« West Side Story » revient au Théâtre du Châtelet dans une version virtuose

Deux gangs opposés, un amour unique. La légende de Broadway revient soixante ans après sa création dans une version classique et virtuose.
Charlotte Langrand
Théâtre du Châtelet jusqu'au 31 décembre - Tournée à Bordeaux, Rouen, Lyon et Nantes en 2024.
Théâtre du Châtelet jusqu'au 31 décembre - Tournée à Bordeaux, Rouen, Lyon et Nantes en 2024. (Crédits : ⓒ Johan Persson)

Des claquements de doigts déchirent le silence nocturne des rues de New York. Vifs et à l'unisson, ils n'augurent rien de bon... Surgissent alors, dans le décor de gratte-ciel de l'Upper West Side, la bande des Jets (des Blancs) puis sa rivale, celle des Sharks (des Portoricains), prêtes à en découdre pour devenir les maîtres du quartier. Fascinée, la salle du Théâtre du Châtelet est tout de suite prise dans le tourbillon d'une longue et magistrale scène d'ouverture toute en danses, en acrobaties et en couleurs, où les deux bandes se défient. Le public est déjà au diapason de cette histoire de guerre des gangs et d'amour impossible, avec en toile de fond le contexte sociopolitique des années 1950 aux États-Unis.

Lire aussiMusique : À l'occasion des 30 ans de Taratata, Nagui livre les secrets de l'émission à succès

West Side Story et sa légende se sont donc installés sur la scène du Châtelet pour dix semaines de représentations à Paris (jusqu'au 31 décembre) avant de partir en tournée à Bordeaux, Rouen, Lyon et Nantes, en 2024. Cette comédie musicale comme seuls les Américains savent les produire déploie les grands moyens : 31 artistes, 20 musiciens, deux décors identiques et une équipe de 75 personnes au total constituent cette solide troupe qui a déjà effectué sept tournées internationales devant 3 millions de spectateurs depuis sa création en 2003. Tous ont vibré et pleuré devant l'amour déchiré de ces Roméo et Juliette des années 1960 : Tony, un Blanc, membre modéré des Jets, et Maria, une Portoricaine dont le frère est à la tête des Sharks. Malgré leur coup de foudre, ils ne pourront s'aimer dans une société hostile, emplie de préjugés, de pauvreté et de racisme.

Pourquoi changer les ingrédients qui ont fait de cette comédie musicale un succès mondial ? La mise en scène, dans la plus pure tradition du genre, est signée Lonny Price et ressemble furieusement à l'original, créé en 1957 par Jerome Robbins (mise en scène et chorégraphies), Arthur Laurents (livret), Stephen Sondheim (paroles) et Léonard Bernstein (musique). « Ce spectacle est important, il est dans ma vie depuis toujours, explique-t-il. C'est un des vrais joyaux des comédies musicales américaines. Elle a été créée par ces quatre artistes qui étaient des géants, et aujourd'hui nous sommes assis sur les épaules de ces géants. »

La xénophobie... c'est un thème toujours actuel, voilà pourquoi il n'était pas nécessaire de transformer la pièce originale

Lonny Price, metteur en scène

Avec West Side Story, ces quatre auteurs ont révolutionné le genre de la comédie musicale, racontant pour la première fois une histoire à la fin tragique, inspirée de William Shakespeare, imaginant des cadavres sur la scène d'un Broadway jusque-là habitué aux paillettes et aux claquettes. Ils ont aussi travaillé main dans la main pour que les « coutures » entre les scènes soient presque invisibles, que toutes les disciplines - la danse, le jeu d'acteurs, le chant - se fondent les unes dans les autres sans temps mort. Pour souligner cette intensité, Lonny Price a imaginé un décor sur roulettes qui « danse » lui aussi en permanence, pour former tantôt des rues sombres, tantôt la chambre-cocon de Maria, tantôt le restaurant du coin... Sur scène, d'anciennes publicités d'après-guerre vantant le rêve américain amplifient le malaise des Sharks, pour qui cette vie de privilèges est hors d'atteinte. « C'est la cause de leur colère : la xénophobie de part et d'autre, qui fait que l'on rejette l'autre et le rend responsable de son malheur, poursuit le metteur en scène. C'est un thème toujours actuel, voilà pourquoi il n'était pas nécessaire de transformer la pièce originale. »

Voici donc New York dans toute son énergie. Un New York vibrant, fascinant et violent aussi, siège d'un drame universel dansé selon la chorégraphie initiale (supervisée par le chorégraphe Julio Monge) et chanté avec brio. Car West Side Story est aussi une véritable machine à tubes : Maria, America, Tonight, Somewhere... Les artistes s'en donnent à cœur joie, avec cette façon si américaine de chanter, toute en coffre et en dents blanches. Si Maria (Melanie Sierra) et Tony (Jadon Webster) remplissent leur rôle à la perfection, le personnage d'Anita reste le plus insolent et haut en couleur, interprété avec fougue par Kyra Sorce, 27 ans. « Anita est devenue ma seconde nature, je ressens ce rôle dans mon corps et dans mon âme car je suis portoricaine, raconte-t-elle. Anita, c'est la vie de ma grand-mère, qui n'a pas pu se marier avec l'homme qu'elle aimait à cause de ses origines. Avec West Side Story, c'était la première fois que des gens avaient les tripes de parler de racisme sur une scène de théâtre. Pour moi, cette histoire est révolutionnaire. »

Théâtre du Châtelet jusqu'au 31 décembre.
Tournée à Bordeaux, Rouen, Lyon et Nantes en 2024.

Charlotte Langrand

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.