Thierry Ardisson : « Être grand-père est un kif absolu »

ENTRETIEN - Pour les 20 ans de « 93, faubourg Saint-Honoré », il remet le couvert avec sa femme Audrey Crespo-Mara, Bertrand Chameroy, Laurent Baffie, Muriel Robin, Anne Le Nen, Gérard Darmon et Franz-Olivier Giesbert.
En novembre, à l’hôtel Meurice à Paris.
En novembre, à l’hôtel Meurice à Paris. (Crédits : © Magali Delporte pour La Tribune Dimanche)

Ce qui l'a amusé le plus pendant ces quatre années de dîners sur Paris Première, c'est d'avoir fait croire qu'il adorait recevoir chez lui, au 93, rue du faubourg Saint-Honoré. Du 100 % Ardisson, là où on ne l'attend pas, toujours dans la provoc et avec un certain mépris pour le qu'en-dira-t-on. Thierry Ardisson n'a pas encore terminé son croissant et son orange pressée qu'il nous invite à sa table, au restaurant de l'hôtel Meurice. « C'est ici que je déjeune presque tous les jours », assure-t-il, parce qu'il déteste cuisiner, abomine les odeurs de nourriture et maudit les miettes sur sa table. Maniaque, certes, mais pas dépressif. À 74 ans, l'homme en noir a trouvé une sagesse dans son rôle d'époux et de grand-père. Mais n'a pas pour autant ralenti sa cadence infernale dans sa course aux idées. Et balance dès notre poignée de main « c'est vachement bien, La Tribune Dimanche ». Voilà donc une belle entrée en matière.

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LA TRIBUNE DIMANCHE - Pourquoi détestez-vous autant recevoir des invités chez vous ?

THIERRY ARDISSON - Je le vis comme une intrusion ! J'ai envie de me balader à poil quand j'en ai envie, porter mon vieux tee-shirt détendu, troué par les braises de pétard, marcher pieds nus sur ma moquette. J'ai une obsession pour le rangement. Avant chaque tournage de 93 faubourg, on prenait des photos de tous les objets pour qu'ils soient remis au même endroit la nuit même !

C'est la raison pour laquelle vous ne vivez pas avec Audrey ?

Audrey est la seule personne qui peut laisser du désordre chez moi ! Mais je pense que vivre chacun chez soi est le secret pour préserver l'amour. Cela étant, nous nous voyons très souvent, beaucoup plus que des tas d'autres couples qui vivent ensemble !

Vous ne savez donc pas cuire un œuf ?

J'y arriverais, mais je ne le fais pas. Comme changer une couche. J'ai toujours rêvé d'avoir assez d'argent pour vivre à l'hôtel. Ma mère me disait souvent : « On est un peu justes. » Ça voulait dire : on n'a pas de blé. Mon désir de gagner de l'argent n'est pas une revanche agressive, juste un moyen d'oublier les fins de mois de mon enfance.

Vous avez manqué de quoi ?

Je ne comprenais pas pourquoi on roulait dans une Dauphine et pas une DS 19 ! Quand j'étais chez les curés à Annecy, le dimanche après-midi, quand mes parents m'y ramenaient, on passait devant des propriétés avec un beau portail, une belle allée d'arbres et une belle maison au bout. Pourquoi je n'habitais pas là-bas ?

Vous leur en avez voulu de ne pas vous offrir un certain confort de vie ?

J'avais le sentiment d'être un cygne dans une famille de canards. Je me suis même demandé s'il n'y avait pas eu un échange de bébés à la maternité ! [Rires.] Je n'ai jamais compris ce que je foutais là. Je me voyais vivre à Paris, avoir du succès, de l'argent et les en faire profiter.

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Pourquoi du noir ?

Parce que ça amincit. Toute ma vie j'ai été complexé par mon poids, jusqu'au jour où j'ai eu la curiosité de savoir, avant de mourir, ce que ça ferait d'être mince. Donc j'ai fait un régime. Mais je continue à m'habiller en noir pour être sûr qu'on me reconnaisse ! [Rires.]

J'avais le sentiment d'être un cygne dans une famille de canards

Thierry Ardisson

Vous connaissez la raison de votre surpoids ?

Tout simplement parce que j'étais glouton. Je bouffais beaucoup trop...

Pour compenser ?

Peut-être... mais je n'ai jamais voulu faire de psy. J'ai eu le déclic quand j'en ai eu ras le bol d'exiger des cameramen et des photographes de faire attention à mon ventre ou à mon goitre... Aujourd'hui, j'ai appris à manger et j'ai arrêté de fumer, grâce à l'acupuncture. J'ai gagné dix ans !

Il faut une sacrée volonté !

J'ai pris de l'héroïne pendant trois ans au milieu des années 1970. Tous mes potes en sont morts. J'ai réussi à m'en sortir sans médicaments, juste en partant aux États-Unis où je ne connaissais aucun dealer. Je n'ai jamais consulté un médecin pour soigner mes addictions ou mes angoisses. Je ne voulais pas devenir accro aux médocs ou aux psys. Il ne faut pas trop s'écouter, sinon on se pardonne tout et on finit par devenir faible.

Comment tombe-t-on dans l'héroïne ?

À 20 ans, j'ai tenté de me suicider à cause d'un chagrin d'amour et puis je me trouvais face à une montagne dont je n'imaginais pas comment atteindre le sommet : Paris ! J'ai été sauvé de justesse parce que ma petite amie avait oublié ses clés. Les médecins ont voulu me « normaliser » en me soignant, mais je ne voulais surtout pas ressembler à tout le monde. Et je suis tombé dans l'héroïne... Tu n'as plus envie de manger, de boire, de baiser, de travailler. C'était une solution. Une espèce de nirvana en poudre. Une sorte de deuxième suicide. Je ne suis pas passé loin.

Vous fumez toujours des pétards ?

Oui, mais de manière beaucoup plus occasionnelle...

Quelles sont vos relations avec vos trois enfants ?

J'ai été un père absent car ils vivaient en Normandie avec leur mère. Je les retrouvais le week-end, mais j'étais épuisé par mes tournages en semaine. Quand je me suis séparé de Béatrice, j'ai commencé à nouer des relations directes avec eux. Je les ai découverts tardivement. Aujourd'hui, tout va bien. Et, je me rattrape avec mes petits-enfants. Être grand-père est un kif absolu !

Un grand-père qui n'envisage pas la retraite...

Je culpabilise de passer une matinée sans travailler. Je ne pourrai jamais m'arrêter. J'ai peur de m'emmerder... J'ai des envies d'écrire un septième livre, de réaliser des documentaires. J'ai aussi un projet qui trotte dans ma tête depuis quelques semaines. De temps en temps, je suis invité à des master class. Ces séances me nourrissent énormément, et j'ai découvert le besoin de la transmission. Ça m'a donné l'idée de monter sur scène pour raconter mon parcours. Bref, l'Ardishow ! [Rires.]

Vous semblez beaucoup plus apaisé.

C'est grâce à Audrey. J'ai vraiment eu de la chance de la rencontrer. Audrey est mon grand amour ! Heureusement, elle ne me connaissait pas avant que je la drague ouvertement en 2009. Si elle m'avait vu tourner dans des boîtes de partouze dans Paris Dernière, elle aurait fui immédiatement !

Peut-être avez-vous pensé à un enfant tous les deux ?

Certainement pas, et c'est sans doute ce qui nous a sauvés ! Audrey avait déjà deux enfants et moi, trois ; on a préféré profiter l'un de l'autre et s'épargner la corvée des rendez-vous chez le pédiatre pour soigner la bronchiolite du petit !

C'est comment, le dimanche de Thierry Ardisson ?

Comme tous les autres jours de la semaine, je bosse. Ne travaillant pas chez Bolloré, je ne suis pas obligé de dire que je vais à la messe ! [Rires.]

SES COUPS DE CŒUR

SÉRIES ET LIVRES D'HISTOIRE

Quand il n'est pas sur YouTube ou devant des documentaires sur Arte, Thierry Ardisson regarde des séries. « Je viens de terminer la saison 3 du Morning Show. Jennifer Aniston est vraiment bien. » Il préfère les autobiographies ou livres historiques aux romans parce qu'il a toujours soif de savoir. Il partage avec sa femme ce petit plaisir de dîner au restaurant Langosteria - Cheval Blanc, ou ils savourent des plats italiens après une sortie théâtre. « Nous avons passé un très bon moment avec la pièce Lapin avec Muriel Robin et Pierre Arditi. »

Paris Première, en clair sur le canal 41 de la TNT. Vendredi 15 décembre à 21 heures : 214, rue de Rivoli : le dîner spécial 20 ans ; 22 h 35 : 93, faubourg Saint-Honoré : la crème de la crème (documentaire).

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