En défaut de commandes sur l'habillement, les dentelliers de Calais-Caudry doivent trouver de nouveaux débouchés. Et si cet artisanat aidait à sauver la planète ? Pris de passion pour la beauté du corail, le sculpteur Jérémy Gobé s'est longtemps demandé comment son art pouvait sauver ces animaux dévastés par le changement climatique. « En 2017, je suis tombé sur le motif marin d'une dentelle du Puy ; là, les liens entre
les deux m'ont semblé évidents, raconte l'artiste. On parle de tissu corallien, de tissu industriel, de patrimoine vivant... Et puis le corail, comme la dentelle, était en train de mourir, je me suis dit que l'un et l'autre devaient forcément pouvoir s'aider. » En autodidacte, Jérémy Gobé s'abreuve de littérature scientifique, observe, puis élabore un protocole de recherche. Son idée, qu'il baptise Corail Artefact, consiste à utiliser la dentelle comme un filet pour recueillir les larves des coraux puis comme un support de croissance. « La dentelle est à la fois rugueuse, souple et ajourée. Elle possède les caractéristiques idéales ! »

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Bloquer les cellules reproductrices

Juste avant la crise du Covid, la rencontre avec Christophe Machu, le dirigeant de Solstiss, l'une des manufactures de Caudry, permet au projet d'entrer dans une nouvelle dimension. « Jérémy nous a fourni un dessin très simple de cercles concentriques alignés qui ressemblent au squelette d'un corail et qui facilitent le passage de l'eau tout en bloquant les cellules reproductrices, raconte le gérant de Solstiss. J'ai tout de suite été séduit par sa capacité à penser un projet d'artiste, à l'intellectualiser et à le réaliser de façon industrielle. Et moi, j'avais besoin de diversifier mes produits. » Mais quel fil utiliser pour tisser cette dentelle ? Jérémy Gobé veut une matière intégralement produite en France, sans aucun impact sur la nature, ni à sa création, ni à sa fin de vie. Nouvelle plongée dans la littérature scientifique, nouvelles expériences. L'artiste inventeur réfléchit à des alliages, analyse les éléments et leurs propriétés. Il sélectionne ceux dont il a besoin et applique sa recette. Et ça marche. Son biopolymère est conçu grâce à des bactéries marines nourries avec différents sucs qui sont ensuite polymérisés pour obtenir une matière solide, propice au développement du corail. Plusieurs aquariums, comme celui de Paris ou Nausicaá, à Boulogne-sur-Mer, utilisent déjà ses inventions.