ses lettres de noblesse au métier de guide dans l'imaginaire collectif. La vallée compte désormais quatre domaines haut perchés à plus de 2 000 mètres d'altitude, sans problème de neige en ce mois de février si peu généreux en flocons. « Chamonix a pour particularité de ne pas être une station ski aux pieds mais une ville à la montagne qui vit toute l'année », relève Olivier Greber, président de la célèbre Compagnie des guides fondée en 1821. « Ce qui semblait un handicap, prendre un bus puis un téléphérique pour skier au plus près des sommets, est devenu un atout. »

Métamorphose à la mer de Glace

De nouvelles télécabines doivent ouvrir au public dans une dizaine de jours. Elles mènent à la mer de Glace, le plus grand glacier français, qui, premier témoin du changement climatique, rétrécit comme peau de chagrin. L'ancien téléphérique arrivait trop bas, il fallait descendre - puis remonter - 580 marches pour atteindre la grotte creusée dans la calotte. L'installation construite 100 mètres plus haut est pour l'heure accessible aux skieurs de la vallée Blanche, itinéraire magique depuis l'aiguille du Midi. « Un jour il faudra arrêter : la haute montagne, on y accède à pied », tempête l'un d'eux. Luc Moreau, glaciologue spécialiste de la mer de Glace, est d'un autre avis : « Il faut venir voir ce que l'on fait à la nature : ce glacier a perdu 30 mètres en deux étés, de quoi motiver les esprits à réduire les émissions de gaz à effet de serre. »

Dans le train à crémaillère qui redescend vers la vallée, un skieur américain semble avoir compris le message, coiffé d'une casquette blanche ornée d'un « Save the glacier ». « Dans le cadre de notre stratégie bas carbone, nous ne démarchons plus la clientèle outre-Atlantique », glisse Olivier Greber. Le centre-ville à la fréquentation si cosmopolite affiche un charme certain, même détruit en quasi-totalité par un incendie en 1885. Dans l'église du XVIIIe siècle coiffée d'un clocher à bulbe, on repère les vitraux de 1925 représentant des lugeurs et des skieurs. On flâne entre les anciens palaces, un chalet 1900 qui abrite désormais le torréfacteur Shoukâ, un élégant café Art nouveau fraîchement rebaptisé Rose du Pont, une villa Art déco où André Manoukian organise ses soirées jazz...

Chamonix

Les trois héros fondateurs sont statufiés sur les bords de l'Arve : le docteur Paccard et Jacques Balmat, chasseur de chamois et « cueilleur » de cristaux, premiers à atteindre le sommet du mont Blanc le 8 août 1786, motivés et suivis par Horace-Bénédict de Saussure, géologue genevois qui contribua à faire connaître Chamonix à travers l'Europe. Une fresque rend, elle, hommage à plusieurs générations de guides dont Frison-Roche. Elle est tournée vers le glacier des Bossons qui, depuis plusieurs jours, semble percé de deux trous. Tels deux yeux qui interpellent ces Chamoniards en cordée pour réinventer la montagne de demain.

Chamonix

CENTENAIRE

Pas de JO cette année à Chamonix, mais une cérémonie commémorative, le 16 mars. Une petite exposition, « Chamonix 1924 - L'invention des JO d'hiver », est présentée jusqu'en 2025 à la Maison de la mémoire et du patrimoine (90, rue des Moulins), durant les travaux au Musée alpin. On y entend avec émotion la voix de Roger Frison-Roche, on regarde émerveillés un film d'époque et on aimerait piquer le chandail blanc des athlètes chamoniards sous vitrine...

Du jeudi au samedi, 10 h 30-12 heures et 14 heures-17 h 30 durant les vacances scolaires. musee-alpin-chamonix.fr

Carnet d'adresses

Bistrot des Sports

Ouvert en 1924 à l'occasion des JO, ce bar a été tenu dans les années 1930 par Roger Frison-Roche et sa femme Marguerite. Il vient d'être repris par Xavier Monard, petit-fils de Bobby Monard, de l'équipe de hockey aux JO de Cham'. Ambiance nostalgie avec des photos et affiches anciennes sur les murs en bois.

182, rue Joseph-Vallot, Chamonix (Haute-Savoie). Tél. : 04 50 53 00 46.

Refuge du Montenvers

La bâtisse en granit de 1880 a été rénovée avec goût. Emmanuel Macron y dormit dans la suite Dumas, à 1 913 mètres d'altitude, face aux Drus.
Chambre à partir de 210 euros (train crémaillère compris). On peut y boire un café ou y déjeuner (plat à partir de 17 euros).

Tél. : 04 50 53 87 90 / 88 61 refugedumontenvers.com

Librairies Sauvage et Guéri

Cette librairie indépendante ouverte en 2022 présente une exposition d'œuvres sportives
en hommage aux JO. Large sélection, dont les ouvrages Guérin, à la couverture rouge
comme les chaussettes et les pulls des montagnards d'antan, maison d'édition* située à quelques rues.

178, avenue Michel-Croz. Tél. : 04 56 69 02 15. lalibrairiesauvage.com *

30, avenue du Mont-Blanc. Tél. : 04 50 53 74 74. editionspaulsen.com

Musée des cristaux

Les ancêtres des alpinistes étaient les « cueilleurs » de cristaux, surtout de quartz. Parmi les plus belles pièces du massif du Mont-Blanc : une fluorite rouge trouvée
aux Grands Montets. À l'entrée, superbe toile de l'artiste local Gabriel Loppé représentant la mer de Glace.

615, allée du Recteur-Payot. Tél. : 04 50 54 78 39.

Maison Arpin

Plaids, coussins, vestes..., la filature fondée en 1817 à Séez, en Savoie, a ouvert en 2010 sa première boutique sur les bords de l'Avre, où elle équipe depuis 1821 la Compagnie des guides.

138, rue des Moulins, Chamonix. Tél. : 04 50 21 95 05. arpin1817.com

La Fine Bouche

Un ancien guide est aux fourneaux de ce petit resto au style refuge. Produits locaux tels
les escargots de Magland ou la fondue, plat à partir de 18 euros. Réservation conseillée.

140, place du Poilu. Tél. : 04 50 21 10 63.

Hôtel Le Faucigny

Petit hôtel discret à la déco d'inspiration scandinave. Chambres en rouge et gris à partir
de 85 à 350 euros selon la période, sauna et Jacuzzi au sous-sol, gâteau maison au goûter.

118, place de l'Église. Tél. : 04 50 53 01 17. hameaufaucigny-chamonix.com.

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