Virginie Efira fait des infidélités au cinéma

ENTRETIEN - Courtisée par tous les réalisateurs, la comédienne fait une infidélité au cinéma pour s’essayer à la télévision. Elle rayonne dans « Tout va bien », la nouvelle série événement de Disney+.
(Crédits : © Thibault Grabherr)

LA TRIBUNE DIMANCHE - Sa journée a été longue, la fatigue commence à se faire sentir et sa dernière interview est pour La Tribune Dimanche - un journal qu'elle connaît déjà bien. Pas le créneau idéal, d'autant que notre entretien ne doit pas dépasser trente minutes. Confortablement installée dans un salon du palace parisien Le Bristol, Virginie Efira nous accordera finalement plus de temps. Requinquée par quelques fruits secs, mais surtout habitée par cette série de Disney+ dont elle fait la promotion. Une première pour l'actrice de 46 ans : « J'avais déjà effectué quelques apparitions clin d'œil dans des séries comme Dix pour cent. Mais là, c'était un vrai baptême du feu ! » Bien lui en a pris, car cette comédie dramatique en huit épisodes est une franche réussite.

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On suit les aventures de la famille Vasseur, pour qui tout allait bien jusqu'au jour où la petite Rose, 8 ans, se révèle atteinte d'une grave maladie. Une leucémie avec greffe de moelle osseuse qui va « modifier la trajectoire de tous les personnages », comme l'explique Camille de Castelnau, créatrice de la série. Parmi eux : la mère de Rose (Sara Giraudeau), sa tante (Virginie Efira), son grand-père (Bernard Le Coq) ou encore sa grand-mère interprétée par Nicole Garcia, qui crève l'écran dans le rôle d'une gourou du développement personnel complètement perchée.

« Sa personnalité encombre beaucoup sa famille », s'amuse la comédienne de 77 ans. Aliocha Schneider, Eduardo Noriega et Mehdi Nebbou complètent le casting cinq étoiles de cette fiction chorale dont le tour de force est de faire rire malgré la dureté du sujet. Car chez les Vasseur, la vie continue ! Avec son lot de situations ubuesques en décalage avec la tragédie qui se joue en parallèle. Tête d'affiche de Tout va bien, Virginie Efira évoque ce tournage pas comme les autres. L'occasion également pour elle de se livrer sur son rapport au succès et à la famille.

« Aujourd'hui, on ne se dit pas qu'on va jouer pour le ciné ou la télé ; on choisit les meilleurs projets »

Un scénario dont le fil rouge est la leucémie d'une enfant de 8 ans, ça ne vous a pas effrayée ?

VIRGINIE EFIRA - Si ! J'ai flippé quand j'ai commencé à le lire. C'est horrible, comme thème. Je me suis d'abord dit : « Est-ce que j'ai vraiment envie de ça ? » Mais dès la deuxième ou troisième page, j'ai compris qu'il n'y aurait aucun misérabilisme ni sentiments faciles dans cette série. J'ai aussi rapidement vu qu'il y avait beaucoup d'humour. Ce qui est très paradoxal.

Tourner dans un hôpital n'est pas non plus anodin...

La créatrice de la série, Camille de Castelnau, souhaitait qu'une partie des scènes se déroule à l'hôpital Robert-Debré, à Paris. C'était important pour elle, étant donné son histoire personnelle [lire ci-contre]. Mais vous savez, je connaissais déjà l'univers des hôpitaux. Mon père est hématologue et oncologue. Il a toujours travaillé à l'hôpital public, à Bruxelles. Il continue d'ailleurs à donner des consultations. Quand j'étais gamine, j'allais souvent faire mes devoirs là-bas. Je m'installais dans son bureau. En préparant ce rôle, j'ai pas mal discuté avec lui. Même si, dès qu'on parle de médecine ensemble, il me reprend systématiquement, car il trouve que je suis à côté de la plaque !

Vous n'avez jamais voulu devenir médecin ?

[Elle rigole.] Ah non ! Pas une seule seconde. Quand on est acteur, on est parfois confronté à des situations et des rôles très durs. Mais à la fin, on entend toujours « coupez ». Alors que le médecin, lui, est en prise avec le réel. Je ne cherche pas à vivre dans un cocon, mais je n'aurais vraiment pas eu le courage d'exercer ce métier. Ce tournage était littéralement « familial », car vous donniez la réplique à Aliocha Schneider, le frère de Niels Schneider, votre compagnon.C'était très drôle. D'autant plus qu'Aliocha jouait mon frère dans la série. J'avais l'impression de vivre la vie de Niels car son frère devenait le mien [rires]. Plus sérieusement, ça n'était pas simple de jouer des scènes avec lui. Quand vous avez une telle proximité dans la vie, il faut réussir à s'en défaire. Et je ne pouvais pas compter sur sa solidarité : dès que je butais sur un mot, il se mettait à rire !

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On imagine que Niels Schneider est venu vous faire un « coucou » à tous les deux ?

Pas du tout ! Quand on est acteur, il faut se mettre en condition et se persuader que ce qu'on joue est bien réel. Un peu comme un enfant qui est capable de vivre des histoires par la seule force de l'imagination. C'est ça, le métier d'acteur. Si Niels débarquait en plein tournage, la magie n'opérerait plus. Ça m'intimiderait vraiment. C'est pareil avec tous les membres de ma famille et mes amis. Ça peut paraître étrange car, à l'inverse, je ne suis pas du tout intimidée quand je dois jouer devant 250 figurants.

Comment définiriez-vous le personnage que vous incarnez ?

Plein d'angoisses, c'est son principal trait de caractère. Claire s'est construite en opposition à sa mère, une autrice de bouquins à succès sur le développement personnel qui n'arrête pas de vociférer que le bonheur est à portée de main. Claire est dans le concret, elle est un peu plus lucide que les autres membres de sa famille, dont elle est le pilier. Avec ce que vit sa nièce, elle ne s'autorise pas à aller mal. Ce qui lui vaut d'être parfois un peu dure et dans l'excès. Mais au fil des épisodes, elle va se déverrouiller et accepter sa vulnérabilité.

On a le sentiment que Claire est l'inverse de ce que vous êtes dans la vie...

[Elle réfléchit.] Je n'arrive pas moi-même à savoir si je suis angoissée ou non. Il peut m'arriver d'en avoir certains symptômes, comme ne pas beaucoup dormir. Sans me dire pour autant que je suis vraiment anxieuse. Est-ce un déni ? C'est possible... Ce qui est certain, c'est que quand je suis devenue maman [elle a deux enfants, une fille de 10 ans et un garçon de 2 mois] ça a fait naître certaines peurs chez moi. L'avion, par exemple. J'ai pleinement pris conscience que je n'étais pas immortelle.

Y a-t-il d'autres facettes de votre personnalité qui ont évolué au fil des années ?

Lors de l'avant-dernier Festival de Cannes, j'ai compris que j'étais devenue « sérieuse ». Ça m'a vraiment marquée. Les premières années, quand j'allais à Cannes, il y avait beaucoup d'improvisation. Je sortais n'importe où, je me faisais refouler de certains endroits. C'était rigolo. Désormais, tout est très cadré, j'ai un planning millimétré. Mais bon, j'ai quand même vécu plus de vingt-cinq ans en Belgique, je ne peux pas devenir totalement sérieuse !

Tout va bien est une série diffusée sur Disney+. Faites-vous une différence entre le petit et le grand écran ?

C'est fini, ça ! Il y a dix ans, il y avait encore une hiérarchie. Aujourd'hui, on ne se dit pas qu'on va jouer pour le cinéma, une plateforme ou la télévision ; on choisit simplement les meilleurs projets, comme c'est le cas avec cette brillante série. Même s'il est vrai que, souvent, celles que je reçois sont moins bien écrites que les films. Un film met plusieurs années à se monter, ce qui laisse du temps au réalisateur pour peaufiner son projet. La rencontre avec celui qui le porte est aussi primordiale.

Je serai par exemple dès le 22 novembre à l'affiche de Rien à perdre.

C'est un premier film réalisé par Delphine Deloget. Elle n'avait jamais fait de fiction. Mais quand elle m'a raconté l'histoire, j'ai tout de suite perçu que son regard était très intéressant.

« Aujourd'hui, on ne se dit pas qu'on va jouer pour le ciné ou la télé ; on choisit les meilleurs projets »

Votre carrière a explosé ces dernières années. Vous êtes devenue l'une des actrices les plus bankable, une « superstar »...

[Elle nous coupe.] Mais je n'ai pas l'impression, moi. Quand je vous entends dire ça, j'ai la sensation que vous parlez de quelqu'un d'autre. Mes amis me disent que je suis dans le déni ! Mais je le vis vraiment comme ça. La notoriété est arrivée progressivement. J'ai d'abord exercé pendant une dizaine d'années un métier, animatrice télé, qui ne correspondait pas vraiment à ce que j'avais envie de transmettre. Puis j'ai accompli mon rêve d'enfant en jouant au cinéma des rôles que j'aime. La célébrité est venue avec, mais elle ne m'encombre pas. J'ai tourné avec Jean Dujardin et Omar Sy. Je peux vous dire que, eux, ils doivent faire des selfies en permanence. En ce qui me concerne, ça n'empiète pas sur ma liberté. Je n'ai pas l'impression d'être Madonna !

Tout va bien, de Camille de Castelnau, avec Virginie Efira, Nicole Garcia, Sara Giraudeau, Bernard Le Coq. 8 épisodes de 52 minutes. Sur Disney+, à partir du 15 novembre.

Rien à perdre, de Delphine Deloget, avec Virginie Efira, Félix Lefebvre, India Hair. 1 h 52. En salles le 22 novembre.

D'APRÈS UNE HISTOIRE VRAIE

Camille de Castelnau n'est pas allée chercher bien loin pour écrire le scénario de Tout va bien« Pour la partie médicale, je n'ai rien inventé, confie-t-elle. Il y a quelques années, ma nièce de 7 ans s'est vu diagnostiquer une leucémie. Elle a dû subir une greffe de moelle osseuse, comme Rose dans la série. » Un événement qui a chamboulé le quotidien de toute sa famille. « La foudre est tombée sur nous. Ça nous a tous transformés.

Avec le recul, ça nous a soudés, ce qui n'est pas le cas dans toutes les familles. Ça peut parfois faire éclater les liens. Il est fréquent que des couples divorcent. » Comme ses personnages, Camille de Castelnau a arpenté pendant deux ans les couloirs de l'hôpital Robert-Debré. « C'était essentiel pour moi de filmer là-bas une partie de la série. » En revanche, certaines libertés ont été prises au niveau du scénario. « Ça reste une fiction, notamment dans la construction des personnages, glisse-t-elle. Je ne veux pas que mes proches se disent que c'est eux qu'on voit à l'écran [rires]. » R.J.

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