« Sur terre, la vie est plus compliquée » (Thomas Pesquet)

Réputé pudique, l’astronaute star se raconte dans un livre très personnel. Pour « La Tribune Dimanche », il se confie encore plus.
Place de l’Odéon à Paris, mercredi.
Place de l’Odéon à Paris, mercredi. (Crédits : CYRILLE GEORGE JERUSALMY POUR LA TRIBUNE DIMANCHE)

Dans son autobiographie, Ma vie sans gravité, Thomas Pesquet se dévoile mais pas trop. Quand notre objectif est de savoir qui se cache vraiment derrière son scaphandre, le sien est de viser la lune.

LA TRIBUNE DIMANCHE- Vous étiez quand même vraiment mieux là-haut, non ?

THOMAS PESQUET- Clairement. La vie était intense, mais au final plus simple. Avec des priorités claires, des moyens de communication limités, des interlocuteurs contrôlés. Sur Terre, la vie est plus compliquée. Tout le monde a mon numéro de téléphone, il y a plein de choses à faire. Et puis l'actualité est déprimante. Ces six mois de parenthèse dans l'espace, c'était précieux pour ça aussi.

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Dans votre livre, vous expliquez que votre compagne, Anne, a très mal vécu le jour de votre départ dans la Station spatiale internationale [ISS]. Vous avez ressenti de la culpabilité ?

Pas sur le moment, car c'est alors l'aboutissement d'un travail dans lequel j'avais tout investi depuis des années. Avec le recul, je m'en veux de ne pas avoir ressenti qu'elle souffrait de me voir partir. Peut-être par manque d'empathie. Je me rends compte aujourd'hui à quel point ça a été difficile pour mes proches.

Depuis votre séjour, vous croyez aux extraterrestres ?

La vie ailleurs que sur la Terre, oui, je pense. Pas les petits hommes verts avec leurs vaisseaux spatiaux... mais une forme de vie, oui, pourquoi pas ? On trouve de nouvelles exoplanètes tous les jours et des milliards de galaxies. Ce serait quand même un peu présomptueux de se dire qu'on est les seuls.

Vous étiez avec des Russes dans l'ISS. Ça serait encore possible aujourd'hui, avec la guerre en Ukraine ?

Les Russes continuent dans la Station parce qu'ils honorent les engagements qui ont été pris il y a vingt ans, mais ils ne collaboreront plus avec l'ISS à partir de 2024. Les prochaines phases de la conquête spatiale par la Nasa se feront sans eux. Et c'est bien dommage.

Pourquoi ?

Plus on a de coopération entre les pays, plus c'est difficile de se mettre sur la tronche, permettez-moi l'expression. Quand on regarde les pays représentés dans l'ISS, la France, l'Italie, l'Allemagne, les États-Unis, le Japon, la Russie, ils se faisaient la guerre en 39-45. Donc une coopération entre tous ces pays-là, pacifiques pour la science et la recherche, pourrait avoir un effet positif. Mais on a vu que ça avait des limites avec l'invasion russe en Ukraine.

Vous attendiez-vous à un tel engouement une fois de retour sur Terre ?

Pas du tout. C'est vertigineux, dans le sens où je continue à avoir une vie complètement normale. J'ai toujours mon salaire de l'Agence spatiale, je prends le train, j'appelle le plombier quand j'ai un problème, je fais mes courses au supermarché du coin. Mais c'est vrai que c'est devenu beaucoup plus compliqué.

Vivement la retraite ?

J'ai ce fantasme d'habiter une maison dans un coin tranquille avec mon propre jardin, de passer mes journées à bouquiner dans un fauteuil au coin du feu. Mais je pense que ça n'arrivera jamais, parce que j'ai besoin de me nourrir de nouvelles expériences. Quand je ne pourrai plus aller dans l'espace, je me consacrerai à la transmission. C'est le côté enfant de profs.

Après avoir conquis l'espace, vous avez encore des rêves, une to-do list ?

J'aimerais passer mon permis d'hélicoptère, voyager en Australie... Un jour, on m'a dit : « Dans sa vie, il faut écrire un livre, construire une maison et planter un arbre. » Il me reste encore deux missions.

Vous avez toujours été bon élève, toujours dans la compétition. Un peu fayot, non ?

Oui, sûrement. J'étais le premier de la classe, mais toujours au fond de la classe.

Vous n'étiez pas celui du premier rang à lever le doigt ?

Non, parce que j'avais envie d'être populaire, le bon camarade qui aime bien rigoler... Comme mes parents étaient profs, je voulais leur faire plaisir avec de bonnes notes. C'était ma façon de les séduire. C'est une habitude des derniers d'une fratrie. Avec un peu de séduction, j'arrivais à obtenir ce que je voulais...

Séducteur, mais avec des TOC...

Être organisé, c'est avoir des TOC ? J'aime bien que les choses soient à leur place. Qu'il y ait une étiquette sur chaque tiroir de la boîte à outils qui indique « vis de 12 », « vis de 13 », c'est normal, non ? On est comme ça dans la famille Pesquet...

Vos chaussures sont bien alignées dans la penderie ?

Non, pas à ce point-là ! Mais j'aime bien avoir le même modèle de cintres pour toutes mes chemises... S'ils sont un peu plus carrés ou plus ronds, ça ne va pas. Beaucoup trop bordélique à mon goût.

Ne nous dites pas que vos chemises sont rangées par dégradé de couleurs ?

Non, ça, ça s'appelle être psychopathe. Je ne suis pas à ce niveau-là. On va dire intermédiaire, advanced plus. [Rires.]

Votre mère a tendance à vous traiter comme si vous étiez encore un enfant...

Et ça ne changera jamais ! [Rires.] Elle s'inquiète toujours pour moi, quand je conduis trop vite, quand je suis en road-trip à moto en Écosse... Je ne vous parle même pas de sa réaction quand je lui ai annoncé que je partais dans l'espace. Elle a peur aussi que je sois récupéré par la politique. C'est sûr qu'une proposition de ministre de la Transition écologique peut être séduisante, mais je n'ai certainement pas envie de prendre cette voie-là.

C'est quoi, le dimanche de Thomas Pesquet ?

Quand je suis à Cologne, je pars courir, c'est le seul moment où j'ai le temps. Mais en général, ça finit toujours avec une valise à boucler. Soit à Rome pour retrouver Anne, soit dans d'autres villes pour des raisons professionnelles. Et j'en profite aussi pour regarder mes mails... Mes week-ends ne sont pas si marrants.

Ma vie sans gravité, Thomas Pesquet, éditions Flammarion, 416 pages, 24 euros.

SES COUPS DE CŒUR

Les rares moments où il ne bosse pas, il tente de se changer les idées pour apporter un peu de légèreté à son quotidien. « Je suis hyper sérieux dans ma vie, alors j'ai besoin de voir un film feel good et non une tragédie. » Les Trois Mousquetaires est son dernier coup de cœur, et le livre d'Isabelle Autissier Soudain, seuls, l'histoire d'un couple qui part seul en mer et dont le voyage vire au drame, l'a profondément bouleversé. « Avec Anne, nous pourrions aussi partir un jour en mer... » La boxe, le judo et le running sont ses exutoires pour ne pas perdre pied sur la terre ferme.

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Commentaire 1
à écrit le 22/10/2023 à 9:49
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Ben il faut des gars solides pour vivre dans l'espace et il est, ensuite quand on est plus intelligent que la moyenne en effet notre système de fous furieux fait par les fous furieux pour les fous furieux est franchement repoussant et on comprend san...

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