Théâtre : les histoires d'Ô de Jean Varela

En quelques années, le directeur du Printemps des comédiens, à Montpellier, a fait de ce festival un rival d’Avignon.
Jean Bellorini met en scène les comédiennes de l’Afghan Girls Theater Group dans « Les Messagères » d’après « Antigone » de Sophocle.
Jean Bellorini met en scène les comédiennes de l’Afghan Girls Theater Group dans « Les Messagères » d’après « Antigone » de Sophocle. (Crédits : © LTD / Juliette Parisot)

On le sait, pour que s'épanouisse et perdure un festival, il faut souvent la rencontre d'un lieu et d'un homme. Ce fut le cas en 1947 à Avignon : au pied du mur du palais des Papes, Jean Vilar comprit quel serait le destin du vieux château médiéval. Jean Varela n'a pas été le premier directeur du Printemps des comédiens et l'on n'oublie pas Daniel Bedos, qui en 1987 prit en main les destinées spectaculaires d'un domaine qui faisait rêver et que fréquentèrent, heureux, Peter Brook et Ariane Mnouchkine. Président de la manifestation, Jean-Claude Carrière fut déterminant dans le choix, en 2011, de Jean Varela, enfant d'Occitanie, 57 ans aujourd'hui. Jean Varela est un artiste, comédien hypersensible, actif dans le développement de la culture dans les territoires, fondateur de compagnies, directeur de sortieOuest, ensemble de chapiteaux plantés dans le domaine de Bayssan, en périphérie de Béziers.

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Il fallait refaire du Printemps des comédiens un festival de création, ambitieux, exigeant, ancré dans la région mais lançant ses filets bien au-delà. Jean Varela fut l'homme de la situation, et, en quelques saisons, artistes sollicités et public firent du domaine d'Ô un des lieux les plus fertiles des arts vivants. C'est quoi ce Ô, avec circonflexe ou non selon les graphies ? C'est le domaine des « eaux ». Jean Varela connaît bien ces histoires d'Ô qu'il a magiquement prolongées, notamment en utilisant le grand bassin pour y faire jouer des spectacles. Au commencement, Charles Gabriel Le Blanc (1680-1750), commis général des sels en Languedoc, acquiert une propriété aujourd'hui grande de 25 hectares. L'eau est partout, coule, ruisselle, jaillit en sources dont celle de la Tuilerie... et l'on creuse ce bassin.

Théâtre : les histoires d'Ô de Jean Varela

Jean Varela, comédien, directeur de théâtre et du festival Printemps des comédiens. (Crédits : @Marc Ginot)

Jean Varela est séduit : « Il est vrai que l'esprit du lieu est essentiel ici. La pinède, les allées d'un jardin à la française, les roseraies, l'oliveraie, les arbres hauts qui encadrent le bassin, les statues, tout enchante. Mais nous aimons tous autant les bâtiments. La folie XVIII e , le "château", avec cette façade magnifique. Nous ne disposons pas, cette année, du petit théâtre, mais il y a les espaces à l'air libre, dans le parc, sous les micocouliers... Et, à l'entrée, les bâtiments de l'administration que Cyril Teste a utilisés magistralement pour des spectacles inoubliables, le grand Théâtre Jean-Claude-Carrière, avec ses parois en manteau d'Arlequin, et, en face, l'amphithéâtre en plein air... » Un royaume. « C'est la 14 e édition dont je suis directeur, souligne Jean Varela. Mais, depuis quelques saisons, je m'appuie sur l'un des meilleurs connaisseurs du spectacle vivant à travers le monde. Éric Bart est le directeur de la programmation. Il voyage. Il entretient les liens, il repère, il ramène les jeunes et les artistes reconnus. »

Je veux faire découvrir au public des œuvres fortes, mais j'ai toujours tenu à offrir de la place aux jeunes

Jean Varela

On ne calculera pas ici l'empreinte carbone de l'arpenteur de la planète. Il a sa ferme en Suisse. Cela doit le racheter.« Je garde le cap décidé dès les premières années, précise Jean Varela. Faire découvrir au public des œuvres fortes, et parfois très discutées, mais j'ai toujours tenu à offrir de la place aux jeunes. J'ai été très frappé, ces derniers temps, par leur très grand désarroi. Je veux que le Printemps des comédiens soit une terre d'hospitalité. » Frappant dans le programme de cette année, le lien entre metteurs en scène connus, reconnus, et les acteurs en formation. Ainsi Georges Lavaudant présente-t-il Le Malheur indifférent de Peter Handke avec 14 élèves de l'Ensad-Montpellier, tandis que le directeur de cette École nationale supérieure d'art dramatique, Gildas Milin, crée Arche, réflexion sur le théâtre et la médecine.

Théâtre : les histoires d'Ô de Jean Varela

Le festival accueille plus de 40 000 spectateurs chaque année. (Crédits : @MARIE CLAUZADE)

Jean-François Sivadier, lui, dirige les jeunes du Conservatoire national supérieur d'art dramatique de Paris dans Portrait de famille - Une histoire des Atrides, dans une scénographie des élèves de l'École des arts décoratifs. Présent également cette année, le cours Florent de Montpellier propose une variation autour des Visiteurs du soir.« Nous réunissons 40 000 spectateurs, reprend Jean Varela. Je continue d'aller dans les villes, les villages, pour présenter les spectacles. J'aime ce rapport direct avec le public, j'aime convaincre ceux qui peuvent être intimidés par les spectacles. Nous avons restreint les abonnés à 400, ce qui nous permet une véritable souplesse pour les réservations de la quarantaine de spectacles proposée. »

Avec une subvention de 3 millions d'euros, le soutien de la Métropole, de l'État, de la Région, des mécènes, un programme superbe est disponible. L'atmosphère est chaleureuse, la proximité des artistes et du public, favorisée par le lieu, est fertile. À l'horizon, la fusion du domaine d'Ô et du Printemps en établissement public de coopération culturelle permettra de faire vivre à l'année les salles, ce qui a été esquissé depuis quelques saisons. Et pour Jean Varela, les retrouvailles avec son art : il va incarner le grand Gabriel Monnet, pionnier de la décentralisation, dans un spectacle évoquant la saga des maisons de la culture qui sera créé en décembre.

Domaine d'Ô, 178, rue de la Carriérasse, Montpellier (Hérault). Du 30 mai au 21 juin. Tél. : 04 67 63 66 67. printempsdescomediens.com

De grands rendez-vous

« BALKONY - PIESNI MILOSNE » (BALCONS - CHANTS D'AMOUR)

Le Polonais Krystian Lupa s'inspire de John Maxwell Coetzee et de Federico García Lorca, reliant L'Été de la vie, de l'écrivain australo-sud-africain, et La Maison de Bernarda Alba, du poète andalou. Correspondances entre des destins de femmes ligotées par des sociétés âpres. Théâtre Jean-Claude Carrière, les 14 et 15 juin, en polonais surtitré.

« LES MESSAGÈRES »

Jean Bellorini a accueilli en septembre 2021 un groupe de neuf comédiennes et un metteur en scène ayant fui l'Afghanistan quand les talibans sont revenus au pouvoir. Tous ont appris le français, suivi des formations et continué le théâtre. Inspiré de l'Antigone de Sophocle, le spectacle mis en scène par Bellorini est splendide. Amphithéâtre, les 18 et 19 juin.

« MARIUS »

Tandis que La Réunification des deux Corées triomphe à Paris, Joël Pommerat poursuit son travail dans les centres de détention. Cette adaptation libre de Marcel Pagnol est une production professionnelle, avec des détenus qui ont recouvré la liberté. Une version savoureuse. Amphithéâtre, les 13, 14 et 15 juin.

« SUR L'AUTRE RIVE »

Familier du Printemps, Cyril Teste propose, avec le Collectif MxM, une création inspirée du Platonov d'Anton Tchekhov. Comme toujours avec ce metteur en scène passionné par les images, la vidéo tient une place importante, tout comme la musique. Amphithéâtre, les 30 et 31 mai et le 1er juin.

« FEUX ARTIFICIELS »

Le cirque a toujours eu sa place au Printemps. Le centre des arts du cirque Balthazar, dans une « mise en piste » de Martin Jouan, propose un spectacle qui s'adresse à un large public et notamment aux plus petits, à partir de 6 ans. Chapiteau Balthazar, les 5, 6, 7 et 8 juin.

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