Qui est Céline Boutier, l’athlète française numéro 3 mondial en golf ?

Méconnue du grand public, la golfeuse réalise une saison exceptionnelle sur les circuits américain et européen. Sa trajectoire ébrèche le cliché de discipline réservée à l’élite.
Solen Cherrier
Céline Boutier lors du Maybank Championship à Kuala Lumpur, le 28 octobre.
Céline Boutier lors du Maybank Championship à Kuala Lumpur, le 28 octobre. (Crédits : YONG TECK LIM/GETTY VIA AFP)

Si Caroline Garcia ou une autre joueuse de tennis française avait remporté Roland-Garros, trois grands tournois et faisait jusque-là la course en tête au classement WTA calendaire, on ne se poserait pas beaucoup de questions : on lui décernerait déjà le trophée de sportive de l'année et on passerait à autre chose. Céline Boutier, elle, joue au golf. Une discipline ni populaire ni médiatique dans l'Hexagone, encore moins conjuguée au féminin. Sa fiche Wikipédia est moins développée que celle d'un footballeur moyen de Ligue 1, alors qu'elle présente un exercice « exceptionnel », le qualificatif invariablement employé.

« Exceptionnel tous sports confondus », précise Patricia Meunier-Lebouc, qui était la dernière Française à avoir remporté un majeur (2003), la deuxième après Catherine Lacoste en 1967, avant que la Francilienne triomphe à l'Amundi Evian Championship fin juillet. « Déjà, on n'est que trois femmes et un homme [Arnaud Massy en 1907] à l'avoir fait, reprend-elle. Mais gagner trois autres tournois au regard de la densité sur le circuit, ça commence à peser. Ça n'arrive pas souvent. Seuls les grands champions comme Tiger Woods y parviennent. » Le nom est posé à titre indicatif. Évidemment, il n'est pas question de tracer un parallèle, quand bien même les origines (thaïlandaises) sont communes.

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Il y a deux semaines en Malaisie, Céline Boutier a donc soulevé son quatrième trophée depuis mars. Personne n'a fait mieux. Troisième du classement mondial, elle mène la race (points sur la saison en cours) sur les circuits américain (LPGA), 2,73 millions de dollars de gains à la clé, et européen (LET). La planète golf se demande quand elle passera numéro 1. Ce ne sera pas cette semaine, car elle n'a pas passé le cut à l'Annika, en Floride. Mais celle qui est néotrentenaire depuis vendredi a encore deux occasions d'ici à la fin de l'année. Une ascension programmée ? Elle jure que non, qu'elle avait « zéro talent » à la base et qu'elle doit tout à sa prédisposition au travail, a-t-elle raconté dans L'Équipe Mag.

Aucun talent, vraiment ? Son amie Alexandra Bonetti note qu'elle n'était pas en équipe de France très jeune et admet que, comme elle, « elle travaillait beaucoup plus que la moyenne ». Mais Céline Boutier a aussi été championne de France minimes (2009), championne d'Europe en 2013 et numéro 1 mondiale amateur un an plus tard. « On ne le devient pas sans talent, tranche Philippe Thezier, ancien directeur du Paris Country Club (PCC), où elle a signé sa première licence à 7 ans. Déjà, elle était très douée physiquement. » Le dirigeant se souvient de l'avoir emmenée à l'Insep pour des tests qui indiquaient « une VO2max de championne ».

Patricia Meunier-Lebouc, elle, a flashé à la première rencontre, lors d'un stage de l'équipe de France en Floride auquel elle avait été conviée pour un partage d'expérience. Là, devant le practice, une joueuse ressortait. « Mais c'est qui, ça ? C'est trèèèès bien », s'estelle exclamée en interrogeant son mari du regard. « D'accord, elle n'a pas un grand gabarit et ne frappe pas fort dans la balle, mais il fallait voir la justesse, le rythme, la ténacité... » Pour Karine Mathiot, qui l'a eu cinq ans en équipe nationale, « certains clament qu'ils veulent être numéro 1 et d'autres ne le disent pas mais l'ont au fond d'eux, elle appartient plutôt à la seconde catégorie. Ça vient de son humilité ». De sa discrétion.

Elle n'a aucune limite. Elle est sur une vague. Alors vas-y, surfe, il n'y pas de raison que ça s'arrête !

Patricia Meunier-Lebouc, vainqueur d'un majeur en 2003

Ses racines thaïlandaises l'ont aussi affranchi du dilettantisme souvent accolé aux joueurs tricolores, est-elle convenue dans L'Équipe Mag. Le père, qui a, paraît-il, pratiqué la boxe thaïe à un bon niveau, est devenu accro aux greens sur le tard. « Il s'entraînait tout le temps, comme un passionné, a-t-elle rembobiné. Et comme j'étais sans cesse avec lui, j'ai eu très tôt cette éthique de travail. Ma mère était très stricte pour tout le reste. » « Une éducation à l'asiatique, selon Philippe Thezier. On travaille à l'école, on ne fait pas de vagues, on se tient comme il faut... » À Montrouge (Hautsde-Seine), les parents tenaient un garage. L'appartement familial était au-dessus et, dans le jardin, il y avait un filet pour taper. Très vite, elle a délaissé le tennis et le piano pour le golf - son frère y a aussi fait carrière (prof en Floride), pas sa sœur jumelle. Très tôt, elle a appris que « si [elle voulait] quelque chose dans la vie, on ne [le lui] donnerait pas ». En 2012, Céline Boutier décroche une bourse d'études à l'université Duke (Caroline du Nord), réputée pour sa team golf. Elle y remporte quatre tournois, le championnat par équipes et un titre de meilleure joueuse. Puis elle déménage à Dallas pour se rapprocher de son entraîneur Cameron McCormick, qui est celui de Jordan Spieth, alors numéro un mondial, pour travailler son swing et sa confiance.

Sur la route vers le sommet, 2019 a été un tournant : première victoire LPGA, première Solheim Cup (l'équivalent féminin de la Ryder Cup), collaboration avec son actuel préparateur physique et avec la psychologue Meriem Salmi pour le mental. Entre deux tournois, elle vit toujours au Texas. Passe au moins six heures par jour seule. S'entraîne sans musique ni téléphone. Elle est inscrite à un book club et on lui connaît une passion pour les oursons guimauve de Cyril Lignac. Une vie consacrée à un sport volatil qui est une quête perpétuelle. Une vie de sacrifices ? « Des choix qu'elle a faits pour exceller », corrige Alexandra Bonetti, pour qui sa victoire à Évian, prolongée par un succès au Scottish Open la semaine suivante, a fait « sauter le dernier petit verrou ».

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Ce coup d'éclat a aussi rejailli sur le golf français. L'Équipe l'a affichée en une. Les réservations sur le parcours ont plus que doublé. « Ça a été un coup de projecteur énorme avec un vrai impact », indique Amélie Bourdin, la directrice du tournoi. Le milieu se prend à rêver que cette fille qui casse un peu le cliché du sport de riche endosse le rôle d'ambassadrice. Un documentaire, coproduit par la Fédération et Lacoste, s'apprête à sortir. Céline Boutier n'aime pas trop la lumière. Introvertie par nature, dit-elle. Rare dans les médias, aussi, parce qu'elle craint de dérégler la machine. Elle tend à s'ouvrir. « Accepter ce statut de porte-drapeau, c'est nouveau pour elle, souligne Meriem Salmi. Mais à la différence de certains athlètes qui relâchent l'accompagnement psychologique une fois en haut, elle sait que c'est important. »

Paris 2024 pointe à l'horizon. Comme « un sixième majeur » sur un parcours qu'elle connaît par cœur. En 2021 à Tokyo, elle avait terminé 34e. « À sa place, j'aurais les JO en ligne de mire, émet Patricia Meunier-Lebouc. Elle n'a aucune limite. Elle est sur une vague. Alors vas-y, surfe, il n'y a pas de raison que ça s'arrête ! »

Solen Cherrier

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