Chaque année, avec mon mec, on se prend en photo devant le sapin en pulls moches de Noël, qu'on envoie ensuite à nos familles et amis en guise de carte de vœux ; certains trouvent ça ridicule mais nous, on s'en fiche ! » revendique Judith, 36 ans, cheffe de projet à Paris. Dès le mois de novembre, c'est une déferlante de pulls parés de rennes floqués, tricotés de sapins et de bonshommes de neige que l'on a vus apparaître en boutiques. Les géants de la fast fashion tels H&M, Celio ou Pull&Bear ont rivalisé d'imagination pour séduire les plus jeunes avec des pulls aux couleurs du Grinch, des héros de Marvel ou du manga Naruto. Des produits sous licence qui se vendent comme des petits pains d'épices.

Les griffes de luxe ne sont pas en reste et osent à leur tour une incursion dans la tendance du moche. Miu Miu a ainsi sorti un pull en alpaga orné de rennes à 750 euros et Gucci un modèle monogrammé avec la mouffette de Bambi à... 1 300 euros. À Lyon, la créatrice de la marque Odette & Lulu, Élodie Rousmant, propose depuis cinq ans des modèles à l'effigie des personnages des comédies Le père Noël est une ordure et Les Bronzés font du ski (autour de 55 euros). « Avec ces sweaters, j'ai voulu importer une tradition nord-américaine mais avec la sauce raclette bien de chez nous ! » confie cette fan de pop culture des années 1970 à 1990. Conquise, la bande du Splendid lui en a acheté des dizaines. Ses clientes ne manquent pas de lui écrire après les fêtes pour la remercier de les avoir aidées à remporter le... concours du pull de Noël du bureau.

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Franc succès dans l'Hexagone

Inspirées de la tradition anglo-saxonne, les ugly Christmas sweater parties remportent en effet un franc succès dans l'Hexagone. Pour célébrer la Journée internationale du pull moche (le 15 décembre cette année), les entreprises n'hésitent plus à organiser un Secret Santa où leurs salariés s'habillent de la façon la plus kitsch possible, comme dans la fameuse scène du film Le Journal de Bridget Jones où Marc Darcy, l'amoureux secret de la célibataire anglaise, arbore un pull à tête de renne. L'an dernier, le fabricant de smoothies Innocent a réuni ses collaborateurs au musée des Arts forains à Paris. Déguisés de pied en cap, ils étaient invités à monter sur scène pour entonner l'incontournable tube All I Want for Christmas Is You de Mariah Carey. Pour ce faire, la société avait fait appel à La Norale, une chorale fondée il y a quatorze ans par deux comédiens, Antoine Deklerck et Julie Badoc. Très sollicitée par les comités d'entreprise, la troupe se relooke chez Lidl. « Leur stylisme est cool, avec des modèles à inscriptions rigolotes ou avec des LED que l'on peut faire clignoter sur scène », rapporte Antoine Deklerck.

Les municipalités se prennent au jeu de l'ugly sweater. La ville de Rouen a ainsi créé le buzz en lançant l'année dernière son « championnat normand du pull moche ». Graziella Hodierne, 38 ans, a gagné le premier prix avec un pull gris Kiabi sur lequel elle avait collé rubans, cheveux d'ange, jouets Kinder et même une guirlande clignotante. Clou du spectacle, sa coiffure en forme de sapin. « Les gens me regardaient bizarrement dans les transports mais je m'en fichais complètement, j'adore Noël et j'assume ! » nous confie cette hôtesse de caisse. « On est en plein dans le "ridi-cool", abonde Vincent Grégoire, directeur de création de l'agence Nelly Rodi. Depuis le Covid, les gens sont heureux de pouvoir se rassembler et ont envie de se marrer au premier degré. Si la mode du pull moche a été importée par les millénials qui voulaient célébrer les fêtes entre eux, elle touche désormais toutes les générations. »

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Malins, des clubs de football comme le MHSC à Montpellier ou le Paris Saint-Germain ont intégré dans leur merchandising des pulls de Noël à leurs couleurs. Cette année, le club parisien propose un modèle avec écharpe intégrée portant l'inscription « Noëlinho », en référence au Brésilien Ronaldinho. « Cela nous permet de toucher une nouvelle clientèle qui aime le foot mais qui veut surtout apporter un twist rigolo à son réveillon », rapporte Anaïse Vion, attachée de presse du club. Reste que ces articles, vendus par milliers chaque année, sont souvent de piètre qualité. « Avec ce type d'achat, on oublie les contraintes RSE, ce ne sont jamais de belles matières », regrette Vincent Grégoire. « C'est vraiment un plaisir coupable », admet Élodie Rousmant. En 2019, le Français Christophe Abraham a créé Mon pull moche de Noël, un label de pulls et de pyjamas « fun et éthiques » fabriqués en coton biologique et vendus autour de 40 euros. De quoi se sentir (un peu) moins coupable pour la photo