Pékin va acheter plus de voitures, d'avions et d'énergie aux USA

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Pekin va acheter plus de voitures, d'avions et d'energie aux usa[reuters.com]
(Crédits : Jason Lee)

par David Lawder et Andrea Shalal

WASHINGTON (Reuters) - La Chine s'est engagée à acheter aux Etats-Unis pour près de 80 milliards de dollars (72 milliards d'euros) de produits manufacturés supplémentaires au cours des deux prochaines années, ainsi que pour plus de 50 milliards de dollars de plus de ressources énergétiques, a déclaré une source informée du contenu de l'accord commercial qui doit être signé mercredi par les deux premières puissances économiques mondiales.

En soutien à un rare secteur affichant un excédent commercial avec la Chine, Pékin va aussi augmenter d'environ 35 milliards de dollars ses achats de services américains sur cette même période de deux ans, a dit cette source lundi à Reuters.

L'accord commercial de "phase 1" qui sera signé mercredi prévoit aussi un accroissement de 32 milliards de dollars sur deux ans des importations chinoises de produits agricoles américains, soit environ 16 milliards par an, a poursuivi cette source.

En les ajoutant aux 24 milliards de dollars d'exportations annuelles déjà existantes, sur la base des chiffres de 2017, le montant total des achats chinois de produits agricoles américains atteindra ainsi à peu près l'objectif de 40 milliards par an fixé par le président américain Donald Trump.

Ce montant de 32 milliards de dollars sur deux ans par rapport à 2017 a été confirmé lundi par Myron Brilliant, chef des affaires internationales de la Chambre de commerce des Etats-Unis, qui s'exprimait devant la presse à Pékin.

Tous ces chiffres devraient être annoncés mercredi lors de la cérémonie de signature de cet accord commercial par Donald Trump et le vice-Premier ministre chinois Liu He à la Maison blanche.

Deux autres sources informées du contenu de cet accord de "phase 1" ont confirmé ces ordres de grandeur sans fournir de chiffres précis.

Il n'a pas été possible dans l'immédiat de joindre les services du représentant américain au Commerce, Robert Lighthizer.

BOEING GRAND BÉNÉFICIAIRE ?

Lors de l'annonce, le 13 décembre dernier, de la conclusion d'un accord de phase 1 entre Washington et Pékin, après 18 mois de guerre commerciale déclenchée par Donald Trump, des responsables américains avaient déclaré que la Chine s'était engagée à acheter pour 200 milliards de dollars supplémentaires de produits agricoles, de biens manufacturés, de ressources énergétiques et de services aux Etats-Unis au cours des deux prochaines années, par rapport à 2017.

Ils avaient alors dit qu'ils publieraient des objectifs chiffrés pour ces quatre grands secteurs sans fournir de détails par catégories de produits pour éviter toute distorsion de marché.

Donald Trump a particulièrement insisté sur le volet agricole alors que les habitants des zones rurales aux Etats-Unis constituent l'un des piliers de son socle électoral en vue de l'élection présidentielle de novembre prochain. Ce secteur a été l'une des cibles principales des représailles chinoises aux relèvements de droits de douane américains depuis près de deux ans.

La hausse de 80 milliards de dollars des importations chinoises de produits manufacturés concerne en particulier le secteur automobile, l'aéronautique, le matériel agricole, les équipements médicaux et les semi-conducteurs, a dit l'une des sources, sans fournir de noms d'entreprises.

Dans le secteur aéronautique, il est probable que cela bénéficie avant tout à Boeing, premier exportateur des Etats-Unis, dont les nouveaux contrats avec la Chine se sont quasiment interrompus au cours des deux dernières années. Une telle perspective serait bienvenue pour l'avionneur américain, qui souffre depuis près d'un an de l'interdiction de vol du 737 MAX après deux catastrophes aériennes en l'espace de cinq mois.

La source ayant fourni des chiffres a néanmoins exprimé son scepticisme quant aux engagements de la Chine sur les produits manufacturés américains car cet accord de phase 1 ne traite aucune des barrières non-tarifaires qui bloquent depuis des décennies leur accès au marché chinois, telles que les procédures d'appels d'offres, les normes de fabrication ou encore les subventions dont bénéficient les entreprises publiques chinoises.

MÉCANISME CONTRAIGNANT

En ce qui concerne le secteur automobile, il est difficile de percevoir l'intérêt de la Chine à acheter davantage de voitures construites aux Etats-Unis alors que son marché devrait se contracter pour une troisième année consécutive en 2020 et que l'excédent de ses capacités industrielles s'aggrave. Les véhicules assemblés aux Etats-Unis les plus populaires en Chine sont notamment les SUV des marques allemandes BMW et Mercedes-Benz.

Le scepticisme autour de cet accord commercial est aussi nourri par les grands objectifs industriels que s'est fixés la Chine pour dominer les secteurs mêmes dans lesquels elle s'engage à accroître ses importations auprès des Etats-Unis.

Nombre d'économistes et d'experts doutent ainsi que cet accord de phase 1 sera appliqué à la lettre, malgré l'inclusion de ce que les responsables américains présentent comme une clause puissante d'obligation de mise en oeuvre.

Ce mécanisme d'application de l'accord prévoit, en cas de griefs, des consultations à des échelons de plus en plus élevés, jusqu'à Liu He et Robert Lighthizer.

En cas de blocage sur une réclamation américaine, les Etats-Unis pourront rétablir des droits de douane en proportion du dommage économique estimé. Rien n'interdit cependant à la Chine de riposter, ce qui ramènerait les deux parties à la situation actuelle, disent des sources proches de l'accord.

Robert Lighthizer a qualifié lundi cet accord d'"énorme pas en avant" dans les relations commerciales entre les deux pays et de "vraiment, vraiment bon accord pour les Etats-Unis". Il a déclaré sur Fox Business Network que les Etats-Unis seraient très vigilants quant au respect de l'accord par Pékin.

"Nous attendons de leur part qu'ils respectent la lettre de cet engagement. Nous déclencherons des recours, nous déclencherons des actions à leur encontre s'ils ne le font pas", a-t-il dit.

(Avec Gabriel Crossley à Pékin; version française Bertrand Boucey, édité par Sophie Louet)