Sophia Aram : « Pour trouver plus à gauche que moi, il faudrait que Jean-Luc Mélenchon et Annie Ernaux se reproduisent »

ENTRETIEN - La chroniqueuse de France Inter retrouve la scène avec Le Monde d’après, un one-woman-show dans lequel elle fait alterner stand-up et personnages savoureux pour étriller avec une acuité réjouissante les extrémistes de droite comme de gauche, les wokistes, la désinformation organisée... Férocement drôle.
Sophia Aram
Sophia Aram (Crédits : © BENOÎT CAMBILLARD)

LA TRIBUNE DIMANCHE - Sur scène, vous racontez comment vous vous êtes retrouvée qualifiée d'« humoriste de droite ». Cela vous a amusée, blessée ?

SOPHIA ARAM - La surprise pour moi est d'avoir été comparée à Élisabeth Levy ou Alain Finkielkraut sur les antennes de France Inter. Il semble que pour certains de mes confrères, quand on ne s'inscrit pas dans l'orthodoxie d'extrême gauche - c'est-à-dire tout ce qui est à droite de Poutou -, on est considéré comme étant réactionnaire ou d'extrême droite. Alors qu'au départ, sur le papier, j'avais tout pour être de gauche. Issue de l'immigration et des quartiers populaires, je le dis dans mon spectacle, « pour trouver une personne plus de gauche que moi, il faudrait que Jean-Luc Mélenchon et Annie Ernaux se reproduisent ».

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Il est courant de dire que la plupart des humoristes sont de gauche. En plus du « monopole du cœur », la gauche aurait-elle le monopole de l'humour ?

Durant les années Sarkozy, les Morano, Lefebvre et compagnie produisaient des bourdes en continu. Une mine d'or pour les humoristes. Il était devenu « naturel » de taper sur la droite et de ménager son public de gauche. Je pense que les choses vont changer. Quand je vois Mathilde Panot brandir une fiole de punaises de lit à l'Assemblée nationale, les vidéos TikTok de Louis Boyard ou l'atelier de « booty therapy par le twerk » organisé par EELV lors du lancement de sa campagne pour les européennes... Ils se dépassent vraiment. Aujourd'hui, il suffit que je prononce le nom d'Olivier Faure sur scène pour que le public commence à rire avant la vanne.

Vous tapez également sur Jean-Luc Mélenchon, mais pas un mot sur Fabien Roussel...

Il a toujours été très clair et courageux au sujet de la laïcité, à la différence de Mélenchon et de ses comiques troupiers qui ont tendance à faire de l'islam un élément de l'identité des quartiers populaires en important en France le conflit entre Israël et le Hamas. Sans oublier ce tweet adressé à Ruth Elkrief dont le minimum qu'on puisse dire c'est qu'il est d'une violence rare.

Gérard Larcher a eu raison de l'inviter à « ferme[r] [s]a gueule » ?

J'ai commencé par sourire, c'était presque cathartique, on a quand même tous envie qu'il « la ferme un peu ».

Et puis je me suis dit que, venant du troisième personnage de l'État, c'était une faute politique et peut-être même morale. On doit condamner le tweet de Mélenchon, mais sans s'abaisser à son niveau, il n'attend que ça pour sortir sa carte de la victimisation.

Que répondez-vous à ceux qui affirment que l'on ne peut plus rire de tout ?

Des menaces, j'en ai reçu des antivax, de l'extrême droite. Ce qui vous menace réellement, ce n'est pas tant de faire des blagues sur l'islam politique, c'est d'être immédiatement qualifié d'islamophobe. Je récuse ce terme utilisé pour vous disqualifier et vous coller une cible dans le dos. On l'a vu avec Samuel Paty. Aujourd'hui, on peut rire de ce sujet, mais à condition d'être sous protection policière. Je parle de mes amis de Charlie Hebdo qui se retrouvent à travailler dans un bunker.

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