« Mon père a mis le bar haut ! » (Thomas Dutronc)

Le chanteur sort bientôt un album live issu de sa tournée avec son paternel. Pour « La Tribune Dimanche », il revient sur sa condition pas si désagréable de « fils de ».
Thomas Dutronc, le 28 septembre à Paris.
Thomas Dutronc, le 28 septembre à Paris. (Crédits : Cyrille George Jerusalmi)

Ne vous fiez pas aux apparences, Thomas Dutronc n'a rien d'un jeune quinqua qui mène sa vie en dilettante. Avec son sourire coquin et ses lunettes teintées, on pourrait penser que... mais non. Dans la famille Dutronc, on est myope de génération en génération. S'il reconnaît que son « père a trouvé le bon plan avant lui », les lunettes sont la solution miracle pour estomper les signes de fatigue... À 15 heures pétantes, il descend les marches du quai de Montebello, sa veste sous le bras. Philanthrope, respectueux, ponctuel et toujours d'humeur badine.

Pourquoi avoir choisi la péniche Le Son de la Terre pour notre tête-à-tête ?

C'est un nouveau lieu, au pied de Notre-Dame, sur l'eau - comme son nom ne l'indique pas -, dont je suis le parrain. Ça veut dire que j'y passerai faire le bœuf de temps à autre, à l'improviste. Le patron est copain avec Pierre Richard, tout comme moi. Je joue parfois avec son fils, Olivier Defays, un excellent saxophoniste. J'ai fait un déjeuner génial avec eux...

Et vous n'avez pas bu que de l'eau, j'imagine...

C'est vrai que Pierre est un grand amateur de vin, mais aussi de musique de jazz. Il a un cœur en or et est assez adroit pour percevoir le bon et le beau autour de lui. En revanche, je l'ai déjà vu tomber entre deux fauteuils.

Vous vous sentez en harmonie avec notre époque ?

J'ai toujours l'impression que c'était mieux avant, que le pire reste à venir. À part les tubes des années 1980 qui étaient donc de mon temps, j'écoutais du rock des années 1960 ou 1970. À 15 ans, j'écoutais les tout premiers raps américains. À 18 ans, c'était l'âge où je me cherchais et j'ai eu grand besoin de modèles lumineux autres que ceux de mes parents. C'est ainsi que j'ai découvert Brel, Brassens, Ferré.

Il y avait un décalage avec les autres enfants ?

J'ai sauté la classe de CE1 car j'étais un très bon élève. Je dois reconnaître que j'avais beaucoup de facilités. J'aspirais juste à faire mes devoirs puis à jouer aux jeux vidéo avec les copains.

En revanche, avec les filles, j'ai longtemps ramé. Avant mes 15-16 ans, j'étais trop timide pour leur avouer mes sentiments...

« Être le fils de deux mythes ouvre des portes. Il ne faut pas les ouvrir trop vite »

Thomas Dutronc

 Vous pensez que l'on vous aimait parce que vos parents...

J'ai toujours eu beaucoup de chance. Il y avait un tel capital sympathie des gens envers moi que je me suis toujours senti obligé d'être respectueux et poli en raison de cet amour que l'on m'envoyait. Avoir des parents célèbres est une chance, mais qui peut aussi peser lourd. J'ai coutume de dire que mon père a mis « le bar haut » ! Quand j'allais en boîte de nuit à 16 ans, je savais que j'allais être observé...

Vous avez toujours dû faire des efforts pour prouver que vous étiez un mec bien ?

J'ai été élevé comme ça. Peut-être par ma grand-mère maternelle... Chez les Dutronc, il y a cette acceptation tacite : ne pas être « correct » est complètement indécent. C'était tout sauf « moi je ». Mon père a dû être pas mal tiraillé par sa nature et ce qu'il vivait avec son immense notoriété qui rendrait même Bouddha égocentrique ! Mais de nature, c'est vraiment un Dutronc.

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Thomas, vous êtes donc un vrai gentil...

Oui, mais il m'arrive aussi d'exploser... L'important, c'est de s'excuser. Je ne peux pas me coucher en étant fâché.

On m'a dit que vous aviez été réformé P3... Allô Actors Studio ?

Je me suis pris au jeu comme l'acteur de Tarzan qui hurlait à la fin de sa vie. J'avais tellement peur qu'on me dise que je faisais du chiqué que je suis devenu dépressif deux mois avant les trois jours ! Le sergent a complètement adhéré à ma performance d'acteur, puisqu'il a dit: « Bon, vous ne le ferez pas, hein, mais il faudrait vous faire suivre pour vos angoisses. »

Il y a un vrai débat sur les nepo babies, un néologisme qui se traduit par  « enfants du népotisme », les fils de... Vous vous sentez concerné ?

C'est à la fois une chance et un handicap. Évidemment qu'être le fils de deux mythes de la chanson française ouvre des portes. Déjà, il ne faut pas les ouvrir trop vite ou n'importe comment. Mais j'ai réussi à m'imposer tout seul, en tant que musicien d'abord puis comme chanteur. Je me sens légitime.

Pourquoi cette fascination pour le milieu manouche ?

Je suis devenu fou de guitare à mes 18 ans, et j'étais un grand fan de blues. Quand j'ai entendu Django Reinhardt pour la première fois, ça m'a fait un choc. Il jouait totalement différemment de tout ce que j'avais pu entendre jusqu'alors. Sa main était mutilée et je n'avais jamais entendu quelqu'un jouer avec autant de virtuosité ! Puis j'ai découvert qu'en France on avait d'immenses guitaristes d'origine manouche qui jouaient la musique de Django.

Vous les fréquentez en dehors de la musique ?

J'ai toujours eu un intérêt mystique, grâce aux sciences, au vertige dans l'infiniment grand ou l'infiniment petit, mais sans jamais être religieux. Grâce aux manouches, j'ai assisté à des messes qui m'ont plu. Il y avait une vraie communion, j'ai senti que l'on n'était pas seul sur terre. Ils vibraient tous ensemble.

Vous venez de passer le cap de la cinquantaine. Alors, heureux ?

Ça m'a foutu un coup de blues. J'ai beaucoup plus de mal à me forcer à faire les choses. Je me concentre sur l'essentiel, faire des chansons et de beaux concerts, voir les amis, la famille. Je peux dire merde plus facilement...

Un album live de vos concerts avec votre père sort bientôt. Que gardez-vous de cette expérience unique ?

On m'a souvent demandé si c'était un rêve, je dois dire que oui. Ça ne semblait pas réel de se retrouver là avec mon père. Son humour, sa voix sont merveilleux. Ses chansons n'ont pas pris une ride, et les miennes tenaient vraiment la route. Ça contrebalançait bien son répertoire le plus connu... En revanche, je dois avouer que mon père n'était pas toujours simple à manœuvrer. Il se mettait beaucoup de pression, contrairement à ce que l'on imagine...

C'est quoi, un dimanche avec Thomas Dutronc?

Quand je ne me réveille pas avec une gueule de bois due à la fièvre du samedi soir, je profite du marché. À la campagne, je vais chercher des œufs frais à vélo. Le dimanche, c'est aussi le jour de l'éclair au café ! Et j'aime bien regarder des débats politiques. ■

L'album live Dutronc et Dutronc - La tournée générale ! sortira le 24 novembre.

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