Théâtre : l’insubmersible Olivier Py

À la tête du Théâtre du Châtelet depuis un an, l’écrivain, metteur en scène et comédien a remis à flot une institution lourdement déficitaire et relance la création cette saison.
Olivier Py au Théâtre du Châtelet, à Paris.
Olivier Py au Théâtre du Châtelet, à Paris. (Crédits : © LTD / CAROLE BELLACHE)

Sous le vent des bourrasques du jour, la Seine roule ses eaux couleur de limon le long des quais. Entre les feuilles vert tendre du printemps, la vue est imprenable depuis les fenêtres du Châtelet, au-dessus du quai de la Mégisserie. On n'y tanne plus aucune peau, mais certains ont le derme solide sous les apparences de la délicate transparence.                      Olivier Py est ainsi. Tout glisse. Rien ne saurait longtemps le déstabiliser. Au deuxième étage du formidable bâtiment de Gabriel Davioud, il reçoit dans une pièce aux allures de boudoir et aux hauts plafonds.

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Au-dessus d'un petit sofa, le mur du fond est constellé de cadres, petits, plus grands, photos, médaillons, figures connues, anonymes. « C'est un reste de DAU [projet expérimental et controversé qui réunissait en 2019 le Théâtre de la Ville, du Châtelet et le Centre Pompidou], dit-il, riant. J'ai dit qu'il était inutile de faire disparaître cet ensemble. Je reconnais certaines personnalités, d'autres non. Des compositeurs, des chanteuses, des danseurs, des producteurs... » Tout un monde lié au spectacle vivant d'autrefois, une « installation » qui date du calamiteux DAU, opération aussi artistiquement faiblarde que dispendieuse, l'un des gestes aberrants de Ruth Mackenzie, précédente directrice.

« C'était la loge de Luis Mariano », précise, malicieux, Olivier Py. Tout glisse. Acrobate, il sait se rétablir. Sa nomination, en février 2023, n'était pas allée sans remous. S'il était candidat, on ne parlait plus guère de lui : on balançait entre deux femmes, Valérie Chevalier, expérimentée avec notamment huit ans de direction générale de l'Opéra Orchestre national Montpellier Occitanie et forte d'un projet très bien articulé et argumenté, et Sandrina Martins, directrice générale du Carreau du Temple. Réactions courroucées, papiers vipérins s'abattirent. « J'avais hésité à être candidat, confie-t-il. Après Avignon, j'étais tellement perdu... Je n'étais pas certain de retrouver l'énergie nécessaire à la direction d'une institution. Et puis des amis m'ont encouragé : "Vas-y, c'est pour toi !" Je n'ignorais pas qu'il fallait accepter et effacer un déficit de 4 millions d'euros... »

Nous avons vendu des biens immobiliers, les ateliers, et la saison, sans création, a bénéficié du succès de « West Side Story »

Olivier Py

Aujourd'hui, le trou est comblé. Comment ? « Nous avons vendu des biens immobiliers, les ateliers, et la saison, sans création, a bénéficié du gigantesque succès de West Side Story. Avec cette nouvelle saison, 2024-2025, nous repartons de zéro, sur des créations. »                La maison est accueillante, chaleureuse, très professionnelle, du côté de la technique comme de l'administration. Cent dix personnes, dont beaucoup d'anciens, qui sont sa force. Olivier Py a été bien reçu. « La Ville seule nous subventionne, à hauteur de 15 millions d'euros. Ce qui est beaucoup, mais peu au regard de l'augmentation des coûts et charges. Lorsqu'il est arrivé à la tête du Châtelet-Théâtre musical de Paris, Stéphane Lissner disposait d'une marge artistique de 7 millions d'euros ; aujourd'hui, cette marge n'est que de 1 million d'euros. » Il ne se plaint pas. Il sait qu'il y a en France, aujourd'hui, des situations bien plus difficiles. « On retire 90 millions d'euros à la création. C'est abîmer le bien commun et notamment la décentralisation. Ces maisons ne nous appartiennent pas, elles sont aux spectateurs. Il y a dans cette politique une volonté de détruire le service public. »

Rompu aux exigences financières d'une grande maison, après avoir dirigé le Centre dramatique national d'Orléans, l'Odéon-Théâtre de l'Europe et le Festival d'Avignon, Olivier Py a tout de suite inscrit Les Misérables au programme. « J'avais mis cette comédie musicale en tête de mon projet. Une comédie musicale française qui a connu un succès planétaire : il n'y a que Les Misérables. Lorsqu'ils l'avaient écrite, composée, mise en scène, Alain Boublil, Claude-Michel Schönberg et Robert Hossein l'avaient proposée au Châtelet... Mais ils ont dû aller au Palais des Sports. » Les places pour ce spectacle ont été mises en vente l'année dernière et il y a aujourd'hui plus de 35 000 billets vendus. « C'est la première fois que Cameron Mackintosh accepte une autre version que la sienne, toujours à l'affiche à Londres. À Paris, Ladislas Chollat signera la mise en scène. Nous allons retrouver Victor Hugo dans sa langue française et ce n'est pas le moindre des atouts de cette production. »

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Représentation de « L'Amour vainqueur », jusqu'au 13 juin au Théâtre du Châtelet. (Crédits : ©LTD / Alain Fonteray)

On ne résumera pas ici toute la saison. À vous les sites ! Mais on peut souligner la diversité, la qualité, l'effort sur les prix, malgré un nombre serré de représentations. Un formidable cycle pour le jeune, le très jeune public (dès 6 mois, mais oui !) sous le titre « Les p'tits fauteuils ». « Cela existait avant moi », souligne Olivier Py, qui a beaucoup écrit pour les enfants. Par ailleurs, des spectacles très originaux, tels L'Arlésienne et Le Docteur Miracle,    de Georges Bizet, des pépites comme L'Histoire du soldat, du jazz, de la danse, des concerts, des récitals, une cascade de festivals. Et puis Olivier Py, tout de même. On renouera avec l'électrique Miss Knife, née officiellement à Avignon, aux entractes de La Servante. Inoubliable. C'est un phénix. Une version donnée dans le Grand Foyer, modestement. Avec Antoni Sykopoulos et Olivier Py.

Et puis, directeur du Châtelet, reprenant la formule si juste du regretté Jean-Pierre Vincent, il dirigera depuis le plateau, montant, Peer Gynt. « On ne monte pas une telle œuvre sans avoir Peer : et j'ai compris que Bertrand de Roffignac le serait. J'ai retraduit, à partir des versions anglaise et allemande. Il est rare que tout le texte et toute la musique soient présents. Ils le seront, au Châtelet. Pour me guider, pour éclairer mon travail, il y a une lettre de Henrik Ibsen à Edvard Grieg, très inspirante. » On redescend, on retrouve la rue des Lavandières-Sainte-Opportune. On a traversé des salles, des couloirs, descendu des escaliers ; partout de magnifiques affiches, des éléments de mémoire, maquettes, dessins. Un autre Olivier rassemble ces trésors : Olivier Lefebvre. Il est la mémoire vive du Châtelet. Rendez-vous en septembre pour les premiers spectacles.

Renseignements et réservations : chatelet.com Tél. : 01 40 28 28 40. Au guichet, 1 h 30 avant le début de chaque représentation. Groupes et moins de 28 ans, cartes, offres premium, l'éventail est large.

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