![Le 21 octobre à Düsseldorf, pour le match entre le Fortuna et Kaiserslautern.](https://static.latribune.fr/full_width/2266758/le-21-octobre-a-dusseldorf-pour-le-match-entre-le-fortuna-et-kaiserslautern.jpg)
Ce n'est pas un mouvement de fond mais le début d'une tendance. Deux clubs professionnels européens viennent de lancer des projets de billetterie gratuite. C'est très concret pour le Paris FC (PFC), qui évolue en Ligue 2 et a démarré cette opération hier (avec une jauge limitée, le temps de mesurer le taux de no show). Elle doit se prolonger toute la saison et concerne aussi les matchs de l'équipe féminine, sauf en Ligue des champions. Le Fortuna Düsseldorf, pensionnaire de D2 allemande, n'a pas été aussi loin : seules trois rencontres sont testées cette saison. Mais le club de Rhénanie-du-Nord-Westphalie vise le 100 % gratuit d'ici cinq ans.
Des démarches plus approfondies que l'opération coup de poing pour soutenir l'équipe lors d'un match crucial ou, au contraire, sans enjeu, comme cela se fait parfois. Dans les deux cas, les dirigeants justifient l'opération par la nécessité de créer du lien, de faire venir un nouveau public, de rendre accessible le football. « C'est un enjeu sociétal en ces temps de baisse du pouvoir d'achat, explique Pierre Ferracci, actionnaire majoritaire et président du PFC. Quand on peine à s'alimenter ou à se soigner, le premier poste que l'on coupe c'est les loisirs. Étudiants, catégories modestes : on veut remettre les gens dans les stades. Je ne le nie pas, on espère aussi remplir Charléty, où l'affluence est un point faible. »
Le manque à gagner doit être comblé par les partenaires. À Düsseldorf, il est de l'ordre de 8 millions d'euros par saison. Trois sponsors (Hewlett Packard, Targobank, Provinzial) ont déjà conclu des accords. Mais la règle du 50+1, stipulant qu'un club ne peut être détenu à plus de 49 % par un investisseur privé, constitue une contrainte. Au soutien du projet, l'association Common Goal, cofondée par le milieu espagnol Juan Mata, loue « le courage » du Fortuna et sa lucidité, arguant que la viabilité des clubs sera « de plus en plus déterminée par leur engagement social » à l'avenir.
Au PFC, la billetterie ne représente que 2 % du budget. En intégrant les surcoûts (sécurité), l'opération est estimée à 1 million d'euros. Or l'actionnariat est solide, avec le royaume de Bahreïn notamment. « C'est plutôt une bonne opportunité avec un risque minimum », souligne Guillaume Gouze, consultant au pôle économique et codirecteur du diplôme Stadium Manager du CDES, qui doute de l'effet boule de neige : « C'est un cas particulier. Dans le rugby, on chasse le gratuit. Dans le foot, il y a de nouveaux stades et de nouveaux outils pour cibler le public. Ça peut fonctionner à Paris, où ça ne perturbe pas l'économie du club, mais je ne suis pas convaincu que ce modèle soit dans les cartons ailleurs. »
Le show pailleté de Guazzini
Pour exister face à l'offre sportive et culturelle dans la capitale, il faut se différencier. Délégué général de l'Union Sport & Cycle, Virgile Caillet juge « maligne » l'annonce du PFC car elle permet de « s'installer comme le deuxième club parisien » en prenant « le contre-pied du PSG » avec ce côté populaire. « Mais le PFC et le Fortuna ne se poseraient peut-être pas la question s'ils étaient en première division avec des affiches susceptibles de rapporter plusieurs millions, poursuit-il. Ce modèle est valable quand la billetterie n'est pas un enjeu stratégique. » Monaco, qui avait invité plus de 6 000 personnes le 1er janvier, coche la case, par exemple. Mais l'ASM n'a sans doute pas le public potentiel pour remplir Louis-II chaque week-end.
À Düsseldorf, la Merkur Spiel-Arena, 51 500 places, un des stades de l'Euro 2024, affiche un taux de remplissage de 55 % depuis quatre saisons en D2. Aux alentours, quatre mastodontes font le plein (Dortmund, Cologne, Mönchengladbach, Schalke 04). Le stade Charléty, avec sa piste d'athlétisme et ses courants d'air, a la 15e affluence de L2. La gratuité, qui permet aussi de récolter des données, peut créer un effet d'entraînement sur le merchandising, les partenaires, la crédibilité du projet... « Ça a du sens », note Virgile Caillet, qui pointe néanmoins « deux écueils » : « En marketing, tout ce qui est gratuit n'a pas de valeur, il faut être vigilant à ne pas déprécier le produit. Ensuite, le spectacle sportif doit donner envie de revenir. »
Les résultats doivent suivre et les animations autour être à la hauteur. Au milieu des années 1990, le Stade français de Max Guazzini était sorti de l'ombre en proposant, déjà, des entrées gratuites enrobées dans un show pailleté. « Dans un premier temps, on a fait venir les gens, se souvient Luc Dayan, qui avait épaulé Guazzini. Quand l'habitude s'est créée, ils ont pris leur abonnement. » Dans l'idéal, si cela fonctionne, Pierre Ferracci souhaite que le projet se prolonge au-delà de cette saison. « En tout cas, élargit-il, j'aimerais que le Fortuna et le PFC fassent des émules. Peut-être pas avec la gratuité intégrale, mais ça devrait être un mouvement de fond. Les entreprises dans le cadre de la RSE seraient inspirées en facilitant l'accès au foot pour tous. »
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